Le Front Populaire Ivoirien (FPI), le parti de Laurent Gbagbo, est une curiosité depuis la chute de l’ancien locataire du palais d’Abidjan. La politique en son sein n’est plus qu’une claire irréalité puisque ses membres, pas du tout professionnels dans l’art dont ils se réclament, prolongent la souffrance de leurs militants qui attendent un hypothétique retournement de situation… Analyse.
Qui peut comprendre le FPI de Laurent Gbagbo ?
Le président Alassane Ouattara est bien le chef de l’État de Côte d’Ivoire et songe même à le rester un peu plus longtemps que prévu. Même si son RHDP est pour l’heure fortement fissuré à cause du débat sur l’alternance politique entre le PDCI et le RDR, aucune opposition, en dehors de cette majorité présidentielle, ne semble pouvoir le descendre de son trône. Pourquoi ? Parce que le FPI de Laurent Gbagbo qui était censé lui faire mordre la poussière avec son retour dans l’opposition s’est révélé aussi solide qu’un morceau de beurre sous le chaud soleil abidjanais.
Depuis les premières élections organisées par le Président Alassane Ouattara, le FPI s’est inscrit dans une démarche de boycott pour non-reconnaissance d’ADO comme président élu de la Côte d’Ivoire en 2010. Même si le contentieux électoral n’a pas été complètement vidé, c’est bel et bien Ouattara qui porte la signature du pays et qui loge au palais.
C’est même l’ancien fonctionnaire du FMI qui est reconnu par l’opinion nationale et internationale comme président de la Côte d’Ivoire. Sauf pour les personnes qui se plaisent à se définir comme des GOR (Gbagbo ou Rien) lorsque cela les arrange, « le pays est gouverné » comme le dirait l’autre, par Alassane Ouattara. Dès lors, le FPI aurait dû revoir sa copie et s’adapter à la nouvelle situation au risque de mourir à petit feu.
Mais, il y a dans ce parti politique des personnes, se définissant comme des militants de la première heure, qui ne supportent aucune contradiction. Loin d’avoir tiré des leçons du départ de Mamadou Koulibaly de leurs rangs, ou de la dissidence que représente Pascal Affi N’Guessan, des désertions qui ont aussi fragilisé cet ex-grand parti politique, les Gor se complaisent à croire que c’est à eux que le président Ouattara doit faire allégeance s’il veut un pays pacifié. Et donc, ils se ferment volontairement à participer aux initiatives de réconciliation (avec une pile de préalables) qui aurait pourtant pu devenir leur seule porte de sortie.
Quel rôle joue le FPI pour réconcilier la Côte d’Ivoire ?
Bien qu’ils aient perdu leur pouvoir par leur propre incompétence, leur manque d’analyse sérieuse des situations qui se sont succédées en Côte d’Ivoire du temps de la Refondation, ils continuent de se rêver « dieux » de la politique ivoirienne. Il est très clair dans leur esprit que ce n’est point à eux de courber l’échine devant Ouattara, mais plutôt au président qui les a battus sur tous les plans de descendre de son trône pour se réconcilier avec eux.
Mais quel intérêt Alassane Ouattara aurait-il à rendre fort une opposition qui se délite toute seule ? Pourquoi lui qui a gagné la bataille d’Abidjan avec ses soutiens viendrait-il remettre en selle des adversaires qui ne rêvent que de le mettre KO ? D’où sort-il que c’est au gagnant de tendre la main au perdant qui continue pourtant de bander des biceps qui ne lui ont servi à rien lorsqu’il était temps de les utiliser ?
Une fois l’argument de la légitimité de Ouattara qui explique l’abstention répétée du FPI aux différentes élections dépassé, ces gentils messieurs qui pensent avoir raison sur tout ont changé de CD pour désormais exiger la dissolution de la CEI. Et pour y arriver, ces hommes et femmes, dépassés par un pays qui progresse trop vite pour eux, demandent à la population de s’abstenir d’inscriptions sur les listes électorales.
Là où plus personne n’y comprend rien, c’est lorsque dans le même temps ils désignent Laurent Gbagbo, présentement detenu en prison à La Haye par la CPI comme leur prochain candidat à l’élection de 2020. Mais si les électeurs ne s’inscrivent pas sur les listes de votants, par quelle alchimie leur candidat peut-il être porté à la tête de la Côte d’Ivoire ?
Sangaré – Affi N’Guessan, qui a vraiment vendu la lutte ?
Voilà un comportement qui intrigue, y compris chez les alliés du FPI qui ne comprennent plus ce que veulent vraiment les leaders de ce parti politique. Pour certains, Aboudramane Sangaré et son clan sont les personnes qui bradent en réalité la lutte. Ces gens vivent correctement dans cette Côte d’Ivoire où ils ne jouent aucun rôle d’opposition pendant qu’ils encouragent leurs camarades partis en exil à y rester.
Aux dernières nouvelles, ce FPI dit de Gbagbo n’écarterait plus l’idée de faire une alliance avec Guillaume Soro si celui-ci venait à se porter candidat à la présidentielle de 2020. Autre curiosité, les Gor voient d’un très mauvais oeil la participation du COJEP de Blé Goudé à cette alliance parce qu’ils ne voudraient pas avoir à partager avec eux les postes de ministres que SORO, président, voudra bien confier à l’opposition pour acheter la paix…
Problème, Laurent Gbagbo souhaite un rassemblement autour de la personne de Mamadou Coulibaly qu’il considère comme capable de ramener la gauche au pouvoir. Les Gor refusent cette idée de leur chef et ont même déjà lancé des manoeuvres pour la faire abandonner…
L’idée de s’allier à Soro Guillaume pour évincer le Président Ouattara du pouvoir est la pilule qu’ils cherchent désormais à faire avaler à leurs partisans plutôt que de soutenir Mamadou Koulibaly. Seulement, comme toujours, Ouattara a une longueur d’avance sur ces Gor.
Sachant que les Ivoiriens et la communauté internationale ne lui permettront pas de briguer un troisième mandat, le président ivoirien laisse planer le doute sur le sujet pour détourner son semblant d’opposition des vrais problèmes du pays. Dans le fond, le chef de l’État ivoirien préférerait largement faire la passe à Soro Guillaume plutôt qu’à ses alliés du PDCI en qui il n’a aucune confiance.
Il ne serait donc pas surprenant qu’à l’approche de ces échéances électorales, Ouattara passe des consignes dans ce sens au RDR pour un soutien massif à Soro Guillaume.
L’ancien chef rebelle, devenu chantre de la paix, de la réconciliation entre Ivoiriens, ne pourra de toute façon, pas non plus se passer d’une alliance avec Ouattara et le RDR dont il est membre s’il venait à prendre le pouvoir.