Jean Bonin, cadre du Front populaire ivoirien (FPI) pro-Affi N’guessan, a exprimé ses craintes de voir le front social ivoirien s’embraser du fait du taux de chômage qui va grandissant au fil des années.
Taux croissant du chômage en Côte d’Ivoire: Jean Bonin, cadre du FPI, tire la sonnette d’alarme
Ils sont nombreux ceux parmi mes compatriotes qui craignent l’échéance électorale de 2020 qui, pour certains, risque d’être une occasion d’affrontement entre les populations. Ce risque est possible mais personnellement je n’y crois pas et ce n’est pas celui que je redoute le plus.
Ce que je crains le plus c’est la sourde révolte qui bruisse au sein de notre jeunesse, nourrie depuis plus de trois décennies de propagandes et de fausses promesses de la part des hommes politiques sur la question de l’emploi et donc de la lutte contre le chômage.
L’année dernière, en 2018, notre ministre de l’Emploi Jeune déclarait, pince-sans-rire, que le taux de chômage dans notre pays était de 2.8%. Bien évidemment, j’imagine qu’il a dû tenir compte de la définition du chômage faite par BIT (Bureau International du Travail) pour donner ce chiffre. Pour rappel, pour le BIT, pour être considéré comme un chômeur il faut être :
1 – sans emploi
2 – disponible pour travailler
3 – activement à la recherche d’un emploi.
Le problème avec les critères du BIT c’est qu’ils ne reflètent pas la réalité de la situation du chômage dans nos États en développement où chacun, d’une manière ou d’une autre, se débrouille pour vivre, notamment en exerçant dans l’informel. Or, pour le BIT dès l’instant où vous avez une activité, quelle qu’elle soit, vous n’êtes plus considéré comme un chômeur.
Comment alors déterminer les vrais chiffres ? Il suffit pour cela de se référer aux résultats de l’Enquête Nationale sur la Situation de l’Emploi et du Secteur Informel réalisée en 2016 (ENSESI-2016). Il ressort de cette étude que dans notre pays :
– 93.9% des emplois sont des emplois précaires,
– 73.3% des emplois sont des emplois vulnérables,
– 84.7% des demandeurs d’emploi sont des chômeurs découragés,
– 93.6% des emplois sont dans le secteur informel.
Pour sa part, la Banque Africaine de Développement (BAD) chiffrait l’an passé le taux de chômage en Côte d’Ivoire à un pic de 90% de la population active. Ces chiffres extraits du rapport “Perspectives économiques de l’Afrique de l’Ouest” de la BAD me semblent beaucoup plus crédibles et réalistes.
La bataille des chiffres n’est pas pertinente tant il ne fait l’ombre d’aucun doute que le chômage est la gangrène actuelle de nos sociétés en général et de notre pays en particulier. Chaque année la courbe du chômage grimpe et les chômeurs s’accumulent, que font réellement nos politiques pour juguler ce fléau ?
Il n’est pas rare de rencontrer aujourd’hui des personnes qui finissent leurs études, quelquefois à 28 ans, et qui atteignent l’âge de la retraite sans jamais avoir formellement travaillé ou pu exercer une activité salariée. Obtenir un simple stage est un chemin de croix pour la majorité des étudiants en fin de cycle.
Nos dirigeants croient vraiment que cette situation intolérable de chômage permanent et généralisé, qui ôte toute dignité à un être humain, va durer encore combien de temps alors qu’eux et leurs familles se gavent comme des oies ?
Il n’est nullement besoin d’être un prophète pour prédire que la prochaine révolte des populations sera celle du mal-être et du mal-vivre, née de leur situation de “chômeurs professionnels”.
Il est temps que nos dirigeants se penchent sérieusement sur ce problème et surtout qu’ils d’agissent efficacement car chaque année les universités et les grandes écoles déversent sur le marché des milliers de chômeurs qui viennent grossir le rang déjà assez conséquent de ceux qui sont à la recherche d’un emploi.
Il faut se résoudre à former nos populations et nos étudiants afin qu’ils puissent travailler et non se débrouiller. Il faut leur offrir des formations qui leur permettront de se prendre en charge et non à enrichir des fondateurs d’écoles qui créent chaque année des BTS et des diplômes d’ingénieurs aussi inutiles qu’inopportuns. C’est seulement à ce prix qu’on pourra éviter cette révolte qui semble… inévitable.
Jean Bonin
Juriste et cadre du FPI