Depuis sa démission forcée de la présidence de l’Assemblée nationale ivoirienne, Guillaume Soro est rentré dans une adversité frontale avec le camp présidentiel. Ses anciens alliés du RHDP unifié n’hésitent donc plus à ressasser les années de la rébellion animées par le leader des Forces nouvelles (FN) pour le fragiliser davantage. El Hadj Mamadou Traoré, un proche de l’ancien président de l’Assemblée nationale, a produit une analyse dans laquelle il rappelle ses appréhensions quant au sombre passé de son mentor.
El Hadj Mamadou Traoré justifie la rébellion de Guillaume Soro
Il y a quelques années de cela, avant que la tension ne monte entre Guillaume Soro, ses hommes et le parti au pouvoir, j’avais prédit qu’à l’orée de 2020, l’arme qui sera utilisée contre lui pour tenter de l’affaiblir, c’est la rébellion qu’il a gérée et dont le RDR a été le plus grand bénéficiaire.
Aujourd’hui, le constat est là. Implacable.
Incapable de faire de lui un étranger sur ses terres, ses adversaires, logés au sein du RDR, ont décidé de l’attaquer sur son action entamée de 2002 à 2010.
Mais la question que l’on pourrait se poser est la suivante. Peut-on faire des omelettes sans casser des œufs ? Peut-on obtenir une alternance démocratique en Afrique sans passer par la force ?
La France a-t-elle pu obtenir sa démocratie sans passer par une révolution ?
Révolution qui a vu la tête du roi coupée et qui a vu tous ses proches décimés ! Les États-Unis ont-ils pu abolir l’esclavage, ont-ils pu se réunifier sans passer par la violence ? Il en est de même pour la rébellion de Guillaume Soro.
Elle a permis une élection ouverte à tous qui a malheureusement abouti à une crise postélectorale qui a fait 3000 morts.
Mais elle a permis au RDR d’être au pouvoir. Mais vu la manière dont ce parti gère le pays, cette révolution a-t-elle été nécessaire ? C’est la question que je me pose en ce moment.
Oui Guillaume Soro a été un rebelle, et il ne l’a jamais nié. Mais Guillaume Soro n’avait pas pensé que la rébellion durerait dans le temps. Et la rébellion n’était pas leur projet, lui et ses compagnons, lorsqu’ils ont tenté de faire un coup d’État contre Laurent Gbagbo en septembre 2002.
La rébellion était leur plan B.
Ne sachant pas à quel moment cette rébellion prendrait fin, était-il possible de penser à un projet de développement de la zone CNO ? Le faire équivaudrait à transformer cette zone en un État que Guillaume Soro gérerait.
Cela équivaudrait à faire sécession. Et la sécession ne faisait pas partie de ses projets.
Mais malgré cela, avec les maigres taux de taxation qui se prélevaient dans la zone CNO, Guillaume Soro a réussi à mettre en place des embryons de structures sociales. Il a réussi à faire du social pour soulager les populations de leur pauvreté.
Mais ces taxes prélevées avaient pour but principal d’entretenir ses troupes.
Ces taxes avaient également pour but principal d’acheter des armes pour sécuriser la zone et pour mener l’offensive militaire contre Laurent Gbagbo.
Cette offensive applaudie par les pourfendeurs actuels de Guillaume Soro qui se trouvent au RHDP, le plus grand bénéficiaire de la rébellion.
Et pour panser les plaies, les blessures des Ivoiriens dues à la rébellion qu’il a déclenchée, Guillaume Soro ne cesse de demander pardon aux Ivoiriens.
Mais malgré cela, il se trouve encore des Ivoiriens pour lui rappeler cette parenthèse malheureuse du pays.
Je voudrais leur rappeler que la rébellion est la conséquence des conflits que se sont engagés Bédié, le Prado et Gbagbo.
Ce sont ces trois leaders politiques qui ont mis le feu au pays à travers leur guerre de succession d’Houphouët. Avant de condamner Guillaume Soro, il serait bon de leur demander des comptes.
Eux qui n’ont pas encore eu l’humilité de demander pardon aux Ivoiriens pour les actes qu’ils ont posés et qui ont provoqué la rébellion de 2002 .
Guillaume Soro n’est que la victime de leurs guerres.
Il est l’instrument par lequel ils ont embrasé le pays.
Il est l’arme par lequel ils ont tiré sur le peuple.
Il est également l’arme par lequel le RDR est arrivé au pouvoir.
Ceux qui ont déclenché la gâchette de cette arme, ce sont nos trois leaders cités plus haut qui ont eu chacun avec Guillaume Soro, une relation particulière.
En effet, si le Prado et Bedié ne s’étaient pas engagés dans une guerre de succession après la mort d’Houphouët, guerre qui a vu la naissance de l’ivoirité, on n’aurait pas connu le coup d’État de décembre 99.
Si Gbagbo en 1990 n’avait pas traité le Prado de Burkinabé, Bedié n’aurait pas utilisé cela pour créer l’ivoirité afin de le combattre.
Si Gbagbo n’avait pas poussé le Général Guei à exclure Bedié et le Prado de la compétition électorale de 2000, nous n’aurions pas connu d’élections calamiteuses.
Si Gbagbo n’avait pas enfourché le cheval de l’ivoirité, la rébellion n’aurait pas eu lieu.
Si le Prado avait accepté le successeur qu’Houphouët avait désigné avant sa mort, s’il n’était pas pressé de diriger le pays et qu’il avait laissé Bedié finir tranquillement son mandat, la Côte d’Ivoire n’aurait pas connu de guerre de succession.
Et c’est le pauvre Guillaume Soro qui a dû prendre son bâton de pèlerin pour tenter de créer un dialogue entre ces trois leaders après la signature de l’accord politique de Ouaga en 2007.
Malheureusement, ce dialogue n’a pas prévalu.
En 2010, ces trois leaders se sont de nouveau affrontés et cela a provoqué 3000 morts.
C’est pourquoi en 2020, il faut que nous prions pour qu’aucun de ces trois leaders qui ont embrasé le pays en utilisant les jeunes comme KKB, Blé Goudé et Guillaume Soro, ne se présente plus aux élections présidentielles.
Sinon, si l’un d’entre eux venait à gagner, j’ai bien peur que la Côte d’Ivoire ne puisse retrouver sa tranquillité.