L’écrivain mauritanien Mbarek Ould Beyrouk prend la plume afin de faire le bilan de Mohamed Ould El-Ghazaouani, qui achève un mandat intense à la tête de l’Union africaine (UA). Propulsé soudainement à la tête de l’organisation, en pleine campagne présidentielle, le chef de l’État mauritanien a su créer la surprise grâce à une mobilisation sur tous les fronts.
Départ de Mohamed Ould Cheikh Ghazouani de l’UA, les Mauritaniens soulagés
Beaucoup de Mauritaniens ont poussé un véritable soupir de soulagement lorsque le président Mohamed Ould Cheikh Ghazouani a quitté la présidence de l’Union africaine, le 15 février dernier. Ses déplacements incessants, la gestion de dossiers complexes et l’implication dans des conflits souvent inextricables faisaient craindre, à juste titre, une distraction excessive des affaires nationales. Toutefois, par devoir de solidarité africaine, ces préoccupations restaient peu exprimées publiquement.
Ce sentiment, disons “pragmatique”, a rapidement laissé place à une certaine euphorie au moment du bilan. Tout au long de son mandat, le président Ghazouani a fait preuve d’une détermination sans faille à servir l’Afrique et les Africains. Le politologue tchadien Mahamat Hassan a d’ailleurs souligné que son passage à la tête de l’Union africaine augurait “une nouvelle forme de diplomatie de la constance, marquée par la multiplication des initiatives”.
Il est vrai que ceux qui connaissent le personnage et ont suivi son parcours savent combien il allie fermeté et sens de l’écoute dans chacune de ses actions. Le président mauritanien a donc sillonné avec force et volonté le continent, voire le monde, pour faire entendre la voix de l’Afrique.
Ses efforts se sont d’abord concentrés sur la résolution des conflits interafricains. Il a ainsi mené une initiative majeure pour favoriser un retour à la raison au Soudan, recevant le général Al-Burhan, chef du Conseil de souveraineté de transition, et appelant à un cessez-le-feu ainsi qu’au dialogue entre les belligérants. Il a également invité à Nouakchott, tour à tour, le président Félix Tshisekedi et le chef de l’État rwandais Paul Kagamé, les encourageant à engager un dialogue sincère. Son action s’est étendue à la Libye, à l’Éthiopie et à la Somalie, où il a multiplié les échanges avec les dirigeants pour soutenir la stabilité régionale.
Il s’est également investi dans la recherche d’un apaisement entre les États de l’AES (Mali, Niger, Burkina Faso) et leurs voisins d’Afrique de l’Ouest.
Sur la scène internationale, il est devenu le premier président de l’Union africaine à participer au G20 et a pris part à toutes les grandes rencontres mondiales : sommet du G7, Forum sur la coopération sino-africaine, Sommet de l’Avenir, BRICS… Son engagement l’a conduit en Chine, aux États-Unis, en Corée, en Russie, en Indonésie et dans les pays du Golfe, portant haut les attentes du continent africain.
Par ailleurs, Mohamed Ould Ghazouani a mené une lutte déterminée contre la faim et le sous-développement sur le continent. Sous son impulsion, le Programme détaillé de développement de l’agriculture africaine (PDDAA) a été finalisé, marquant une avancée majeure pour la souveraineté alimentaire. Il a également supervisé l’adoption de la Déclaration complémentaire de Kampala, destinée à mobiliser la communauté internationale face aux défis de la pauvreté et de l’insécurité alimentaire en Afrique.
Certes, le président mauritanien ne disposait pas d’une baguette magique pour résoudre, en l’espace d’une année, les défis complexes du continent. Toutefois, il a posé des jalons essentiels, mené des initiatives déterminantes et engagé des actions indispensables sur la voie de la résolution des conflits. Des avancées concrètes qui, pour porter pleinement leurs fruits, doivent être consolidées et approfondies par d’autres dirigeants africains, au premier rang desquels le président angolais João Lourenço, désormais à la tête de l’UA.
Le président Ghazouani a ainsi su, à la tête de l’Union africaine, servir l’ensemble du continent tout en projetant une image forte de son pays, empreinte de sérénité et d’engagement. Il a insufflé une nouvelle dynamique aux structures de l’organisation, renforçant leur efficacité et leur portée. En définitive, son mandat a suscité une véritable fierté nationale, un sentiment symboliquement illustré par les youyous, très africains, de l’ambassadrice mauritanienne auprès de l’UA.
Mbarek Ould Beyrouk
Écrivain
Mbarek Ould Beyrouk est écrivain et journaliste mauritanien. Fondateur en 1988 de Mauritanie demain, premier journal indépendant du pays, il a été membre de la Haute Autorité de la presse. Figure majeure des médias et de la littérature en Mauritanie, il est lauréat du Prix Ahmadou-Kourouma (2016) et du Prix littéraire Les Afriques (2023).