Près d’une décennie après la crise en Côte d’Ivoire, l’ancienne zone CNO continue de vivre un véritable drame. Outre l’insécurité galopante, il ne se passe plus de jours sans que les habitants du centre, du nord et de l’ouest ivoiriens connaissent des calvaires de plusieurs ordres.
Les populations de l’ex- zone CNO portent leur croix
L’ex- zone CNO retrouvera-t-elle un jour sa quiétude d’antan ? Il serait prétentieux de répondre à cette interrogation par l’affirmative, dans la mesure où les mutineries, braquages, coupeurs de route, délinquance juvénile et autres coupures d’eau et d’électricité, ainsi que des problèmes d’ordre existentiel viennent émailler le quotidien de ces populations qui ont pourtant souffert des affres de la guerre.
Où sont donc passés les libérateurs de la période de la rébellion qui avaient promis monts et merveilles à tous ces hommes et femmes résignés à leur cause, espérant des lendemains meilleurs une fois que leurs bienfaiteurs accédaient aux affaires ? La désillusion est d’autant plus grande que toutes ces villes anciennement sous la coupe des rebelles ivoiriens sont loin d’être sorties de l’ornière.
Bouaké, l’ancien fief de la rébellion, est devenu l’épicentre de toutes les contestations armées en Côte d’Ivoire. Une vague de mutineries avait en effet éclaté dans la capitale du Gbêkê en janvier et mai 2017. Les autorités ivoiriennes pensaient avoir trouvé une solution définitive à ces soulèvements en payant 12 millions de francs CFA aux 8400 ex-rebelles intégrés à l’armée régulière, que nenni ! Des ex-combattants démobilisés de la Cellule 39 ont pris la relève pour réclamer leur part du gâteau. En dépit du calme apparent qui règne ces derniers temps dans la deuxième ville de Côte d’Ivoire, la situation y est toujours explosive.
En témoigne l’affrontement, début janvier, entre les éléments du Centre de coordination des décisions opérationnelles (CCDO) et les soldats du Bataillon d’Artillerie Sol-Sol (BASS) de Bouaké. Le marché de gros fait également l’objet d’une sécurisation accrue du fait des braquages spectaculaires à la kalachnikov qui y ont cours ces derniers temps.
Un malheur ne vient jamais seul, a-t-on coutume de dire. Ainsi, une sévère pénurie d’eau est venue exacerber les souffrances des populations. Avec une baisse de la pluviométrie et le phénomène d’évaporation des eaux lié au réchauffement climatique, les Bouakéens ont un véritable problème d’eau. La dizaine de citernes quotidiennement déployée par l’Office national de l’eau potable (ONEP) ne réussit pas à couvrir les besoins de toute la ville. D’autres habitants vont d’ailleurs se ravitailler à la résidence de Guillaume Soro, l’ancien patron de la rébellion.
Les autres villes de cette zone naguère sous contrôle rebelle ne sont également pas en reste. Tout mouvement de contestation des anciens rebelles se répercute automatiquement ailleurs. Les phénomènes des coupeurs de route et des braquages sont indéniablement le dénominateur commun à toutes ces localités où des armes de guerre ont circulé à outrance.
Le lundi dernier, « Amada Prestige », une structure de transfert d’argent exerçant à Man, dans l’ouest montagneux, a été victime d’un braquage. Trois individus armés de kalachnikovs se sont introduits dans les locaux de la société en pleine matinée, ont tenu en respect tout le personnel, avant d’emporter plus de 80 millions de francs CFA, sans être inquiétés outre mesure.
Que dire de Korhogo, Odienné, Bouna, Katiola, Séguéla, Danané, Duekoué, Vavoua et d’autres villes de la zone ? Cette insécurité a également gagné des villes du sud, notamment à Abidjan, où le phénomène des « enfants en conflit avec la loi », plus connu sous le vocable microbes, est devenu viral. Il revient donc aux autorités sécuritaires d’oeuvrer à la sécurisation des personnes et des biens sur toute l’étendue du territoire national afin d’éviter que la Côte d’Ivoire se transforme en un no man’s land.