La Côte d’Ivoire compte à ce jour 384 cas de patients déclarés positifs au Covid-19. Cette situation qui a conduit à la prise de plusieurs mesures dont l’instauration d’un couvre-feu et le confinement de la ville d’Abidjan, n’est pas sans conséquences pour le secteur de l’emploi. Mais il pourrait y avoir de l’espoir avec le numérique. Et c’est ce que tente d’expliquer, dans la contribution ci-dessous, COULIBALY Niennenkariga Habib, Président de la Société ivoirienne d’Intelligence Numérique, Expert indépendant en Assurances.
La Côte d’Ivoire face aux conséquences économiques du Covid-19
« En cette période liée au Coronavirus, tous les acteurs socio-politiques (Etat, institutions, entreprises, particuliers) sont unanimes pour dire qu’il faille changer de paradigme économique en se tournant vers les nouvelles technologies. A cet effet, il m’est paru important de relever les actions visionnaires prises par le Président de la République de Côte d’Ivoire, Son Excellence Monsieur Alassane OUATTARA dans le domaine du numérique depuis 2012. Ces actions menées depuis cette date, donnent « une certaine sérénité » (en ce moment) aux acteurs économiques dans leur migration vers le numérique.
Aujourd’hui le télétravail est devenu une réalité… !
En effet, le digital est en train de transformer considérablement nos habitudes, notre façon de travailler et de communiquer, surtout en cette période de pandémie.
Désormais marquée par l’instantanéité et l’interopérabilité, le parcours utilisé est aujourd’hui « cross device » (ordinateur, mobile, tablette) et omnicanal ; toutes les barrières ont cédé.
Le 24 mars 2020, le Ministre de l’Economie Numérique et de la Poste invitait les opérateurs de tous les secteurs à user davantage du numérique pour préserver l’activité économique de notre pays.
Ce communiqué faisait suite à celui de la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) qui annonçait le 21 mars 2020 une série de mesures d’urgence, et qui exhortait les populations à s’orienter vers les canaux digitaux pour leurs transactions en cette période de pandémie mondiale liée au COVID 19.
La question fondamentale que nous pouvons nous poser serait de savoir si l’Etat de Côte d’Ivoire a mis en œuvre en amont tous les éléments nécessaires à un tel basculement ?
La réponse à mon avis à cette préoccupation est sans ambiguïté : « oui, l’Etat de Côte d’Ivoire, depuis 2012, a mis en œuvre l’ensemble des dispositifs nécessaires pour une transition numérique réussie ».
J’essaierai au cours de cette petite contribution d’égrener le chapelet des mesures prises par le Président de la République depuis 2012 pour favoriser l’usage du numérique, mais également les dispositifs de protection des données à caractère personnel ainsi que celles favorisant le renforcement de la confiance numérique entre les acteurs opérant dans ce domaine et la population.
Pour finir, je citerai quelques mesures également anticipatrices prises par les assureurs de la zone CIMA en vue d’améliorer la couverture sociale des populations africaines, mais surtout pour la préservation de l’industrie de l’assurance toute entière à travers le numérique.
Mais bien avant de m’avancer dans toute démonstration, je m’appuierai sur les mots d’introduction du discours de l’éminent professeur Olivier Xavier (que je conseille à tous les lecteurs) lors de la cérémonie d’ouverture de la 8ème édition du forum de l’entrepreneuriat, CGECI Academy, le 14 octobre 2019 sur le thème : « La transformation digitale comme accélérateur de l’environnement des affaires » pour dire humblement comme lui, que chacun d’entre nous devrait s’intéresser au monde du numérique et à ses enjeux futurs ;
Je le cite : « Je ne suis pas né dans un environnement digital. Il y’a quelques années on a entendu parler des natifs du numérique comme étant ceux qui construiraient l’avenir. J’avais l’impression d’être en retard et que je n’arriverais pas à rattraper cette nouvelle génération qui tournait des pages en faisant glisser son doigt sur des tablettes.
Aujourd’hui j’enseigne la digitalisation à l’IESE BUSINESS SCHOOL à Barcelone d’une part, et d’autre part j’accompagne les sociétés et les institutions dans leur transformation digitale et je n’ai pas eu à renaître ! j’ai juste appris à sortir de ma zone de confort, à me tromper et à continuer d’avancer ».
En effet, il s’agit d’une véritable révolution que doivent opérer tous les acteurs en vue de s’adapter à ce nouveau monde, particulièrement en cette situation exceptionnelle que vit la planète toute entière et qui n’échappe pas à notre très chère Côte d’Ivoire .
« REVOLUTION NUMERIQUE » ou « REVOLUTION DIGITALE »
Le mot français « Numérique » du latin « Numerus », signifie à l’origine « représenté par des nombres ». Il renvoie à la technologie de numérisation qui permet de reproduire toute information (texte, son, image, mouvement…) en la convertissant en combinaison de nombres (en l’occurrence 0 et 1) que des matériels informatiques peuvent ensuite traiter.
