Pour Charles Blé Goudé, il ne sert à rien de se replier sur soi-même et vivre en ostracisme. Voilà pourquoi l’ex-leader de la galaxie patriotique a accepté de recevoir la visite des anciens fescistes à La Haye, quoi qu’il compte parmi eux des adversaires politiques.
Blé Goudé favorable à la visite des anciens fescistes
Martial Ahipeaud, Eugène Djué et Jean Blé Guirao, d’anciens secrétaires généraux de la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire (FESCI), ont annoncé une visite à leur ancien camarade de lutte, Charles Blé Goudé, également ancien dirigeant de ce puissant syndicat estudiantin.
Cette décision avait été publiée lors de la rencontre, le 18 mars dernier, entre Guillaume Soro – lui-même prédécesseur de Blé Goudé – et les anciens fescistes. Cette rencontre qui avait suscité une vive polémique sur les réseaux sociaux et par presse interposée est cependant en train de produire ses fruits.
Le premier acte fort de ces retrouvailles entre anciens leaders et militants de la FESCI est incontestablement la visite au « Génie de Kpo » dans sa cellule de la prison de Scheveningen à La Haye. Loin de voir cette visite de mauvaise œil, l’ancien ministre ivoirien de la Jeunesse apprécie à sa juste valeur cette initiative de ses anciens camarades de lutte, estimant qu’en tant que politicien, il ne faut pas « élever les murs de son propre enfermement », car selon lui, « pour savoir comment quelqu’un ronfle, il faut dormir avec lui ».
L’intégralité du message de Charles Blé Goudé aux anciens fescistes
« Chacun a son histoire. Chacun pense à tort ou à raison que son histoire est celle qu’il faut entendre. Tout le monde parle, met en avant son opinion et son vécu, mais le plus souvent sans jamais prendre le temps d’écouter celle de l’autre. Or, pour savoir comment quelqu’un ronfle, la sagesse recommande de dormir avec lui dans la même chambre. C’est pourquoi, je prends toujours le temps d’écouter l’autre, quel que soit ce qui m’oppose à lui.
Ainsi, à la fin il me revient la responsabilité de décider en conséquence et en toute liberté. Pour dire que je n’ai aucun complexe à rencontrer quelqu’un avec qui j’ai des contradictions principales ou secondaires sur un sujet ou une situation donnée. Je n’ai pas pour habitude de fuir mes adversaires, même pas mes ennemis. Je suis un partisan des débats contradictoires et de la critique constructive. J’ai toujours eu le courage de mes opinions.
Ici à La Haye où je suis en prison, je ne rencontre pas que des amis ou des partisans. Je rencontre aussi des personnes anonymes, de farouches adversaires, et même des personnes qui n’ont pas toujours été tendres avec moi. Avec mes visiteurs, nous parlons de tout, de ce que nous partageons comme idéal, de ce qui nous unit, mais dans le courage, nous abordons aussi ce qui nous oppose sans que personne ne renonce à ses principes de vie.
On ne sera pas toujours d’accord sur tous les sujets et c’est ce qui fait la beauté de la vie. Je ne suis pas un politicien sectaire qui élève les murs de son propre enfermement. Sur mon chemin, je m’emploie à rassembler au-delà des divergences pour élargir mes soutiens et non les réduire uniquement à mes partisans. Dans le but de les convaincre, je parle avec les personnes qui ne m’avaient pas compris hier.
Convaincre et non vaincre, ni même contraindre : telle est ma devise. Face aux problèmes qui engagent la vie de la nation et de milliers de personnes, j’ai toujours su appréhender mon devoir à prendre de la hauteur. Je ne ferai jamais partie d’un programme de repli sur soi. Je me veux être le porte-étendard d’une politique qui rassemble au-delà des clans et qui brise les clivages.
Pour être différent de notre adversaire Alassane Ouattara qui ne parle qu’à son clan, moi, je veux parler à la Côte d’Ivoire plurielle. Je continuerai donc d’expliquer à ceux qui ne m’avaient pas compris hier et à ceux qui ne comprennent toujours pas, combien il est nécessaire de nous ouvrir aux autres. C’est ainsi que moi je fonctionne. Ceux qui auront compris le sens et le bien fondé de mon ouverture politique, viendront grossir nos rangs pour qu’ensemble nous bâtissions le futur de la Côte d’Ivoire autrement, c’est à dire dans sa belle diversité.
Par contre, ceux qui ont pour philosophie de parler uniquement à leurs partisans, continueront de diriger leurs clans, ils pourront ainsi se satisfaire de leurs applaudissements à satiété. Seulement à leurs dépens, ils finiront un jour par apprendre qu’on ne gagne pas des élections qu’avec ses partisans.
Pour vous dire que je confirme qu’à l’occasion de la visite que m’a rendue le 10 mai 2018 en compagnie de son épouse, le camarade Alexis Gbansé, anciennement secrétaire à l’organisation de la FESCI section de la faculté de droit, m’a informé de l’intention d’anciens camarades dudit syndicat de me visiter à La Haye.
Fidèle à ma philosophie d’ouverture et d’écoute, je lui ai signifié ma disponibilité à recevoir la délégation de mes anciens camarades de lutte estudiantine. Au jour d’aujourd’hui, la demande de visite ne m’a pas encore été notifiée par l’administration pénitentiaire. S’ils viennent apporter leurs soutiens fraternels à l’un des leurs embastillé, je saluerai ce geste de solidarité à sa juste valeur. Si leur visite a pour objectif de m’exposer le projet dont ils sont porteurs, projet dont je ne sais pour l’instant rien, sans préjugé, je les écouterai sans m’enfermer dans une nasse d’égo et de rigidité.
A la fin, je leur communiquerai en toute responsabilité ce que j’en pense. Je ne juge jamais sans avoir écouté l’autre, car pour moi, écouter c’est apprendre deux fois. C’est la ligne politique que je me suis librement imposée, c’est ainsi que moi je fonctionne. Pour autant, je ne m’octroie aucun droit à condamner ceux qui ne fonctionnent pas comme moi. »
Fait à La Haye le 17 /05 /2018
Charles Blé Goudé
Homme politique ivoirien
En transition à La Haye.