Les résultats de l’audit de la filière café cacao révèlent une mauvaise gestion et surtout la perte de centaines de milliards de francs CFA. Les autorités ivoiriennes vont-elles appeler les auteurs d’une telle saignée à répondre de leurs responsabilités devant la justice ?
L’audit dévoile une mauvaise gestion de la filière cacao
Le cacao est le poumon de l’économie ivoirienne. Cette réalité est d’autant plus évidente que la chute des prix à l’internationale, l’année dernière, avait entrainé une réduction de 10% du budget de l’Etat. Cependant, les acteurs commis à la gestion de cette filière très sensible s’adonnent, dans la plupart des cas, à des aventures et autres gabegies.
Qui ne se souvient donc pas de l’époque de Tapé Doh Lucien, Henri Amouzou, Firmin Kouakou, Angéline Kili et autres barons du café-cacao au temps de la gouvernance de l’ancien président Laurent Gbagbo ? Aussi, le scandale qui avait été découvert en son temps avait conduit les personnes ci-dessus nommées à répondre de leurs actes devant les tribunaux, écopant pour la majorité, de peines lourdes d’emprisonnement.
Rebelote sous le régime du président Alassane Ouattara. En dépit de toutes les critiques portées contre la gestion passée, les choses n’ont véritablement pas changé, allant même de mal en pis. A l’issue d’une campagne 2016 – 2017 marquée par la surproduction et la défaillance des exportateurs, le cabinet KPMG a été commandité pour effectuer un audit au Conseil du Café Cacao (CCC). A l’issue d’un travail remarquable d’investigations, ce cabinet international d’expertise‐comptable a rendu ses résultats, le 12 mars dernier, au ministère ivoirien de l’Agriculture et du Développement rural.
Il ressort de cet audit que l’organe de gestion de la filière, le CCC, a perdu près de 185 milliards de FCFA lors de la campagne cacao 2016-2017, sous la direction de Mme Massandjé Touré-Litsé. Dans leur rapport, les auditeurs ont indiqué, détails à l’appui, que si « la surproduction a engendré un soutien (du gouvernement) de 86 milliards », « la revente de contrats en défaut a entraîné un coût de 68 milliards de FCFA ». De même, « l’utilisation des volumes de la récolte intermédiaire pour honorer des contrats de la récolte principale a conduit à un soutien de 32 milliards FCFA ».
Par ailleurs, le système de commercialisation de la fève brune présente de multiples défaillances. A titre d’exemple, le CCC a signé des contrats avec des exportateurs incapables de revendre les produits sur le marché international, soit un volume de 220 303 tonnes de cacao évalués à 399 000 milliards de FCFA sont restés invendus lors de la campagne 2016 – 2017. La vente ultérieure de ce stock à un prix réduit avait entrainé une perte de 68 milliards de francs CFA.
La Côte d’Ivoire avait produit, pour la campagne 2016 – 2017, plus de 250 000 tonnes de plus. Ce surplus de 16% avait entrainé un véritable déséquilibre entre l’offre et la demande, d’où la chute des prix sur le marché internationale. D’où la réduction inéluctable du prix bord champ aux producteurs, quand bien même le gouvernement a consenti d’énormes efforts financiers pour maintenir ce prix à un niveau raisonnable.
En outre, le cabinet a révélé des « dysfonctionnements dans l’application des règles de gestion des opérations commerciales et des règles de détermination de la production », « l’absence, au niveau du Conseil, d’un suivi rigoureux des procédures d’agrément des exportateurs et d’une procédure de vérification de leur capacité à honorer leurs engagements », « les décisions d’agrément des exportateurs n’étaient pas toujours justifiées », « les adjudications de volumes aux exportateurs ne sont pas corrélées avec leur capacité financière », « les sujets critiques et structurants ne sont pas traités en conseil d’administration, ce qui ne permet pas à cet organe de direction de jouer entièrement son rôle de pilotage et de contrôle des activités de la filière », « des conflits d’intérêts entre les administrateurs du CCC et la politique », et bien d’autres erreurs de gestions.
L’ancienne directrice avait alors été débarquée, en août dernier, au profit de M. Yves Brahima Koné, mais jusque-là, la filière n’est pas encore sortie de l’ornière. Les regards sont donc tournés vers le président Alassane Ouattara et l’ensemble du gouvernement ivoirien pour mettre de l’ordre dans la filière et placer chacun devant ses responsabilités comme l’a fait l’ancien régime. A moins que les fossoyeurs de la filière cacao n’aient des parrains haut placés qui les protègent.