Lazare Koffi Koffi, cadre du Front populaire ivoirien (FPI) proche de Laurent Gbagbo, a rendu un hommage mérité au doyen Sansan Kouao, planteur émérite et ami fidèle de l’ex-chef de l’ Etat ivoirien, décédé, mercredi dernier au Ghana, en exil depuis le 11 avril 2011. Dans la contribution ci-dessous, l’ex-ministre retient de l’illustre disparu, « un combattant, un homme de conviction, de parole et de persévérance ».
Lazare Koffi Koffi à propos de Sansan Kouao: « Son amitié envers Laurent Gbagbo n’a jamais connu de nuage jusqu’à sa mort »
C’est avec tristesse que toute la Côte d’Ivoire a appris le rappel à Dieu, le 30 septembre 2020 à 17 heures, du doyen Sansan Kouao, dans sa 98 ème année. Sa mort a été douloureusement ressentie quand on sait qu’elle est intervenue au Ghana, pays où il vivait en exil depuis le 11 avril 2011.
Depuis l’annonce de sa disparition, on a parlé de l’homme qui fût un grand planteur, plusieurs fois lauréat de la Coupe nationale du Progrès, prix et symbole institué par le président Félix Houphouet-Boigny pour récompenser les acteurs du monde agricole qui se sont illustrés non seulement dans la production des produits de rente, mais qui au plan social, se sont imposés par leurs richesses et par la qualité de leur cadre de vie.
Mais Sansan Kouao a fait plus que cela. Si le Front populaire Ivoirien et son leader charismatique, le président Laurent Gbagbo, pleurent l’illustre disparu, c’est parce que l’homme a marqué de son vivant, notre conscience par ses choix courageux, ses positions politiques et ses actions dans la lutte pour le retour du multipartisme en Côte d’Ivoire.
En effet, en 1990, au moment où Laurent Gbagbo et ses camarades sortaient de la clandestinité pour asseoir le Front populaire Ivoirien, ils eurent le bon flair de s’adresser aux planteurs de Côte d’Ivoire. Sans connaître le destin qui allait être réservé à ce parti dans un contexte où le président Houphouet- Boigny crachait encore du feu, Sansan Kouao et Georges Blehouet Aka prirent le risque de répondre aux sollicitations de ceux qui rêvaient autrement la Côte d’Ivoire. Sansan Kouao, à cette époque, était reconnu comme un planteur « râleur » qui avait souvent interpellé le pouvoir sur la justice du prix à fixer des produits agricoles en fonction de l’effort paysan. Lorsque le Front populaire ivoirien fit connaître que ces prix seraient valorisés s’il parvenait au pouvoir, Sansan Kouao fut pour ainsi dire séduit, et il fit partie des premiers acteurs à faire campagne auprès de la communauté des planteurs pour que le projet de Laurent Gbagbo et de ses camarades passe du rêve à la réalité. Pour se faire, il se mit à la disposition du nouveau parti. Non seulement, il ne rechigna pas à financer, autant que faire se peut, le Fpi, mais il participa auprès de lui à organiser le monde paysan et à lui donner une conscience de classe. Pour ce dernier cas, en 1991, il se trouva à Boudepe dans la sous-préfecture d’Agou (région d’Adzope) avec plus d’un millier de paysans venus de tout le pays pour un Congrès qui mettra en place un syndicat des planteurs. Ce Congrès fût présidé par l’ illustrissisme Harris Memel Fote et je fus choisi comme le secrétaire général de séance. Ce rendez-vous de Boudepe fut un grand moment dans l’histoire de la Côte d’Ivoire puisqu’il intervenait 47 ans après la création du Syndicat agricole africain. C’est au cours de ce rendez-vous qu’Emmanuel Monnet fut choisi comme premier président du nouveau syndicat dénommé Synagci ( syndicat national des agriculteurs de Côte d’Ivoire) et Blehouet Aka élu premier vice-président. On notera que le vieux Mamadou Mapiechon sera choisi comme délégué régional de toute la région du Nord.
Et pour boucler la boucle, Sansan Kouao fut élu premier président du Conseil d’administration de la Coopagci ( Coopérative des agriculteurs de Côte d’Ivoire). C’est avec le Synagci et la Coopagci que la lutte pour la valorisation des prix des matières premières agricoles ont été engagées. Ces luttes ont connu des succès dans le monde du coton et dans celui du soja après des grèves épiques qui ont mis fin aux Groupements à vocation coopérative (GVC) qui ont pendant longtemps exproprié et ruiné les planteurs.
C’est grâce à ces expériences heureuses que les planteurs de Côte d’Ivoire seront agrégés au Fpi qui, une fois au pouvoir, tiendra parole en essuyant leur sueur par la valorisation du prix de leurs produits. Sansan Kouao en fut fier et c’est au nom de cette politique du Fpi en faveur des paysans que son amitié envers Laurent Gbagbo n’a jamais connu de nuage jusqu’à sa mort. C’est cette amitié qui l’a conduit en exil pour marquer non seulement sa solidarité au président Gbagbo déporté, mais aussi pour marquer son désaccord et sa désapprobation avec le régime actuel. En nous quittant, Sansan Kouao nous laisse ainsi l’image d’un homme de conviction, de parole, de persévérance et de lutteur téméraire pour la justice et pour les bonnes causes. Que son esprit et son exemple inspirent les générations actuelles et futures.
Lazare KOFFI KOFFI