Laurent Gbagbo et ses proches commémorent, ce 11 avril 2019, l’an 8 de la chute du régime des réfondateurs. Koné Boubacar, protocole de l’ancien président ivoirien, a tenu à relater sa version des faits à propos de la chute du pouvoir FPI.
Koné Boubacar revient sur l’arrestation de Gbagbo
Témoin oculaire des faits, Koné Boubacar a attendu 8 ans pour ressasser les souvenirs douloureux de l’arrestation de Laurent Gbagbo et de ses proches dans le bunker. Après avoir subi les bombardements de l’armée française, le chef de l’État d’alors est cueilli par les forces pro-Ouattara, qui n’y sont véritablement pas allées de main-morte.
De la mort de Désiré Tagro et plusieurs militaires de la Garde républicaine, à la torture de Gbagbo et ses proches, l’ancien chef du protocole d’Etat n’a laissé aucun détail. Mais, il a dû faire l’économie de certains faits pour éviter de trop remuer le couteau dans la plaie, d’autant plus que les Ivoiriens aspirent à la réconciliation.
Koné Boubacar, le récit du 11 avril 2011
Ce 11 avril n’est pas la fête du Nouvel An ou de la Noël. Dans la mémoire collective des Ivoiriens, ce jour-là, la Côte d’Ivoire est entrée dans la barbarie.
Nous étions fatigués de rester dans le deuxième sous-sol de la résidence. Nous y avons été chassés par du gaz toxique que les hélicoptères français ont injecté là-bas. Il y a eu beaucoup de morts et de blessés à la résidence du président.
Nous avons dû remonter à la surface. Vers midi, nous étions dans deux salles. Parce que nous étions très nombreux. Il y avait les enfants et petits-enfants du président, le petit personnel de la résidence, tous les cadres qui collaboraient avec le président et des personnes venues trouver refuge.
Nous avons mis les femmes et les enfants dans une salle et nous avec le président, sommes restés dans une autre pièce. Nous savions les tortures que nous allions endurer.
À un moment, nous avons entendu le grand portail métallique qui a cédé dans un bruit infernal. Nous avons entendu des vociférations. « Sortez », disaient-ils. Ils ont eu accès à la salle où étaient les femmes et enfants. « Montrez où est Laurent Gbagbo », criaient-ils encore.
Et puis, ils sont venus frapper à notre porte. En disant ceci : « Si vous n’ouvrez pas, on va mettre le feu ». J’ai demandé l’avis du président, qui m’a ordonné d’ouvrir la porte. Ils sont entrés et l’ont amené avec eux. J’ai refermé la porte.
Dix minutes après, ils reviennent réclamer Simone Gbagbo. Et m’ont demandé de refermer. Mais, inquiet de ce qui pourrait lui arriver, j’ai mis du temps à refermer et un d’entre eux a tiré sur mon bras. Baignant dans le sang, j’ai refermé la porte.
Quelques instants après, ils sont venus nous faire sortir un à un. Nous avons subi toutes sortes d’humiliations lorsque nous sommes arrivés dans la cour.
Là-bas, ils ont déchaussé Kuyo Tea Narcisse et lui ont tiré une balle dans les pieds.
Un gaillard est venu vers moi et a dit « c’est toi Koné Boubacar ? » J’ai répondu oui. Et, il me demande : « qu’est-ce qu’un Koné cherche parmi les Bétés ? » Et qu’il va m’égorger. Effectivement, il avait cette intention. Je me suis donc débattu comme je peux. Mais, il a réussi à me taillader à différents endroits de mon corps.
Ensuite, nous sommes arrivés au Golf Hôtel chacun avec des blessures graves. Les rebelles ont formé une haie et dès que tu descends du cargo, ils te frappent à tour de rôle.
Geneviève Bro Grébé en a souffert. Parce qu’il y a un qui lui a proposé qu’elle mette son bras sur son épaule afin qu’elle descende plus facilement. Dès qu’elle l’a fait, il a aussitôt esquivé son bras et elle s’est retrouvée sur le macadam et ils sont venus la piétiner comme un objet.
Bref, je ne veux pas enfoncer encore le couteau dans la plaie. Je préfère m’arrêter là. Et dire que nous sommes toujours au combat pour le triomphe des libertés et de la démocratie.
KONE BOUBAKAR
Vice-Président du Front Populaire Ivoirien
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