L’ex-président ivoirien Laurent Gbagbo devrait regagner la Côte d’Ivoire d’ici à quelques semaines, deux mois après le dénouement heureux de son procès à la Cour pénale internationale (CPI). Mais le format de l’accueil qui doit lui être réservé, divise profondément la classe politique ivoirienne.
Retour triomphal de Gbagbo : « Ce n’est pas le moment de vouloir organiser des cérémonies d’accueil sinon… » (Adama Bictogo)
Son retour en Côte d’Ivoire, après une dizaine d’années de périple judiciaire, est désormais une évidence. Laurent Gbagbo, acquitté le 31 mars 2021 par la Cour pénale internationale, a reçu, une semaine après, le quitus du président ivoirien Alassane Ouattara, lui permettant de rentrer dans son pays quand il le « souhaite ». Le gouvernement ivoirien se proposant de prendre en charge les frais de voyage de ce retour au bercail. Mais les contours de ce retour annoncé pour la fin du moins de juin prochain, selon Africa Intelligence, semblent profondément diviser la classe politique nationale.
C’est un secret de polichinelle, le RHDP, parti du président Alassane Ouattara, ne veut pas d’un accueil populaire réservé au fondateur du Front populaire ivoirien (FPI). Invoquant des risques d’affrontements entre les victimes pro-Ouattara et les partisans de Gbagbo. » Je crois que le plus important, c’est que le Président Gbagbo rentre comme tous les citoyens ivoiriens. Il est libre de rentrer chez lui. Mais de grâce en tenant compte des victimes silencieuses. Que chacun puisse tenir compte de ce qui s’est passé en Côte d’Ivoire », prévient Adama Bictogo.
Le directeur exécutif du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP), rejoint ainsi ouvertement Issiaka Diaby et son collectif des victimes pro-Ouattara de la crise postélectorale de 2010-2011. Ces derniers jours, ils ont multiplié de bruyantes manifestations pour crier leur opposition au retour en Côte d’Ivoire de l’époux de Simone Gbagbo. Les adversaires de Laurent Gbagbo estiment qu’il a précipité son pays dans le chaos en refusant sa défaite face à Alassane Ouattara à la présidentielle de 2010. Plus de 3 000 personnes avaient été tuées dans les violences ayant suivi ce refus.
« Chacun de nous sait ce qui s’est passé en Côte d’Ivoire en 2011. Je crois que nous devons humblement, hommes politiques que nous sommes, responsables des crimes ou pas, mais le fait d’appartenir à la famille politique on a un devoir de mémoire vis-à-vis de ces victimes, vis-à-vis de ces familles qui discrètement dans le silence, souffrent meurtries parce qu’elles ont perdu des êtres chers », fait savoir le directeur exécutif du RHDP.
» Je voudrais que le FPI, que tous ceux qui s’agitent comprennent que ce n’est pas le moment; donc de vouloir organiser des cérémonies d’accueil sinon, ils auront en face des gens qui organiseront des cérémonies de deuil », a prévenu Adama Bictogo. Du côté de Laurent Gbagbo, l’on assure que les discussions se poursuivent avec le pouvoir « pour un retour apaisé, sécurisé et joyeux » de l’ex-président qui vient prendre toute sa place dans le processus de réconciliation nationale, en vue d’une paix durable en Côte d’Ivoire. Selon Koné Katinan, son porte-parole rentré fraichement d’exil, jamais il a été question dans les discussions avec le gouvernement, d’un quelconque « retour en catimini » de Laurent Gbagbo, comme annoncé par Africa Intelligence dans l’une de ses dernières publications.