La thèse d’une arrestation manquée de Guillaume Soro dans un hôtel à Barcelone, en Espagne, ne fait pas du tout l’unanimité sur les rives de la lagune Ébrié. Pour le Juriste Jean Bonin, il s’agit soit d’une « mise en scène » orchestrée par l’ancien Président de l’Assemblée lui-même afin de tirer des dividendes politiques ou l’oeuvre de faux policiers venus procéder à un enlèvement.
Jean Bonin passe au crible l’arrestation manquée de Soro
Affaire « arrestation manquée de Soro Guillaume en Espagne », afin que nul n’en ignore ou n’en prétexte ignorance !
« Dans la nuit du dimanche au lundi dernier, la police espagnole a débarqué dans ma chambre m’affirmant que je suis en état d’arrestation sur instruction d’Interpol. J’ai saisi mes avocats et j’ai refusé de les accompagner. Après s’être concertés, ils se sont retirés et j’ai écrit à l’ambassadeur d’Espagne en Côte d’Ivoire… » dixit un homme politique ivoirien. Analysons cette déclaration à l’aune du droit pénal international pour juger de sa crédibilité.
Avant tout propos il faut savoir qu’Interpol ne procède à l’arrestation d’un présumé criminel que conformément à une procédure très stricte que nous allons décrire ci-après. En effet, une arrestation par Interpol doit être préalablement précédée d’un mandat d’arrêt délivré par les juridictions nationales contre le criminel supposé, en l’espèce, la justice ivoirienne. Si un tel mandat avait (vraiment) été émis cela se saurait, d’autant que notre politicien qui dit être très informé pour avoir infiltré ses amis d’hier.
À notre connaissance donc aucun mandat d’arrêt (une décision de justice) n’a été délivré par une autorité judiciaire à l’encontre de notre politicien ivoirien. Or c’est l’existence de cette décision de justice qui déclenche la procédure d’arrestation par Interpol qui en aucun cas ne se substitue à un mandat décidé par des juridictions nationales et qui dans la majorité des cas, ne recherche que des fugitifs, déjà condamnés et qui sont en fuite ou qui sont recherchés pour être jugé.
Par ailleurs, il faut garder à l’esprit que l’article 3 des statuts qui régissent l’Organisation Internationale de la police criminelle (Interpol) précise que « toute activité ou intervention dans des questions ou affaires présentant un caractère politique, militaire, religieux ou racial est rigoureusement interdite à l’Organisation ». Pour procéder à l’arrestation d’un individu, à la demande du pays demandeur, Interpol diffuse donc sur son site internet et/ou auprès des polices des États membres de l’organisation des messages d’alerte qu’on appelle des « notices rouges » et qui sont comme des avis de recherche internationaux.
Ces notices ont pour objectif de demander la localisation et l’arrestation d’individus recherchés dans leur pays pour crime afin qu’ils soient extradés (ici, vers la Côte d’Ivoire ou la CPI). Donc, si un avis de recherche (notice rouge) avait été diffusé par Interpol, il est très peu probable qu’une simple intervention d’un avocat ait pu empêcher son arrestation, d’autant que la police ne reçoit aucune instruction des avocats.
Qu’est-ce qui a donc bien pu se passer ? Deux hypothèses. Soit notre politicien a mis en scène sa propre arrestation, pour les besoins de sa communication politique basée essentiellement sur la litanie de la victimisation, soit il a échappé à un enlèvement par des individus qui ne sont pas de vrais policiers.
En effet, si de (vrais) policiers avaient été instruits par leur hiérarchie de procéder à son arrestation il aurait au minimum été gardé à vue dans un poste de police et n’aurait pu en repartir qu’avec une décision d’une autorité judiciaire. Avec les éléments objectifs donnés, j’espère qu’à présent, dans l’intérêt de la vérité et de l’assainissement du débat politique, chacun pourra se faire sa propre opinion sur le sérieux ou non de cette (prétendue) arrestation manquée.
Jean Bonin
Juriste Citoyen ivoirien