Marcel Amon-Tanoh fait l’objet de virulentes critiques voire d’injures depuis la présentation de ses excuses publiques au président de la République, Alassane Ouattara, pour offense lors d’un meeting de l’opposition en octobre 2020.
Voici pourquoi Marcel Amon-Tanoh n’a jamais été membre de l’opposition
En mars 2020, au moment où personne ne s’y attend, Marcel Amon-Tanoh prend la lourde décision de se séparer de son ami de longue date, Alassane Ouattara, dont-il a été le directeur de cabinet avant d’être nommé Ministre des Affaires Etrangères. Il démissionne après que le RHDP (parti au pouvoir) a désigné comme son candidat à l’élection présidentielle d’octobre 2020, feu le Premier ministre Amadou Gon Coulibaly décédé en juillet de la même année.
A sa démission, le fils de Lambert Amon-Tanoh, un ancien ministre du Président Félix Houphouët-Boigny, évoque plusieurs points de désaccord avec le chef de l’Etat mais dit être sans animosité envers lui. Il le dit lui même dans une interview accordée à Jeune Afrique en septembre 2020, lorsque le journaliste lui demande comment sont ses relations avec Alassane Ouattara depuis sa démission. Sa réponse est sans ambages.
« Très bonnes. Je l’ai vu une fois depuis ma démission. Nous sommes en contact. Je lui ai dit que j’étais ouvert et qu’à tout moment, s’il a besoin de consulter ou de me dire quelque chose, je répondrai positivement. Nous avons un différend, mais nous ne sommes pas fâchés », répond l’homme. Une réponse suffisamment claire pour que ceux qui le taxent aujourd’hui d’être un « opposant de salon », sachent qu’à la vérité, Amon-Tanoh n’a jamais quitté véritablement son ancien mentor qu’il est toujours prêt à servir.
Ses excuses publiques au président Ouattara, presque trois mois après la réélection de celui-ci le 31 octobre 2020, sont là l’expression d’un moine égaré qui retrouve son maître. « Je reconnais n’avoir pas été totalement fidèle à mon engagement de montrer aux ivoiriens qu’il est possible de faire de la politique différemment, en sachant, malgré nos désaccords, garder le bon ton, sans proférer d’invectives et sans porter de jugements de valeur. Je pense notamment aux propos que j’ai tenus le 10 octobre 2020, au stade Felix Houphouët-Boigny, envers le Président de la République, S.E.M. Alassane OUATTARA », dit-il d’entrée de jeu dans son message d’excuses.
Pour ceux qui auraient oublié, le samedi 10 octobre 2020, prenant la parole dans le cadre d’un meeting organisé par les opposants ivoiriens, Marcel Amon-Tanoh n’avait pas porté de gants pour fustiger ouvertement Alassane Ouattara qui « a peur de la Côte d’Ivoire de la majorité, la Côte d’Ivoire plurielle ». « N’ayez pas peur. Nous sommes prêts à mourir pour notre pays. Nous ne reculerons plus devant rien. Nous sommes debout. Nous en avons marre. Dites lui de libérer notre pays, de nous le rendre », avait-il lancé devant une foule d’opposants gonflés à bloc.
Plus de trois mois après, l’ancien chef de la diplomatie ivoirienne, fait son mea-culpa et tente d’édulcorer ses propos. « Voter pour un Président, c’est lui confier notre pays à gérer. Dire qu’il nous le rende, n’est qu’une manière d’exprimer une divergence sur certains aspects de la gestion des affaires publiques, mais en aucun cas de suggérer qu’il n’est pas ivoirien, comme il me revient que beaucoup de mes compatriotes l’auraient compris (…) J’ai conscience d’avoir profondément heurté le Chef de l’Etat, à qui je tiens à présenter publiquement mes sincères excuses et à exprimer mes regrets aux ivoiriens », s’excuse Marcel Amon-Tanoh.
Il n’en a pas fallu davantage pour que le natif d’Aboisso devienne l’objet de vives critiques de la part d’opposants qui le traitent de tous les noms d’oiseaux. Et pourtant, même si, à un moment donné de sa carrière politique, Amon-Tanoh a rejoint l’opposition pour mener le combat ensemble, est-ce que cela est suffisant pour faire de lui un membre de l’opposition?
« Je suis moi-même », répondait-il toujours à Jeune Afrique à la question de savoir s’il se considérait sur l’échiquier politique, comme un membre de l’opposition. Une réponse qui montre clairement que l’ancien directeur de cabinet d’Alassane Ouattara ne s’est jamais véritablement senti dans la peau d’un opposant mais plutôt, du serviteur qui avait juste quelques divergences circonstancielles de vues avec son patron. Il part certes, mais revient à la maison quand s’arrête la tempête.
Sauf que ce n’est pas très sûr que l’ami « hybride » de Ouattara, soit la bienvenue cette fois dans la maison houphouëtiste. «On avait besoin de ses propos avant le 31 octobre 2020, pendant la traversée du désert… Si l’opposition avait atteint son objectif, nous ne serions pas à ce stade. Évitons l’opportunisme politique et les opportunistes… Tu ne peux pas nous empêcher de semer le riz par tous les moyens et laver tes mains pour déguster ce même riz après sa récolte…», prévient Alpha Yaya Touré, député-maire de Gbon-Kolia et ancien proche de Guillaume Soro qui a rejoint le RHDP depuis avril 2019.