Au Bénin, le sujet de la contraception féminine résiste progressivement face aux stéréotypes. Une avancée qu’il convient de renforcer. Si tout semble aller dans la bonne direction en ce qui concerne les femmes, le constat est différent pour les hommes. La contraception masculine fait face à des pesanteurs socioculturelles. Et pourtant, son acceptation totale permettrait de renforcer la responsabilité des hommes dans le cadre du processus de planification familiale.
Préservatif, vasectomie et coït interrompu (ou retrait) : ce sont les méthodes de contraception actuellement disponibles pour les hommes ; mais moins adoptées. Gérard Agossi comprend l’importance pour un couple de planifier les grossesses, mais il réfute l’idée selon laquelle il pourrait adopter une méthode contraceptive. Selon lui, il revient à la femme d’utiliser l’une des méthodes contraceptives féminines. Cette conception est encore très répandue dans les zones rurales, où les hommes se sentent moins concernés par les questions liées à la planification familiale.
À Ayou, dans la commune d’Allada, et à Dodji, dans la commune de Ouidah, les avis des hommes interrogés convergent. Pas question pour eux de « compromettre leur virilité et leur capacité de procréation ». « Comment expliquer à mes parents et à mon entourage que je ne peux plus mettre une femme enceinte parce que j’ai adopté une méthode contraceptive ? Je ne suis pas naturellement impuissant, alors pourquoi devrais-je rejeter cette grâce que Dieu m’a accordée ? La contraception féminine n’a pas encore conquis tous les cœurs, et on nous parle maintenant de contraception masculine ? », s’interroge Gérard A.
La position de Gérard ne surprend pas les sources religieuses contactées. Selon l’évangéliste Ézéchiel, qui a requis l’anonymat, le sujet reste encore tabou dans certaines religions, qui estiment que « c’est Dieu qui contrôle la procréation, qui donne les enfants, et les hommes n’ont pas le droit de procéder à une régulation. On estime donc que les hommes doivent laisser la nature faire son œuvre ».
Une perception en évolution
À Cotonou, Abomey-Calavi et Porto-Novo, les avis montrent une évolution dans la perception de la contraception masculine. Médard Aza, observateur averti des questions religieuses, n’est pas totalement d’accord avec Gérard Agossi. Pour lui, les données ont changé et il faut encourager la contraception masculine, « parce que cela aide à maîtriser la procréation ». « On mettait l’accent sur la contraception féminine parce que nous vivons dans une société machiste qui pense que c’est à la femme de se contrôler. Aujourd’hui, nous tendons vers une société égalitaire où nous essayons de rééquilibrer les choses. Si l’homme prend aussi le contrôle de la procréation, ce n’est pas une mauvaise chose », a-t-il expliqué.
Et contrairement à ce que l’on pourrait penser, l’Église n’a pas une position tranchée sur la question. Selon Médard Aza, l’Église a évolué dans sa perception du concept de procréation. Elle parle de parentalité responsable et préconise les méthodes naturelles (abstinence, maîtrise parfaite du cycle menstruel) pour encadrer les naissances.
Dans L’encyclique Humanae Vitae, n°10, citée dans une parution de La Croix, on retient des explications de Paul VI que la latitude est laissée au couple pour décider en fonction de leur projet familial, selon les « conditions physiques, économiques, psychologiques et sociales ». Dans un tel contexte, il indique qu’il peut être légitime de comprendre un couple qui souhaite « éviter temporairement ou pour un temps indéterminé une nouvelle naissance ».
À ce jour, quelles sont les formes de contraception masculine les plus recommandées ?
Selon le Docteur Credo Midas Houndodjadé, spécialiste en santé publique, santé sexuelle et reproductive, les principales méthodes de contraception masculine sont : le préservatif, la vasectomie et le retrait. Le préservatif est la méthode la plus courante, « efficace contre les grossesses et les IST ». Toutefois, il explique qu’il faut une utilisation correcte pour garantir son efficacité. Quant à la vasectomie, elle est une méthode chirurgicale permanente. « Elle est réversible dans certains cas », a-t-il précisé.
Dr Houndodjadé indique que la vasectomie est aussi efficace, mais qu’elle pourrait avoir des effets secondaires, comme la douleur, une infection ou un inconfort après l’intervention. La troisième méthode est le retrait, encore appelé coït interrompu. Elle est peu fiable en raison du risque de pré-éjaculation.
Des avancées médicales pour faciliter l’adoption de la contraception masculine
Certains hommes souhaitent jouer un rôle actif dans la planification familiale du couple, mais ils disent être freinés par le nombre restreint de méthodes disponibles, ce qui limite leurs choix. Kévin M’po n’est pas opposé à la contraception masculine, mais il préconise de nouvelles méthodes moins radicales. À cette inquiétude, la réponse semble se préciser.
