A un an de la prochaine élection présidentielle, la Côte d’Ivoire fait face à une explosion des attaques en ligne visant à polariser l’opinion publique autour de débats sociétaux. Depuis quelques semaines, deux campagnes informationnelles ont particulièrement attiré l’attention de l’opinion publique ivoirienne : les discours accusant le gouvernement ivoirien de favoriser l’homosexualité, « woubisme » en noutchi, et les discussions sur la place de la communauté libanaise, portées par des influenceurs étrangers comme le Burkinabè Ibrahima Maïga.
La Côte d’Ivoire, cible de campagnes de désinformation
Lundi 30 septembre, le porte-parole du gouvernement ivoirien, Amadou Coulibaly, avait assuré que « la Côte d’Ivoire n’a jamais participé à la déstabilisation d’un pays voisin » et « n’a pas l’intention de le faire », en réponse aux accusations du Burkina Faso concernant une « tentative de déstabilisation » menée depuis l’étranger par des anciens responsables.
Le 12 novembre, la page Facebook Anonymous Elite Alpha, une des têtes de gondole des réseaux de désinformation burkinabè, a relayé l’information selon laquelle de « grands accords » auraient été signés entre la Côte d’Ivoire et les groupes armés terroristes (GAT).
Quelques heures après, le même compte a publié plusieurs photos d’armes et d’équipements militaires appartenant aux terroristes. Ces accords secrets seraient au nombre de 5 et l’un d’eux consisterait pour la Côte d’Ivoire à ne pas intercepter la logistique du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM) transitant par son port et territoire.
Ces photographies ont ensuite été largement reprises et diffusées par des comptes comme Anonymous +226 Officiel, NASS NOVA ou encore Bationo de Kyon. C’est sans compter sur les nombreux partages qui ont été réalisés dans différents groupes Facebook ciblés.
L’armée ivoirienne, nouvelle cible des comptes ant-Côte d’Ivoire
Dans le même temps, plusieurs publications ont spécifiquement ciblé les forces armées ivoiriennes (FACI) dont l’information selon laquelle « au moins 3000 combattants composés de militaires ivoiriens, de mercenaires libériens et d’ex rebelles » auraient été positionnés à la frontière entre la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso afin de déstabiliser ce dernier.
Depuis, d’autres fake news ont envahi les pages et comptes Facebook ivoiriens : « frictions entre forces françaises en Côte d’Ivoire et FACI », « répression des opposants politiques du RHDP par l’armée ivoirienne », « financement de groupes terroristes évoluant dans les pays limitrophes ». Le fait que les FACI soient une cible de choix pour les acteurs étrangers qui tentent de créer des troubles internes dans le pays n’est pas anodin. L’armée ivoirienne continue de jouer un rôle important dans le maintien de l’ordre et la gestion des crises. Les généraux qui entourent Alassane Ouattara ont une influence souvent plus forte que de nombreux ministres dans les décisions politiques.
La création de l’ANSSI, un tournant ?
Dans le cadre de la lutte contre la désinformation, le gouvernement ivoirien avait lancé, fin juin, une campagne nationale de sensibilisation sur l’utilisation responsable des réseaux sociaux en ligne dénommée #EnLigneTousResponsables.
Le 30 octobre dernier, le président Alassane Ouattara a signé un décret créant l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI) lors du Conseil des ministres. Cette agence, lancée dans le cadre de la stratégie de cybersécurité de 2021, centralise la prévention, la détection et la réponse aux incidents numériques. Avec cette initiative, la Côte d’Ivoire renforce sa défense numérique face aux défis du cyberespace.
Pour le moment, force est de constater que l’infosphère ivoirienne fait plus que jamais face à des attaques informationnelles de la part d’acteurs étrangers cherchant à déstabiliser son processus électoral démocratique. D’ici décembre 2025, il est donc primordial que le gouvernement ivoirien et l’ensemble des acteurs de la société civile se mobilisent pour mettre en œuvre des campagnes de lutte contre la désinformation et faire preuve de pédagogie, envers la jeunesse notamment, afin qu’elle ne soit pas victime de nouveau de ces attaques informationnelles.
Fleur Kouadio (Collaboratrice)