Laurent Gbagbo, l’ancien président de la République de Côte d’Ivoire, acquitté après 8 ans de prison par la CPI avec Charles Blé Goudé, son ancien codétenu, est en liberté conditionnelle. L’ex-chef d’ État ivoirien voit cependant du monde défiler à sa demeure de Belgique où il attend la fin définitive de son procès. Une danse de sorcière se déroule autour de lui et l’on se demande comment il s’en sortira… Patrice Dama débogue.
Laurent Gbagbo, le renard deux fois dans le même piège ?
L’extradition de Laurent Gbagbo à la CPI a été menée de main de maître par le PDCI et ses cadres. Même si le Président Alassane Ouattara a cautionné la décision de se débarrasser de son rival, ce qui l’arrangeait bien, les petites mains et les grands esprits qui ont piloté l’opération sont bel et bien le PDCI d’ Henri Konan Bédié. Sauf que ces derniers courtisent aujourd’hui le même Laurent Gbagbo depuis qu’ils sont à couteaux tirés avec Alassane Ouattara.
C’est M. Jeannot Ahoussou-Kouadio, alors ministre de la Justice de Côte d’Ivoire dès le 5 décembre 2010 qui était en charge du dossier de l’expédition de Laurent Gbagbo. Ce haut cadre du PDCI à l’époque avait manoeuvré avec le réseau de son parti politique pour éloigner de leurs petites affaires un Laurent Gbagbo dont la présence en Côte d’Ivoire faisait planer sur le pays une certaine instabilité. Même s’il a depuis peu fait le choix de rejoindre le RHDP, et on se demande bien pourquoi, c’est lui Ahoussou-Kouadio, avec la caution d’ Henri Konan Bédié, Alassane Ouattara et de Guillaume Soro, qui a mené cette procédure expéditive.
Mais quand c’est vide, c’est vide et Laurent Gbagbo, après plusieurs années de procédure, est en passe d’être totalement relaxé. Les juges de la CPI, à une majorité de deux sur trois, ont dit dans la motivation écrite de leur décision de libérer le fondateur du Front Populaire Ivoirien (FPI) que celui-ci n’était responsable de rien de tout ce qui lui est reproché. La libération totale de Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé est donc bien en marche, même s’il faudra attendre 1 voire 3 mois pour savoir ce que va décider la procureure Fatou Bensouda.
Le PDCI RDA, le vrai nageur au dos nu ?
Toutefois, des faits curieux permettent de prêter certains plans au PDCI RDA. Alors que Gbagbo assistait impuissant au rejet de toutes ces demandes de mise en liberté provisoire, sa libération et son acquittement ont été prononcés par les juges, juste au moment où le PDCI et le RDHP d’ Alassane Ouattara ont commencé à s’entredéchirer. Ce qui fait deviner que certains cadres du plus vieux parti qui avaient piloté ce dossier ont parlé aux décideurs de la Cour Pénale Internationale pour confesser la cabale montée de toutes pièces contre Laurent Gbagbo.
Leurs confessions ont incliné plus fortement la balance du côté de la relaxe des deux coaccusés, ce qui laisse même penser que Fatou Bensouda jettera l’éponge parce qu’elle pourrait ne plus bénéficier de l’aide des petites mains obscures qui ont assisté Luis Moreno Ocampo dans le montage éclair et grossier de cette grotesque affaire.
Le PDCI qui est en fin de compte pour beaucoup dans les malheurs de Laurent Gbagbo est en train de se racheter. Henri Konan Bédié à qui Gbagbo avait montré ses largesses une fois au pouvoir a pu régler son vieux contentieux puisqu’il n’avait en réalité jamais pardonné au champion des frontistes son alliance républicaine qui a donné plus de poids politique à Alassane Ouattara en Côte d’ Ivoire.
Gbagbo – Bédié – Ouattara, vers un retour des alliances foireuses ?