Le Docteur Credo Midas Houndodjadé évoque des recherches scientifiques prometteuses. Les scientifiques travaillent actuellement sur quatre autres méthodes destinées aux hommes. Il s’agit notamment de : la pilule masculine : elle agit en bloquant la production de spermatozoïdes. Plusieurs essais sont en cours avec des résultats encourageants ; le gel hormonal : appliqué sur la peau, il réduit la production de sperme de manière réversible ; RISUG/Vasalgel : une méthode injectable réversible qui bloque temporairement les canaux déférents et la contraception thermique : une techniques qui utilisent la chaleur pour réduire temporairement la production de spermatozoïdes.
Dr. Houndodjadé explique que la contraception masculine présente de nombreux avantages pour le couple. Selon lui, l’adoption de la contraception masculine pourrait « équilibrer la charge mentale de la contraception, souvent portée par les femmes , renforcer la communication et la collaboration au sein des couples et promouvoir une approche plus égalitaire de la planification familiale ».
Des barrières socioculturelles
Selon le Docteur Credo Midas Houndodjadé, spécialiste en santé publique, santé sexuelle et reproductive, la réticence de certains hommes face à la contraception masculine peut s’expliquer culturellement. « Dans certaines sociétés, la planification familiale est perçue comme une responsabilité féminine. Les normes de masculinité peuvent associer la contraception à une perte de virilité », a-t-il indiqué. Il ajoute que les suspicions autour des méthodes dédiées aux hommes pourraient également en être une raison. Psychologiquement, il existe une « peur des effets secondaires, une appréhension face à des interventions médicales comme la vasectomie, un manque d’information ou une méfiance envers l’efficacité des méthodes ».
Le contexte socioculturel local ne milite pas en faveur de la contraception, et encore moins de la contraception masculine. Selon Joël Tchogbé, sociologue, dans certaines communautés, la contraception est perçue comme une « source d’inhibition de l’acte de procréation ». Cette perception renforce la position radicale des communautés locales, car « la procréation s’inscrit dans une forme d’organisation sociale de la sexualité. La sexualité chez l’homme est à la fois une prescription culturelle et sociale. Ici, la prescription signifie une façon pour l’homme de remplir des missions, d’assumer un statut social dans la communauté, de pérenniser l’espèce humaine, d’assurer la continuité de la lignée et de maintenir les liens familiaux », a-t-il expliqué.
Partant de ce postulat, le sociologue précise que tout élément interne ou externe « qui viendrait constituer une source d’inhibition à cet acte de procréation serait mal perçu et alimenterait une profonde aversion au sein des communautés ». Il ajoute que « l’enfant, perçu comme une source de richesse et d’élévation de statut, représente pour un homme en couple ou candidat au mariage une raison de refuser les méthodes de contraception, lesquelles sont vues comme un problème d’ordre culturel et social qu’il faut résoudre en amont ».
Il fait remarquer que la contraception posait déjà problème lorsqu’il s’agissait des femmes, et que « la transposer aux hommes rend la question encore plus délicate ».
Comment briser les barrières ?
Charlotte Ezebana, fondatrice de l’Association Femmes & Pouvoir, préconise la communication au sein du couple pour que chaque partenaire comprenne sa responsabilité dans le cadre de la planification familiale. « Je pense foncièrement que tout peut se régler par la communication, en fonction des enjeux et des besoins des partenaires, à moins que l’une des parties ne se montre de façon désinvolte récidiviste », a-t-elle confié. Elle estime qu’il faut encourager la contraception pour permettre aux femmes de mieux s’organiser et de s’affirmer sur le plan professionnel.
Selon certaines opinions, si l’homme est convaincu, il sera plus facile pour lui de convaincre les regards extérieurs susceptibles de le dissuader d’adopter une méthode contraceptive. Pour y parvenir, il est essentiel de s’informer, de dialoguer et de tester progressivement les méthodes disponibles. L’homme doit aussi comprendre que « la contraception est une responsabilité partagée et un moyen de protéger sa famille et son couple », a indiqué le Dr Houndodjadé.
Au Bénin, les leaders religieux ont déjà manifesté leur volonté et leur engagement à promouvoir la contraception. Le projet « Les religieux s’engagent » a mobilisé les membres de la Plateforme nationale des structures religieuses (PNSR) dans plusieurs activités de promotion de la planification familiale. À l’époque, ce projet avait permis de recruter, grâce aux religieux, plus de 4 000 personnes ayant accepté la planification familiale.
Pour briser les barrières, les professionnels de santé ont également un rôle crucial à jouer. Ils doivent « fournir des explications claires sur les options disponibles et leurs effets, répondre aux mythes et inquiétudes concernant la contraception masculine, offrir des consultations accessibles et confidentielles, et participer à des campagnes éducatives pour normaliser l’utilisation de méthodes masculines », a suggéré le Dr Houndodjadé.