Le rideau est définitivement baissé sur la CAN 2023, avec le sacre des Eléphants, l’équipe nationale de Côte d’Ivoire, qui montent pour la troisième fois sur le toit de l’Afrique.
Quand la CAN 2023 occulte les réalités des Ivoiriens
Un mois durant, les Ivoiriens ont vibré au rythme des confrontations épiques entre tous les prétendants au titre.
Un mois durant, comme un seul homme, ils ont donné de la voix, fait des prières, sont passés par plusieurs types d’émotions pour voir à la fin leur équipe s’adjuger le trophée tant convoité.
Un mois durant également, ils ont tu toutes leurs divergences (surtout politiques) pour n’avoir d’yeux que pour leur équipe nationale, leur honneur et leur dignité nationales.
Un mois durant enfin, ils ont oublié leur déprime quotidienne due à la cherté de la vie, mis entre parenthèses le renchérissement du coût de l’électricité annoncé quelques semaines plus tôt, pour vibrer au son du « coup de marteau », l’hymne officieux qui s’est imposé à tous.
Maintenant que tout cela commence à se conjuguer au passé, et que peu à peu les effluves de la victoire commencent à se dissiper et s’estomper, les Ivoiriens sont sortis de leur doux rêve, pour affronter la réalité, leur dure réalité, qui elle, n’a guère changé et qui demeure là, toujours implacable.
Ainsi :
– Le sac de riz de 25 kg est toujours à 18 000 FCFA
– Le litre d’huile est toujours à 1 200 FCFA
– Le kilogramme de sucre est à 1 000 FCFA
– Il faut toujours 3 kg de cacao pour s’offrir 1 kg de viande de bœuf
– 1 kg d’hévéa ou d’anacarde ne permet toujours pas d’acheter 1 kg de sucre.
Par ailleurs, les prisonniers politiques et militaires de la crise postélectorale de 2011, croupissent toujours dans les sous-sols d’Abidjan et de certaines villes de l’intérieur.
Les scandales financiers mis à jour, et qui ont valu la révocation de certains directeurs généraux d’entreprises publiques et parapubliques, n’ont pas encore connu d’épilogue : Fonds d’Entretien Routier (Fer), Artci, Guichet Unique…
En outre, les violentes questions posées par la Cour des comptes après ses audits n’ont jusque-là pas eu de réponses.
Voilà la réalité que les Ivoiriens ont occultée pendant un mois et qui les attend toujours, au lendemain de la grande joie procurée par la victoire à la Can. Il ne peut en être autrement et la vie continue.
Cependant, ne boudons pas notre joie, et mettons cela à profit pour en tirer des leçons pour les semailles à venir.
En effet pour une fois, depuis des années, les Ivoiriens de toutes origines, de toutes confessions religieuses et de toutes obédiences politiques, ont su taire leurs antagonismes, pour se retrouver comme un seul homme derrière l’équipe nationale et la pousser jusqu’à la victoire finale. Cela démontre à souhait qu’il est toujours possible de transcender tous les clivages, dès lors qu’il s’agit de l’intérêt supérieur de la nation, de son honneur et de sa dignité.
C’est pourquoi, au regard de cette dynamique créée par la Can, on se met à rêver de voir le pays écrire une nouvelle page de son histoire, qui va au-delà des individus, des intérêts particuliers et des obédiences politiques
On se met à rêver de voir celui qui tient actuellement en mains les leviers de l’Etat, prendre des décisions fortes pour décrisper l’atmosphère politique, à rendre opérantes celles arrêtées d’un commun accord, sans calculs politiciens et sans arrière-pensée de préserver une position dominante
Ce serait donc l’occasion d’envoyer un message fort, en élargissant tous les prisonniers politiques et militaires incarcérés depuis 2011. Plus rien ne justifie leur séjour dans l’univers carcéral, d’autant plus que celui de qui ils répondent, et qui est censé avoir donné les ordres, a été jugé, déclaré non-coupable et libéré.
On se met aussi à rêver de voir les problèmes qui fâchent, et qui ont fait l’objet de plusieurs sessions du dialogue national, ayant abouti à un consensus, mais qui demeure, du fait que la mise en œuvre a été biaisée par de petits calculs politiciens, puissent être à nouveau examinés, aboutir à nouveau à un consensus et dont les résultats seront appliqués en ayant en ligne de mire l’intérêt national.
Il s’agit de la recomposition ou de la réforme de la Commission Electorale indépendante (Cei), du découpage électoral et de l’audit de la liste électorale.
Par le passé, le pouvoir a freiné des quatre fers et la mise en œuvre des résolutions relatives aux problèmes susmentionnés qu’il a opérée, a donné le tournis à tout le monde, si bien que rien n’a fondamentalement changé et on est revenu à la case départ.
Souhaitons seulement que tout le monde soit gagné par la sagesse. Les Ivoiriens ne doivent pas continuer de vivre en se regardant en chiens de faïence.
Vivement une nouvelle page de notre histoire…Mais ce n’est qu’un rêve. Attendons de voir demain.
Demain est certes un autre jour, mais demain arrive toujours. Mais arrive le jour où l’ivraie sera séparée du vrai.