La petite histoire aurait dû s’arrêter là maintenant que le ballon est revenu au centre. Sauf que Henri Konan Bédié met le turbo, un peu comme s’il s’était donné un deadline pour conclure un accord politique avec LG. On vous parle de sa fameuse plate-forme non idéologique qui a pour mission d’ évincer Alassane Ouattara du pouvoir.
Ce dernier n’est pourtant pas candidat à sa propre succession et Amadou Gon Coulibaly à qui il veut passer le flambeau ne semble pas de taille à résister à d’éventuelles candidatures de Bédié ou de Gbagbo. Pourquoi donc ce coup d’accélérateur fait de va-et-vient entre Abidjan et Bruxelles pour arracher un accord à la va-vite à Laurent Gbagbo ?
Selon nos informations, le PDCI qui est le vrai mal dans le procès Gbagbo à la CPI conditionne l’arrêt de ses manigances contre ce dernier à une signature d’un accord avec le FPI + micros partis politiques d’ici fin juillet. Sans cet accord, Fatou Bensouda qui n’a fait aucune enquête complémentaire pourrait faire appel de la décision des juges et c’est là que beaucoup sauront que le tireur de ficelles dans cette affaire n’est pas qui l’on croit.
Laurent Gbagbo connait peut-être ce plan du PDCI et c’est ce qui pourrait expliquer son encouragement de cette plate-forme à laquelle il ne souscrit pour autant pas. « Le Boulanger » semble vouloir gagner du temps jusqu’à expiration du délai imparti à la Procureur pour faire appel de la décision récemment motivée par les juges.
Laurent Gbagbo connait-il sa force ?
Aujourd’hui, grâce à son acquittement, Laurent Gbagbo que Ouattara, Bédié et Soro Guillaume voulaient tuer politiquement peut revenir en force. Il n’a même pas besoin du PDCI et de Guillaume Soro pour succéder à Ouattara. Ce n’est pas comme s’il n’avait pas prévenu l’un et l’autre de ce qu’ils s’alliaient à la mauvaise personne juste pour le faire tomber. Pour des politiciens, ils ont clairement manqué de vision, cette matière première qu’il faut à un homme pour se mettre au-dessus de ses semblables.
L’histoire fait que Gbagbo n’a aujourd’hui pas besoin des bras de Bédié et Soro, qui ont assuré le service après-vente de son extradition, pour se relever. Reste à espérer que le génie politique qui habite Laurent Gbagbo n’est pas resté dans les murs de Scheveningen.
En cas d’une élection des forces en présence, Laurent Gbagbo, et c’est là que la politique est vraiment bizarre, pourrait bénéficier d’un rapport de voix de militants pro-Alassane Ouattara qui ne pardonnent pas à Bédié ni à Soro leur lâchage d’ Alassane Ouattara.
Chacun en Côte d’ Ivoire doit pouvoir compter sur son programme politique pour espérer gouverner les Ivoiriens, programmes que n’ont ni PDCI ni Guillaume Soro. Autrement, il est temps qu’ils commencent à en dévoiler les grandes lignes. Celui de Laurent Gbagbo, même s’il devra forcement le dépoussiérer pour le rendre conforme aux réalités d’aujourd’hui, existe et est bien connu des ivoiriens.
Charles Blé Goudé saura-t-il tirer son épingle du jeu ?
Une alliance Laurent Gbagbo avec les deux ex-copains d’ Alassane Ouattara serait la mort du FPI, et passant du COJEP si Blé Goudé ne se démarque pas de cette histoire. Il est vrai que l’ex-leader de la jeunesse ivoirienne a déjà affirmé qu’il ne prendrait pas part à des plates-formes bâties sur la seule démarche d’aller contre une personne politique, Alassane Ouattara, soit-elle et il va devoir le confirmer au moment venu.
Le débat d’idées pour redynamiser la Côte d’ Ivoire importe plus Charles Blé Goudé qui a plaidé récemment pour l’ouverture d’un dialogue inclusif entre politiciens pour ramener une paix définitive dans une pays où la jeunesse rêve de parler développement.
Laurent Gbagbo évitera-t-il le piège de ses adversaires devenus bien trop proches ??