Le retrait progressif des forces françaises du Sahel marque un tournant dans les relations entre Paris et la région.
Après plus d’une décennie de présence militaire, la France voit ses troupes quitter progressivement le Tchad, le Mali, le Burkina Faso et le Niger. Ce désengagement est la conséquence d’un profond malaise et d’une remise en question de la politique française sur le continent.
Le Sahel, épicentre des instabilités
L’opération Barkhane, lancée en 2014 pour lutter contre les groupes jihadistes, n’a pas apporté les résultats escomptés. Les attaques se sont multipliées, alimentant un sentiment d’impuissance et de colère au sein des populations locales.
« Les terroristes continuent de s’en prendre aux civils dans les zones où sont basées les troupes françaises. A quoi sert leur présence ? Cela ne sert à rien ! », s’indigne Michael Ndimancho, universitaire camerounais.
De plus, la perception de la présence française a évolué. Pour beaucoup, elle est devenue synonyme d’ingérence et de néocolonialisme. « L’objectif de la politique française « n’est pas d’aider à combattre les groupes armés, mais de maintenir le contrôle et de contrer l’influence croissante dans la région des autres pays », estime le chroniqueur nigérien Abdoulaye Sissoko.
Les coups d’État successifs au Mali, au Burkina Faso et au Niger ont accéléré le retrait français. Les nouvelles autorités de ces pays ont exigé le départ des forces étrangères, dénonçant une ingérence dans leurs affaires intérieures.
« La souveraineté ne s’accommode pas de la présence de bases militaires dans un pays souverain », a déclaré le président sénégalais Bassirou Diomaye Faye.
Pour de nombreux observateurs, ce désengagement marque la fin d’un modèle de coopération basé sur la subordination et l’assistance. Les pays du Sahel aspirent désormais à des relations partenariales plus équilibrées.
« Ce dont le continent a besoin, ce n’est pas des troupes européennes, mais d’une coopération mutuellement bénéfique », souligne James Arrey Abangma, professeur de science politique.
Face à ce nouveau contexte, la France cherche à adapter sa stratégie. Jean-Marie Bockel, envoyé spécial du président Macron, plaide pour un partenariat « renouvelé » et « coconstruit ».
« La politique d’hégémonie militaire de la France en Afrique sera remplacée par une diplomatie économique fondée sur l’égalité et la souveraineté », prédit Ousmane Baldé, chercheur sénégalais.
Le retrait des forces françaises du Sahel marque une rupture profonde dans les relations entre Paris et la région. Si la France souhaite retrouver une place dans le cœur des Africains, elle devra repenser en profondeur son approche et privilégier une coopération basée sur le respect mutuel et l’intérêt commun.