« Terminus, tout le monde descend ! », lance avec force aux passagers Awa Traoré, 37 ans, l’une des rares femmes apprentie-chauffeur de « Gbaka », ces minicars de transport en commun qui assurent des dessertes intercommunales dans la ville d’Abidjan.
Fascinée par le transport en commun, la dynamique Awa, mère célibataire d’une fillette, parcourt chaque jour, à plusieurs reprises, les quelque sept kilomètres qui relient Adjamé et Abobo, deux communes du Nord d’Abidjan, à la recherche de la recette quotidienne de 28.000 Fcfa imposée par le propriétaire du véhicule. Mais surtout, elle espère un surplus, pouvant aller selon les jours jusqu’à 5.000 Fcfa. Une plus-value qu’elle partage avec le chauffeur.
« Un travail sans avenir », car « les apprentis ne sont pas reconnus » par les propriétaires des minicars, mais Awa ne se décourage pas pour autant, préférant « se débrouiller » avec. Elle, qui s’était essayée sans succès à la couture et la coiffure.
Du haut de son mètre 57, courir pour rattraper le Gbaka après un stationnement, ou être sur pieds de 04H00 à 22H00 (GMT et locale), ne l’effraie guère, malgré un énième accident d’où elle est sortie avec une fracture à la jambe.
Adulée par ses pairs qui l’ont surnommée « chèrè-mèrè », ma chérie en nouchi (argot ivoirien), Awa, qui a toujours de loin préféré la compagnie des hommes à celle des femmes, est passionnée par son métier qui l’a attirée il y a dix ans
Bien que n’ayant jamais été à l’école, Awa, 37 ans, s’exprime dans un français correct, progressivement acquis aux côtés des milliers de personnes qu’elle a côtoyées et transportées.
Elle s’enorgueillit également de son « courage » et sa capacité à tenir tête aux syndicalistes postés aux différents arrêts et qui exigent souvent de l’argent aux apprentis. Des qualités que lui reconnaissent ses pairs.
« Elle est gentille, respectueuse », mais « impulsive ». Comme c’est la vieille mère (doyenne en nouchi), on ne peut pas trop parler dans ses discussions avec les syndicalistes », relève Fodé Kéita, dans un café express à Adjamé où les transporteurs passent leur temps de pause.
« J’ai le sang chaud, nous les transporteurs ne sommes pas solidaires », avoue-t-elle, dans ce café, sous une bâche orange-vert, à quelques mètres du camp de gendarmerie d’Agban, à Adjamé.
Vêtue d’une culotte assortie à un débardeur rouge, des baladeuses aux pieds, une cigarette à la main, la filiforme Awa Traoré, assise sur une chaise en fer forgé, rêve d’être propriétaire de véhicules et de fonder un foyer.