Stade d’ Ébimpé-La Côte d’Ivoire, notre pays est assurément un pays de tous les possibles. Dire et se dédire y cheminent allègrement à tel point que le peuple ne sait plus à quoi s’en tenir.
Scandale du stade d’ Ébimpé : Quelle est donc cette propension à parler « plus vite que sa langue »
Il y a quelques semaines, les Eléphants, l’équipe nationale de Côte d’Ivoire, recevaient en match amical, les Aigles du Mali, au stade flambant neuf d’ Ébimpé, baptisé Stade Alassane Ouattara. Au cours du match survint une pluie qui transforma la pelouse de ce joyau architectural en champ de patate pour certains, en rizière pour d’autres, mettant à nue les imperfections de la pelouse censée avoir été refaite à hauteur de plusieurs milliards de F CFA.
Entre honte et colère, les Ivoiriens y sont allés de leur frustration et de leur indignation à travers les réseaux sociaux, réclamant des sanctions à l’encontre des responsables du ministère en charge des Sports.
Bien que n’étant pas adepte des réseaux sociaux, et ne s’y informant pas, selon ses propres dires, le ministre de la Communication et de l’Economie numérique, porte-parole du gouvernement, Amadou Coulibaly, est monté au créneau pour asséner ses vérités et donner des réponses aux préoccupations des Ivoiriens. Il a surtout voulu répondre à ceux qui demandaient la démission du ministre des Sports.
Avec un ton goguenard teinté de mépris, il avait déclaré :
« …Je ne m’informe pas sur les réseaux sociaux. Ce sont des lieux d’expression d’émotions et où malheureusement tout le monde est expert. Parler de prendre des sanctions, je ne sais pas comment sanctionner le ciel… Je ne vois pas en quoi pour un événement naturel, il y aurait des sanctions à prendre… En raison du dérèglement climatique, une pluie exceptionnelle, votre ouvrage est dépassé…A partir de ce moment qui voulez-vous qu’on sanctionne ? Je pense qu’il faut arrêter un peu. Je sais que les populations sont friandes de sacrifices et elles espèrent qu’on coupe des têtes. Mais là il s’agit d’intempérie… ».
Aucun mot n’a été prononcé sur la pelouse refaite à des milliards de FCFA. Aucune allusion n’est faite sur une éventuelle investigation pour situer les responsabilités, encore moins une explication technique n’a été fournie sur le fait que l’eau puisse stagner sur la pelouse et ne puisse pas s’infiltrer.
Tout est donc la faute à la « pluie exceptionnelle », qui a pris le malin plaisir de tomber ce jour-là.
Mais pour de nombreux Ivoiriens, la pluie est un expert en évaluation, incorruptible, qui vérifie et contrôle les ouvrages mis à leur disposition, et pour lequel le pays est fortement endetté.
De nombreuses routes ont ainsi été évaluées et reprises plusieurs fois.
On a encore en mémoire l’épisode du carrefour de l’Indénié. A peine les travaux de ce carrefour entamés et avancés, que le journal « Le Patriote », dans un triomphalisme délirant barrait à sa une : « Après 10 ans d’échec du FPI face à un carrefour intraitable…OUATTARA LE ROC…comment il a vaincu l’Indénié… ».
Mais quelques jours plus tard, une pluie s’est abattue sur la ville d’Abidjan, et le carrefour de l’Indénié fut inondé comme il ne l’a jamais été.
Et ce jour-là, je doute fort que les conducteurs dont les véhicules « nageaient » joyeusement sur les flots impétueux de l’Indénié, soient convaincus d’une victoire sur ce carrefour.
Une fois de plus, la pluie, cet expert-évaluateur a mis en évidence, la vacuité des ouvrages mis à la disposition du peuple ivoirien, invitant ainsi certain à la modestie.
Dans leur humour, des Ivoiriens ont baptisé ce carrefour « ROC INDENIE ».
Pour en revenir au stade d’Ebimpé, après la déclaration méprisante du porte-parole du gouvernement, les Ivoiriens firent contre mauvaise fortune, bon cœur, sachant que leurs pleurs et leurs complaintes, n’iront que se briser sur le parapluie de l’indifférence des tenants du pouvoir.
On commençait à oublier cette parenthèse honteuse de notre histoire sportive, quand une nouvelle nous est tombée dessus comme un couperet.
La directrice générale de l’Office national des Sports (Ons), Koné Yoda Mariam est relevée de ses fonctions. L’information a été livrée par porte-parole du gouvernement, lors de son compte-rendu du conseil des ministres du jeudi 28 septembre 2023. Elle est remplacée par Ousmane Gbané, anciennement directeur de la vie fédérale et du sport de haut niveau.
Dans sa lancée, et se fondant sur le rapport des experts en pelouse de la Confédération Africaine de Football (Caf), Amadou Coulibaly a affirmé que ledit rapport indique qu’il y a eu des problèmes avec l’entretien de la pelouse, de sorte que des algues ont empêché le système de drainage de fonctionner. Dès lors que le rapport met en cause des questions de fourniture d’intrants pour l’entretien de la pelouse, il appartenait au ministère des Sports de tirer toutes les conséquences, et c’est ce qu’il a fait.
Après avoir dit cela, le porte-parole du gouvernement peut-il objectivement se regarder dans une glace ?
Ou regarder les ivoiriens droit dans les yeux ?
Pourquoi n’a-t-il pas attendu d’avoir ces éléments techniques de réponse avant d’affirmer de façon péremptoire ne pas savoir comment sanctionner le ciel ?
La « pluie exceptionnelle » n’est donc plus fautive ?
Quelle est donc cette propension à parler « plus vite que sa langue », à l’image de Lucky Luke qui tire plus vite son ombre ?
C’est vrai qu’aujourd’hui, une tête vient d’être coupée, en sacrifice dont seraient friandes les populations ivoiriennes, mais l’enquête ne saurait s’arrêter en si bon chemin. Elle doit être approfondie pour débusquer tous ceux qui par leur forfaiture ont jeté « notre figure par terre ».
Et Koné Yoda Mariam ne doit pas être le fusible qu’on saute, ou le mouton qu’on offre en holocauste pour préserver le système.
Quant au porte-parole du gouvernement, il gagnerait à mettre le pied sur la pédale de frein.
Ses allers et retours, ses déclarations contradictoires déclamées avec morne et mépris pour tourner en dérision ceux qui critiquent les actions gouvernementales, ne donnent pas une image reluisante du gouvernement.
Mais …on ne peut refaire l’Homme ! (Laurent Gbagbo).
Ainsi va le pays.
Toutefois arrive le jour où l’ivraie sera séparée du vrai.