L’Union européenne a renouvelé son Accord de pêche avec la Côte d’Ivoire. Sidi Tiémoko Touré, Ministre des Ressources Animales et Halieutiques et Francesca Di Mauro, Ambassadeur de l’Union européenne en Côte d’Ivoire, ont procédé à la signature du nouveau protocole à l’Accord de partenariat de pêche durable, ce jeudi 21 novembre 2024.
La Côte d’Ivoire et l’UE renouvellent l’Accord de pêche pour 4 ans
Le nouvel Accord de pêche, évalué à environ 2 milliards de FCFA (2,967 millions d’euros), prévoit un tonnage de référence annuel de 6 100 tonnes de thon. Il s’inscrit dans le cadre de la Stratégie nationale de gestion des pêches, issue de la Politique nationale de développement de l’élevage, de la pêche et de l’aquaculture (PONADEPA 2024-2028).
Cet Accord de pêche va également « contribuer à renforcer l’attractivité du Port d’Abidjan qui bénéficie de plusieurs espaces adaptés, à soutenir l’industrialisation du secteur de la pêche et apporter de la valeur ajoutée à la création d’emplois directs et indirects ». La Délégation de l’Union européenne assure que ce partenariat contribuera au « renforcement des capacités scientifiques et techniques du secteur de la pêche en Côte d’Ivoire, à la professionnalisation des acteurs, à la surveillance de la pêche, ainsi qu’à la lutte contre la pêche illicite ».
Le Premier ministre ivoirien se réjouit des retombées de partenariat pour la Côte d’Ivoire qui fait de la pêche un « secteur stratégique » pour son développement. « Je me réjouis des appuis accordés par l’Union européenne à notre pays », a-t-il déclaré.
Le secteur de la pêche en Côte d’Ivoire, c’est 0,5 % du PIB et près de 700 000 emplois générés. En 2023, le pays a comptabilisé plus de 92 000 tonnes de captures de poisson.
Accord renégocié
À la différence de l’accord précédent qui s’étendait sur six ans, cette nouvelle entente permet à 32 navires de pêche européens d’exploiter les eaux maritimes ivoiriennes, contre 36 auparavant. De plus, ces bateaux disposeront d’un quota annuel de pêche porté à 6 100 tonnes de thon, soit une augmentation de 600 tonnes par rapport au précédent quota de 5 500 tonnes.
Le partenariat de pêche durable entre la Côte d’Ivoire et l’Union européenne a débuté en 2008 et est tacitement renouvelable chaque six ans.
La brouille avec le Sénégal
À Dakar, l’Union européenne n’a pas renouvelé l’Accord de pêche. Cette décision ne semble pas ébranler les autorités sénégalaises. D’ailleurs, elles disent avoir pris elles-mêmes cette décision pour préserver les intérêts du pays. Selon le Premier Ousmane Sonko, l’UE ne se serait pas accordée à la volonté du Sénégal de renégocier l’Accord. Selon le nouveau régime sénégalais, l’Accord de pêche, dans ses termes actuels, n’arrange pas son pays.
Mais de son côté, l’UE évoque d’autres raisons pour justifier le non-renouvellement. Elle parle des « défaillances constatées dans la lutte contre la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (INN) ». Le partenaire indique qu’aucun renouvellement du protocole n’est envisageable « tant qu’il n’y a pas de progrès suffisants du Sénégal dans ce domaine ».
Pierre Jacquesmot souligne les périls associés à la pêche industrielle
La pêche industrielle, souvent menée par des navires étrangers (européens, russes, asiatiques ou chinois), représente une menace bien plus grave pour les ressources halieutiques que la pêche artisanale. Opérant légalement ou illégalement, ces chalutiers concurrencent directement les pêcheurs artisanaux en exploitant les mêmes zones côtières et espèces. Selon l’universitaire et diplomate, cette cohabitation provoque fréquemment des dégâts matériels, comme la destruction de filets ou de pirogues. A titre d’exemple, il évoque le cas du Sénégal où trois quarts des pêcheurs déclarent avoir vu leurs équipements endommagés par des chalutiers, dont les responsables restent souvent impunis.
S’appuyant sur un rapport de Global Initiative Against Transnational Organized Crime, Pierre Jacquesmot rapporte que « dans les eaux de l’Afrique de l’Ouest, la majorité des poissons pêchés illégalement le sont en effet par des navires chinois, le pays qui régit la flotte qui détient le record mondial de la pêche « illégale, non déclarée et non réglementée » (INN) ».
Les chalutiers chinois utiliseraient des techniques destructrices, comme des filets à lourdes portes qui abîment les fonds marins, détruisent les habitats et perturbent les écosystèmes marins. « Cette pratique peut en outre libérer des quantités de carbone stocké dans les sédiments des fonds marins, risquant ainsi d’accélérer le processus d’acidification de l’océan », déplore Pierre Jacquesmot.
L’expert fait également remarquer que certains pratiquent le saiko, une pêche illégale où les chalutiers transbordent leurs prises sur des pirogues spécialement équipées pour les ramener au port. Ces pirogues transportent jusqu’à 450 fois plus de poissons que les traditionnelles, avec une main-d’œuvre 40 fois moindre. Au Ghana, des analyses montrent que plus de 90 % des poissons issus du saiko sont des juvéniles, menaçant ainsi le renouvellement des stocks.