Pendant plusieurs années, le jeune journaliste qui a travaillé successivement à Tribune d’Afrique et à Afrika Stratégies France, deux médias très critiques à l’égard du pouvoir, a souvent été accusé par le palais présidentiel de Cotonou de contribuer « à des conspirations contre son pays ». En France depuis juillet 2023 à la suite d’une lourde opération cardiaque, il redoute fortement le retour au Bénin, les menaces sur son épouse et ses enfants restées au pays se faisant de plus en plus insistantes.
Le Bénin fut pendant longtemps un havre de paix et de démocratie. Mais depuis 2016 et l’élection de Patrice Talon, la situation s’est très fortement détériorée au niveau des libertés publiques. Le président a pris un contrôle total des institutions démocratiques, notamment la Cour constitutionnelle où il a nommé son avocat personnel, Joseph Djogbénou. Depuis, la majorité a pris contrôle de toutes les communes, 77 maires sur 77 sont de ses deux partis ainsi que du Parlement où, jusqu’à récemment, il avait 100% des députés. L’opposition a réussi, lors des dernières législatives, à décrocher quelques sièges, 28 au total, ce qui traduit sa faible marge de manœuvre.
Convocations sur convocations pour Elvio Zinzindohoué
Au cours des deux dernières années, Elvio Zinzindohoué a reçu au moins une dizaine de convocations de police dont certaines se font, contre toute procédure, de façon téléphonique. Il a répondu à deux des convocations, mais après l’emprisonnement d’un journaliste célèbre, Elvio a décidé de ne plus donner suite aux drôles de convocations qui lui parviennent en dehors des procédures légales.
Pendant longtemps, la Tribune d’Afrique ayant un bureau au Togo voisin, il a pu se cacher à Lomé ou rester discret au Bénin jusqu’à ce qu’une épreuve sanitaire lui impose d’aller se faire opérer en France. Depuis, notre confrère redoute l’idée d’un retour au pays. « Ils vont m’arrêter dès l’aéroport », craint-il lors de son échange avec Afrika Stratégies France.
Des intimidations contre la famille du journaliste
Père de 4 enfants, le journaliste qui est en France depuis et collabore désormais avec Afrika Stratégies France de manière bénévole, craint que les appels anonymes ne continuent sur le téléphone de sa femme. Elle vit encore en périphérique de Cotonou avec les enfants et a toujours peur pour elle-même ainsi que pour sa progéniture.
Avec le soutien de Max-Savi Carmel, directeur de rédaction d’Afrika Stratégies France, Elvio tente tant bien que mal de trouver une solution qui lui permettrait d’éviter la confrontation avec les sulfureux auteurs des tentatives d’intimidation dont il fait l’objet. Comme Elvio, de plus en plus de journalistes béninois fuient le pays, n’ayant d’autres choix que de se soumettre à un régime, qui loin des apparences, a du mal à s’accommoder des critiques.
En tout, depuis 2016, « au moins 120 journalistes sont partis » du Bénin, selon une association locale de professionnels de médias.