Guillaume Soro, malgré son séjour loin de la Côte d’Ivoire, demeure un des leaders les plus charismatiques de la classe politique ivoirienne. L’ancien Premier ministre des Présidents Laurent Gbagbo et d’Alassane Ouattara (son allié stratégique contre le premier) pourrait faire un retour en force dans le jeu politique ivoirien.
Qui est Guillaume Soro ?
Guillaume Soro a été un homme clé dans l’avènement du Président Alassane Ouattara au pouvoir en Côte d’Ivoire. L’ancien patron des forces nouvelles, rébellion armée qui avait coupé en deux le pays, ne laisse personne indifférent. Devenu Premier ministre de Laurent Gbagbo, il sera reconduit dans ses fonctions par Alassane Ouattara à sa prise effective du contrôle du pays. Il a ensuite été envoyé à la tête de l’Assemblée nationale dont il fut le président du 12 mars 2012 au 8 février 2019.
La relation entre l’actuel président et Guillaume Soro n’a pas survécu aux divergences. D’abord, le président de l’Assemblée nationale était durant longtemps le dauphin constitutionnel du Président de la République Alassane Ouattara. Cette disposition a été changée par la Constitution du 8 novembre 2016. Même s’il n’a pas du apprécier d’être éloigné du fauteuil présidentiel, l’ancien secrétaire général de la FESCI est resté solidaire des actions de son allié jusqu’à un certain temps.
Pourquoi Soro s’est-il séparé de Ouattara ?
Soro Guillaume a refusé de militer au RHDP, le parti politique du Président Ouattara dont il sait impossible la prise de contrôle. Leader lui-même de plusieurs mouvements politiques, il ne se voyait adhérer à ce parti que dans le cadre d’une large coalition incluant le PDCI de l’ancien Président Henri Konan Bédié. Les deux hommes sont proches, ce qui n’est pas bien perçu par les cadres du RHDP. Des militants de longue date du RDR, devenus RHDP, redoutaient qu’une alliance Soro – Bédié au sein d’une même famille politique ne les réduise en minorité au moment de la prise de décision stratégique.
L’ex-président de l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire, n’ayant pas de visibilité sur les intentions des uns et des autres, a refusé de militer au RHDP. Ce refus mal encaissé par le parti au pouvoir a été perçu comme affront fait par l’ancien patron des Forces Nouvelles à Alassane Ouattara. Soro a malgré tout accentué son rapprochement avec Bédié, l’autre déçu de l’actuel président. Cette démarche a amené des cadres du RHDP à demander son remplacement à la tête de l’Assemblée nationale où ils sont majoritaires.
Pourquoi Guillaume Soro a-t-il quitté la France ?
Peu après sa démission, l’ancien chef rebelle s’est exilé en France d’où il a été littéralement expulsé par les autorités. Désormais entre la Turquie et la Suisse, il a récemment essuyé des critiques du Président français Emmanuel Macron. Ce dernier reproche à Guillaume Soro ses velléités de renverser le régime Ouattara qu’il accuse de piétiner la Constitution ivoirienne. Membre de la grande famille de l’opposition ivoirienne, il est longtemps apparu comme le stratège qui allait aider à chasser ADO du pouvoir. Mais ces derniers temps, il n’est plus vraiment écouté par ses amis de lutte en Côte d’Ivoire. Les différents partis politiques coalisés adoptent dernièrement des postures contraires à celles proposées par l’ancien compagnon de Charles Blé Goudé au sein de la FESCI.
Kader Diarrassouba et d’éventuelles négociations Soro-Ouattara
Face à une absence de stratégie cohérente, inclusive, du reste de l’opposition, Guillaume Soro semble sur le point d’opérer un virage à 180°. Adversaire le plus farouche du Président Ouattara, il pourrait se réconcilier avec ce dernier et revenir au premier plan. C’est le chargé en communication de l’ex-président de l’Assemblée nationale, M. Kader Diarrassouba, qui laisse planer cette éventualité.
M. Kader Diarrassouba s’est agacé de l’espèce de mesquinerie qui plane au sein de la classe politique ivoirienne. « En fait, l’impression nette que j’ai, c’est que chacun dans l’opposition prêche pour sa propre chapelle, faisant fi des innocents assassinés et ceux en prison. Personne ne réclame même la libération des prisonniers de GPS », a-t-il fait remarquer.
Il faut noter que des membres de Générations et peuples solidaires (GPS), mouvement politique de Soro, sont en prison. Ils sont accusés, faussement – selon son clan, d’avoir cherché à faire un coup d’État contre le régime d’Alassane Ouattara. « GPS se démène comme un beau diable pour l’intérêt d’ensemble. Demandant l’application de l’État de droit, de la justice. Certains sont dans les petits calculs nombrilistes ; un passeport pour l’un pas pour l’autre. Rentes viagères pour les uns, pas pour les autres. Certains négocient pour leurs prisonniers, pas pour les autres », a-t-il dénoncé en référence au passeport octroyé récemment par le régime ivoirien à Laurent Gbagbo.
Vers des négociations Ouattara – Soro ?
L’étau de désert autour de Laurent Gbagbo dans le même temps qu’il se ressert autour de Guillaume Soro, pourtant membre de la même coalition de l’opposition. « Si M. Soro Guillaume Kigbafori engage lui aussi un dialogue direct avec M. Alassane Ouattara. Qu’est-ce qui va l’empêcher de négocier la vice-présidence, la Primature ou l’Assemblée nationale ? On va lui reprocher quoi ? », s’interroge Kader Diarrassouba en opposition au dialogue politique engagé par le reste de l’opposition avec Alassane Ouattara.
Le conseiller de Guillaume Soro poursuit ses questions en disant : « Quand M. Soro démissionnait de l’Assemblée nationale, d’aucuns prétendaient un plan avec M. Ouattara. Maintenant qu’il est avéré qu’il n’y avait aucun deal, était-il obligé de « libérer le tabouret ? » On reproche tous les péchés d’Israël à M. Soro, est-il le premier à s’être allié à M. Ouattara ? Est-il celui en 2005 qui a lancé le RHDP en France ? Est-il celui qui a fait le Front Républicain en 1995 ? »
Ces questionnements du communiquant de Guillaume Soro laissent penser qu’en l’absence de solidarité dans la démarche de l’opposition, son patron pourrait décrocher le téléphoner pour négocier à son tour avec Alassane Ouattara. Sauf qu’une éventuelle réconciliation entre les deux hommes pourrait de nouveau faire dire qu’ils y avait bien un deal à l’orchestration de leur vraie fausses séparation. Puisque le Président Ouattara n’a nommé aucun Vice-Président, certaines personnes penseront que le poste avait été laissé vacant à dessin.
Pendant ce temps, à Abidjan, les différents partis politique se préparent à aller aux élections législatives et municipales. Des négociations portent sur la réforme de la Commission électorale (CEI).