Tidjane Thiam, président du PDCI-RDA, recevant les populations de l’ouest de la Côte d’Ivoire venues lui apporter leur soutien et l’inviter dans leur région, a souligné une des faiblesses de notre démocratie. Pour lui, celle-ci n’était pas alignée sur les standards internationaux, chiffres à l’appui.
Côte d’Ivoire : La nécessaire révision du fichier électoral
Tidjane Thiam notait : « Nous sommes à peu près 30 millions d’habitants en Côte d’Ivoire. 8 millions, ça fait à peu près 28, voire 29%, d’électeurs. Le Ghana voisin a 32 millions d’habitants et 17 millions sur sa liste électorale, soit 53%. J’ai regardé le Sénégal qui est dans l’actualité actuellement, c’est 7 millions d’inscrits pour 17 millions d’habitants (…). Tant que ce problème n’aura pas été surmonté, les résultats des élections auront un problème de crédibilité. »
Poursuivant, Tidjane Thiam a fait la démonstration suivante : « On peut faire un calcul simple, vous prenez 8 millions, vous mettez 50 % de participation, ça fait 4 millions. La majorité est donc 2 millions, voire 2,100 millions. Ça veut dire qu’avec 2 millions, on peut diriger un pays de 30 millions d’habitants. Ce n’est pas démocratique. Donc, j’ai demandé à des experts internationaux pour savoir la norme, on me dit qu’un pays doit avoir au moins 40% pour qu’une élection soit vraiment représentative dans l’ensemble de la population, ce qui fait 12 millions.»
Le successeur de feu Henri Konan Bédié ajoute pour finir : « Donc, on est très loin de ce chiffre-là aujourd’hui. (…) Le vrai fond du problème, c’est qu’on est à 8 millions alors qu’on devrait avoir au moins 12 millions. Si on pouvait faire passer ce chiffre-là au niveau où il devrait être, je vous assure que la dynamique électorale serait très différente. »
Depuis cette déclaration du Président Tidjane Thiam, on a crié haro sur le baudet. La frénésie avec laquelle les réactions ont fusé témoigne de l’intérêt du sujet, et même plus.
Déclaration de Tidjane Thiam sur les chiffres : Venons-en aux faits.
Même si l’on prenait en compte qu’il y aurait 6 millions d’étrangers sur les 30 millions d’habitants et qu’on accepte les 24 millions en 2021 comme base de calcul, 8 millions d’inscrits représentent 33% de la population ivoirienne.
Ce taux de 33% place la Côte d’Ivoire au bas de la liste des pays comparables. Le Président du PDCI s’intéressait à 2025, essayant de déterminer pour ses militants, quel serait un objectif de taille de fichier électoral à l’horizon 2025 ? Le taux de croissance annuel de la population en Côte d’Ivoire est de l’ordre de 2,9% et la population ivoirienne devrait passer de 24 millions en 2021 à 26,9 millions en 2025.
Si l’on applique les 40% de Monsieur Tidjane Thiam, on arrive à environ 10,8 millions d’inscrits sur les listes électorales. Le nombre de 11 millions d’inscrits nous placerait tout juste à la limite basse de ce qui est acceptable internationalement.
Si l’on regarde le pourcentage d’inscrits par rapport à la population totale, il est de 53% au Ghana, de 49% au Bénin, de 44% au Togo, de 37% au Liberia. Le total de 8 millions d’inscrits par rapport à 27 millions nous placerait à 30% donc tout en bas de l’échelle.
En bon ingénieur, confronté à une question, celle du nombre d’inscrits à viser pour 2025, le Président Thiam a cherché à déterminer l’ordre de grandeur de la réponse. L’objectif qu’il a souhaité viser pour la Côte d’Ivoire, à savoir 12 millions d’inscrits, est le bon et est atteignable. Il nous placerait à 44% de la population ivoirienne de 27 millions en 2025.
En réalité, son analyse a montré qu’il est possible en combinant un fort taux d’abstention et un fichier électoral de taille trop réduite, qu’un pouvoir minoritaire dans la population accède ou se maintienne au pouvoir. C’est ce constat qui dérange.
Il est du devoir de tous et de l’intérêt de tous de corriger cette situation au lieu de pinailler sur des chiffres. Pouvons-nous vraiment soutenir qu’avec une majorité de 2 millions, voire 2,100 millions, on peut diriger un pays de 30 millions d’habitants ?
Personne ne peut répondre par l’affirmative.`
Le vrai problème est ailleurs et c’est ce que le Président du PDCI-RDA a touché du doigt. Le vrai problème handicapant de notre démocratie qui a permis à certaines chapelles de se prévaloir d’un scrutin dont les résultats pourraient bien être différents si l’on passait à 44% des Ivoiriens inscrits sur les listes électorales, soit 12 millions d’électeurs en 2025.
Pourquoi a-t-on peur des vrais chiffres ?
Pour sûr, le président Tidjane Thiam du PDCI-RDA a touché du doigt LE problème qui est LA faille du système.
À défaut de reconnaitre qu’il reste un effort à faire, le choix de la fuite en avant a encore prévalu.
L’objectif chiffré du Président du PDCI-RDA sera profitable à tous, y compris au RHDP.
Même quand on veut tirer sur le messager, il faut au moins retenir le message.
Une contribution de Guy Philippe Emmanuel.