Il s’oppose à « analogique » qui consiste à reproduire ces valeurs sur un support physique (cassette vidéo ou audio) selon un signal qui prend des valeurs continues.
Selon l’Académie Française le « Digital » serait un anglicisme importé directement de l’anglais au français, qui viendrait du latin « Digitum » et qui signifie « Doigt ».
Au regard de toutes ces spécificités sémantiques, la plupart des spécialistes préfèrent utiliser le « Numérique » pour décrire la technologie et le « Digital » pour ce qui touche à la pratique des utilisateurs. On parle bien d’ailleurs le plus souvent de « Marketing Digital » et non de « Marketing Numérique ».
LES MESURES PRISES PAR L’ETAT DE CÔTE D’IVOIRE DEPUIS 2012
Maurice Levy, Président du Directoire Publicis Groupe, dans la préface du livre de Christophe Victor et Lydia Babasi- Victor, paru en 2018, nous apprend deux choses :
La formation et le savoir sont l’or de demain.
La Côte d’Ivoire, depuis 2012 avait sans doute anticipé cette première assertion puisque le Président de la République, un an après son accession à la magistrature suprême du pays, a mis en place par décret N°2012-20 du 18 janvier 2012, l’ESATIC (Ecole Supérieure Africaine des Tics). Cette école d’excellence a été investie d’un pouvoir public avec pour mission de former des cadres de hauts niveaux, spécialisés dans la technologie de l’information et de la communication.
Oui nous pouvons affirmer que cette école qui est aujourd’hui à sa 7ième promotion d’ingénieurs, a formé des cadres talentueux qui répondent aujourd’hui aux besoins des entreprises dans tous les secteurs d’activités.
Cette jeune génération et bien d’autres après elle, réussiront j’en suis certain, à transformer considérablement notre économie dans les années à venir.
Le deuxième élément après la formation et le savoir, c’est l’accessibilité et l’utilisation des différents supports digitaux qui nous permettraient d’atteindre le cap.
L’innovation technologique est porteuse de progrès
Sur ce volet également, l’Etat de Côte d’Ivoire avait encore pris les devants depuis 2015 à travers l’ordonnance N°2015-503 du 08 juillet 2015 portant exonération de la taxe sur la valeur ajoutée et réduction de droits de douane sur l’acquisition de matériels informatiques, de tablettes électroniques et de téléphones portables sur une période de trois ans, du 01er aout 2015 au 31 décembre 2018.
A travers cette ordonnance, l’Etat a consenti plus de 13 milliards F CFA de recettes fiscales pour permettre d’accroître l’accès de la population aux supports technologiques de l’information et de la communication.
Les différentes mesures citées plus haut depuis 2012 auront sans doute un impact significatif vers ce basculement tant souhaité. Ce que l’on peut dire, c’est que tous les signaux sont au vert. Selon les données fournies par l’Autorité de Régulation : :
aujourd’hui chaque ivoirien possède au moins un support digital ; au 31 décembre 2019, la Côte d’Ivoire enregistrait 37. 376. 603 personnes connectées à une puce, sur une population totale de 22 671 131 (RGPH 2014), soit un taux de pénétration de 165% ;
les transactions électroniques (Mobile Money) ne font que croître d’année en année ; plus de 17 milliards de transactions journalières ;
les réseaux mobiles et internet sont de plus en plus performants et couvrent la quasi-totalité des 8 518 localités du pays.
Aussi, les différentes politiques fiscales attractives du gouvernement dans les TICs ont favorisé les investissements massifs dans le domaine des infrastructures.
Ces importantes mesures avaient été saluées par tous les acteurs du monde des tics y compris les associations de consommateurs, car celles-ci ont permis des investissements de plus de 58 milliards dans le secteur sur l’année 2019.
Parmi les nombreuses mesures mises en œuvre pour la transformation de l’économie de notre pays, l’un des éléments le plus importants est sans nul doute la régularisation du secteur à travers la protection des données à caractère personnel et le renforcement de la confiance entre les acteurs du numérique.
LA CÔTE D’IVOIRE BONNE ELEVE EN MATIERE DE TEXTE SUR LA REGULARISATION
Selon le rapport de Commission de l’Union Africaine (2016) « CYBER CRIME et CYBER SECURITY TEND IN AFRICA » la Côte d’Ivoire figure avec le Ghana et le Botswana parmi les pays ayant un cadre juridique complet en matière de TICs.
En effet, dès 2013, la Côte d’Ivoire a voté la loi n°2013-450 du 19 juin 2013 relative à la protection des données à caractère personnel et pris plusieurs décrets, arrêtés et décisions facilitant son application à ce jour. L’un des derniers en date est la nomination du président et des membres du conseil de régulation de l’Autorité de Régulation des télécommunications et du secteur des TIC.
Un mois après cette loi, la Côte d’Ivoire adoptait une seconde portant sur les mesures à prendre en matière de transactions électroniques. Il s’agit de la loi n°2013-546 du 30 juillet 2013 relative aux transactions électroniques.
