Taxée de justice des Occidentaux orientée contre les Africains, la CPI assume fièrement ses interventions sur le continent. Nouhoum Sangaré, représentant-Côte d’Ivoire de cette justice internationale, a donc tenu à justifier cette tendance.
La CPI, une justice uniquement dirigée contre les Africains ?
La Cour pénale internationale (CPI) se trouve ces derniers temps à la croisée des chemins. Plusieurs États africains avaient déjà annoncé leur volonté de se retirer collectivement de cette justice. Sous la houlette de Pierre Nkurunziza, le Burundi a procédé à son retrait définitif du Statut de Rome instituant la CPI. D’autres pays menacent également de lui emboiter le pas au cas où le mouvement collectif peinait à avancer.
En Côte d’Ivoire, le transfèrement de l’ancien président Laurent Gbagbo et de son dernier ministre de la Jeunesse, Charles Blé Goudé, à La Haye est resté jusque-là au travers de la gorge de millions d’Ivoiriens et d’Africains.
Eu égard aux nombreuses critiques portées contre ladite cour, Nouhoum Sangaré, chef du bureau de la Cour pénale internationale (CPI) en Côte d’Ivoire, a entrepris de faire une tournée à travers le pays pour expliquer le traité de Rome et le mode de fonctionnement de la Cour.
À l’étape de Divo, ce mardi 24 avril, Nouhoum Sangaré a ainsi interpellé son auditoire : « La question qu’il faut se poser, c’est pourquoi il y a tant de problèmes en Afrique et pas ailleurs. Pourquoi c’est toujours en Afrique qu’il y a des centaines et des milliers de morts à l’issue des élections ? », avant d’indiquer qu’il n’y a « aucun pays en Europe, en Asie et en Amérique où les élections font autant de morts ».
Cependant, même s’il soutient que « la CPI ne cherche pas forcément à être populaire, mais à être libre avec sa conscience et vis-à-vis des personnes qui sont jugées », il n’en demeure pas moins que l’affaire Laurent Gbagbo a révélé un certain dysfonctionnement au sein de cette juridiction. L’ancien procureur Luis Moreno-Ocampo avait en effet été épinglé dans un scandale de corruption.
À l’analyse de 40.000 documents et courriels privés qui ont fuité et des révélations de Mediapart, l’arrestation et la déportation de l’ancien président ivoirien seraient le fruit d’un deal entre le Quai d’Orsay (ministère français des Affaires étrangères), la présidence ivoirienne et l’ancien procureur. De même, la détention prolongée des détenus ivoiriens, sans pour autant faire prévaloir le principe de la présomption d’innocence et faire bénéficier à ces derniers une liberté provisoire est perçue comme une injustice. La Gambienne Fatou Bensouda, nouvelle procureure de la CPI, serait donc la main noire utilisée pour accomplir la basse bésorgne sur le continent.
À noter que plusieurs autres poursuites sont engagées contre des personnalités africaines, notamment Omar El-Bechir, Saïf Al-Islam, Simone Gbagbo pour ne citer que ceux-là. Et pourtant, les anciens présidents américain George Bush et français Nicolas Sarkozy, respectivement accusés de l’invasion de l’Irak et de la Libye, le président syrien Bachar al-Assad, accusé du massacre de la population civile par l’usage du gaz sarin, n’ont jusque-là fait l’objet d’aucune citation à comparaître devant la CPI. Le deux poids deux mesures est donc flagrant, même si l’on tente de se justifier du côté de La Haye.