Jean Christian Konan d' »Analysis blog » met en lumière l’affaire Candy Group et la Côte d’Ivoire, où dans l’affaire Cofipa, 50 millions d’Euros, soit 32.8 milliards de FCFA, sont portés disparus. Suivez cette affaire qui jette le trouble sur la destination Ivoire dans l’esprit des investisseurs privés étrangers.
Lettre ouverte à madame la procureure du pôle pénal, économique et financier
Madame, un article du magazine Le Monde daté du 31 mars 2025, intitulé « Où sont passés les 50 millions d’euros de la banque ivoirienne Cofipa ?« , relate une affaire bancaire des plus rocambolesques. Nous l’avons rendue plus digeste pour nos abonnés et y avons ajouté quelques éléments absents de l’article d’origine.
Cette affaire ayant débuté en 2017, et le parquet financier ayant été créé en 2020, et vu qu’il n’est nulle part fait mention du PPEF, nous pensons que vous êtes le parquet le plus outillé pour vous en saisir, si ce n’est pas encore le cas.
De quoi s’agit-il dans cette affaire « Candy Group – Cofipa »?
En 2017, la BCEAO décide de relever à 10 milliards de francs CFA le capital social minimum des banques de sa zone monétaire. Plusieurs banques sont en deçà de ce critère, dont la Cofipa Investment Bank-Côte d’Ivoire (CIB-CI), déjà en cessation depuis 2011 et sous administration provisoire de l’État, placée par le ministre des Finances sous la tutelle d’un banquier nommé monsieur A.C.
Lire aussi : Qui est vraiment Vinay Rai, le « sauveur de la Côte d’Ivoire »
Parmi les candidats à la reprise, le groupe turc Candy Group International est retenu. Il prévoit un plan de relance initial de 100 millions d’euros sur cinq ans. Avec l’accord de monsieur A.C., Candy Group signe donc un contrat d’acquisition de 90 % des parts de la banque et enclenche le premier versement. À la demande de monsieur A.C., Candy Group ouvre à la Cofipa un compte au nom de son mandataire Afrique, monsieur F.K., et y transfère, le 13 juin 2017, un premier versement de 50 millions d’euros.
L’argent étant versé sur le compte du mandataire, l’étape suivante devait être l’obtention de l’agrément de la BCEAO, à la suite duquel le rachat de la banque aurait dû être finalisé. Le 15 juin, lors d’une réunion avec les acquéreurs, monsieur A.C. leur présente une copie de la lettre qu’il dit avoir adressée à la BCEAO, confirmant la réception des 50 millions d’euros et demandant à la Banque centrale d’entamer l’étape administrative du transfert de la licence.
Selon Candy Group, c’est à ce moment-là que l’argent disparaît. Deux semaines après cette première réunion, l’acquéreur reçoit monsieur J.V., l’apporteur d’affaires de monsieur A.C., venu leur annoncer que les fonds sont introuvables à la Cofipa. Le groupe turc tente alors de solliciter monsieur A.C. pour récupérer son investissement. Ce dernier leur assure pourtant que la BCEAO a bien reçu l’argent et, pour prouver ses dires, organise même une réunion le 30 juin 2017.
D’après le mandataire Afrique des Turcs, monsieur F.K., l’interlocuteur de la BCEAO confirme la réception des fonds, mais indique que la Banque centrale n’a pas traité l’opération. Il conseille alors à monsieur F.K. de s’adresser aux autorités ivoiriennes. Il parvient à rencontrer deux interlocuteurs au ministère de l’Économie et des Finances, qui le renvoient à leur tour vers la BCEAO, tandis que monsieur A.C., nommé par le ministre des Finances, disparaît de la circulation.
Les 50 millions d’euros se sont également évaporés du circuit bancaire ivoirien.
La banque émettrice, HSBC, qui a effectué le transfert pour le compte des Turcs Candy Group, n’a pas été notifiée d’une anomalie lors du virement. L’argent est bien arrivé à destination. En revanche, l’apporteur d’affaires, monsieur J.V., a reçu de la Cofipa, en août et septembre 2017, trois virements d’un montant total de 723 615 000 francs CFA, soit la rémunération prévue par son contrat, une fois les fonds transférés par l’acquéreur.
Lire aussi : Côte d’Ivoire : JCK interpelle Nialé Kaba sur Walls Irrigation
Dès réception de cet argent, il coupe tout contact avec ses interlocuteurs de Candy Group. « Pourquoi payer l’intermédiaire d’une vente dont on dit qu’elle n’a pas eu lieu ? » s’interroge F.K., le mandataire Afrique de Candy Group.
Le 22 octobre 2018, la Commission bancaire de l’UEMOA ordonne la fermeture de la Cofipa, justifiant sa décision par une situation qui « ne cessait de se dégrader depuis plusieurs années ».
Depuis 2019, Candy Group International a adressé des requêtes au ministère des Finances sans réponse. Les Turcs ont tenté de récupérer leur investissement par tous les moyens.
Entre 2020 et 2021, Candy Group a déposé plusieurs plaintes en Côte d’Ivoire :
• La première au parquet,
• La seconde à la police économique,
• La troisième directement auprès du procureur de la République.
Aucune de ces procédures n’a abouti. Ni monsieur A.C., administrateur provisoire nommé par le ministre des Finances, ni monsieur J.V., l’apporteur d’affaires, n’ont été interrogés par la justice.
L’affaire est aujourd’hui portée devant la Banque mondiale et le FMI, selon le mandataire Afrique du groupe turc, monsieur F.K.
Des investissements malgré tout ?
Dans l’article du Monde, F.K. affirme que cette affaire a coupé Candy Group de toute possibilité de continuer à investir en Côte d’Ivoire. Pourtant, nos recherches indiquent une autre réalité.
Lire aussi : Cacao Ivoirien : Comment Issiaka Ouédraogo est passé d’acheteur de terrain illétré à magnat financier
Le 16 janvier 2019, en pleine tourmente, un Conseil des ministres se tient à Abidjan. Il y est adopté un projet dénommé Clonix, visant à densifier le tissu entrepreneurial.
En juin 2019, soit exactement deux ans après la disparition des 50 millions d’euros, Candy Group signe un accord avec la Côte d’Ivoire pour financer ce projet à hauteur de 70 millions de dollars.
En 2020, trois ans après la disparition des fonds, Candy Group ouvre une filiale en Côte d’Ivoire, Candy Group Africa, spécialisée dans l’intermédiation financière et la prise de participation.
Un scandale à élucider
Madame la Procureure, il apparaît essentiel que certaines personnes soient entendues dans cette affaire :
1. Les ministres des Finances de l’époque, Daniel Kablan Duncan et Adama Coulibaly.
2. L’administrateur provisoire de Cofipa en 2017, Antoine Cassaignan Yeo.
3. L’apporteur d’affaires, monsieur J.V., dont l’identité reste floue.
4. Le secrétaire d’État à l’investissement privé en 2019, Emmanuel Essis Esmel.
Enfin, nous sommes en 2025. Il serait aussi important d’enquêter sur l’usage des 70 millions de dollars de Candy Group, destinés à financer 35 100 TPE dans 234 collectivités ivoiriennes. Ce projet, prévu pour s’achever en 2022, a depuis sombré dans le silence.
Y aurait-il une nouvelle disparition de fonds à examiner ?