Toutes ces lois adoptées ont dès lors eu un impact positif sur l’usage des transactions électroniques par la population. Nous avons cité les chiffres plus haut.
A ces mesures adoptées au niveau de la Côte d’Ivoire, peuvent être ajoutées celles prises au niveau communautaire notamment par la BCEAO. Nous pouvons particulièrement citer l’instruction N°008-05-2015 régissant les conditions et modalités d’exercice des activités des émetteurs de monnaie électronique dans les Etats membres de l’Union Monétaire Ouest Africaine.
Aussi dans ce contexte très particulier, les principaux acteurs du monde de l’assurance du continent ne se sont pas en reste. En effet, le régulateur CIMA et les principales faitières des assureurs (FANAF) et des intermédiaires (FIAC) avaient déjà interpellé leurs membres à repenser leurs modèles. Dans le paragraphe suivant, je relèverai quelques actions anticipatrices prises par ces acteurs pour favoriser le développement de l’assurance via le Numérique.
DEPUIS 5 ANS LA CIMA, LA FANAF ET LA FIAC EXHORTENT LES ACTEURS A CHANGER DE PARADIGME
Depuis maintenant un peu plus de cinq ans, la CIMA, la FANAF et la FIAC sensibilisent les acteurs du marché à innover en s’appuyant sur la jeunesse et les compétences endogènes.
Dès 2015, la CIMA et l’ensemble des acteurs du marché ont commencé à réfléchir sur l’introduction des nouveaux textes encadrant la commercialisation des produits ‘’vie’’ et ‘’non vie’’ via le numérique.
Cette volonté du régulateur communautaire a été réaffirmée lors des Etats Généraux des assurances, organisés du 07 au 09 mars 2018 en Côte d’Ivoire.
En effet, la résolution 2 de ces assises relatives au thème : « Distribution de l’assurance : quelle stratégie face aux mutations en cours ? », exhortait l’ensemble des marchés à mettre en place des plateformes numériques qui répondraient au mieux aux besoins de la population, mais également qui centraliseraient l’ensemble des informations du marché pour une bonne gestion des sinistres.
La CIMA est donc venue en appui aux assureurs qui, eux, avaient déjà pris des mesures sur ce sujet deux ans auparavant, à travers des résolutions fortes lors de leurs Assemblées Générales de Marrakech (2017) et de Kigali (2018) … Également le thème du forum de Cotonou au Bénin en cette même année 2018 était évocateur : « Distribution de l’Assurance dans l’espace FANAF : un modèle à repenser ».
Quant aux intermédiaires du continent, ils avaient déjà fait du numérique leur cheval de bataille déjà en 2017, lors de leur 11ième Assemblée Générale en réfléchissant sur la problématique suivante : « Le courtier d’assurance à l’heure de la Micro Assurance et de la Digitalisation ». Cette réflexion a même été approfondie deux ans plus tard à Cotonou au Benin. En effet, l’une des principales réflexions de cette Assemblée Générale était « Le courtage Digital : une locomotive pour entraîner l’industrie des assurances vers l’émergence ».
En somme, nous pouvons dire que dans le secteur des assurances, beaucoup d’efforts ont été faits et sont en cours de réalisation pour la satisfaction du client (accès aux produits et réduction des délais de règlement des sinistres), mais également pour la sauvegarde de l’industrie assurantielle toute entière via le numérique.
Sans nul doute que la situation que nous vivons actuellement accentuera la mutation de l’assurance africaine.
L’OPTIMISME EST DE MISE !
En tant qu’acteur évoluant dans le digital, il m’est paru important en cette période de volonté accrue de transformation véritable de nos économies de montrer les actions que l’Etat de Côte d’Ivoire a mis en œuvre depuis maintenant une dizaine d’années pour favoriser et inciter les acteurs économiques à innover et à repenser leur modèle économique.
Est-il nécessaire de rappeler que selon une statistique glaçante datant déjà de février 2014, sortie d’une étude d’E-mail-Brokers, plus de (08) entreprises sur (10) ont fait faillite en 2013 parce qu’elles n’avaient pas parié sur le digital ?
Ainsi, le challenge du virage du numérique se pose avec acuité pour toutes les entreprises quels que soient leur taille et leur secteur d’activité.
Pour nous en sortir il faudrait que nous investissions massivement dans de nouvelles plateformes de data management en ajustant notre stratégie RH.
Ce que l’on peut dire, c’est que la Côte d’Ivoire dispose déjà de bases très solides pour relever cet immense défi de changement.
Je reste très optimiste en affirmant : « oui, la Côte d’Ivoire réussira sa transition numérique et celle de la transformation de son économie toute entière, grâce aux actions mises en œuvre par le Président de la République son Excellence Monsieur Alassane OUATTARA depuis 2012 ».
COULIBALY Niennenkariga Habib
Président de la Société ivoirienne d’Intelligence Numérique
Expert indépendant en Assurances