Conseiller des Premiers ministres Seydou Diarra et Guillaume Soro, en passant par Charles Konan Banny, Bamba Alex Souleymane a dirigé le sport, la culture et le showbiz pendant près de dix ans. Monter un dossier d’Etat pour que les représentants sportifs de la Côte d’Ivoire, aillent à l’international ou au niveau de la Francophonie au Canada, était à son initiative. Le journaliste et expert en communication s’est prononcé sur plusieurs sujets, cette fois sportifs lors d’une interview accordée au quotidien Le Sport. Ci-dessous, quelques larges extraits sélectionnés par Afrique-sur7 d’abord sur la gestion de la FIF (Fédération ivoirienne de football) par feu Sidy Diallo, ensuite sur le comité de normalisation installé à la tête de la FIF, sur l’éviction de Jacques Anouma de la présidence de la CAF, la crise à l’Africa, et enfin sur la nomination de l’ancien ministre François Albert Amichia à la tête du CoCAN 2023.
L’émouvant témoignage de Bamba Alex Souleymane sur Augustin Sidy Diallo, ex-président de la FIF
« Sidy, paix à son âme, c’est mon jeune frère. Le vieux (NDLR : Abdoulaye Diallo), c’est mon père. Pour la petite histoire, lorsque feu Dieng Ousseynou, mon ami et frère, fut élu président de la FIF, il sollicitât feu Amadou Diallo (NDRL : frère aîné de Sidy Diallo) pour faire partie de son comité exécutif. Après concertation de la famille, c’est moi qu’elle a commis à la tâche pour dire à Dieng Ousseynou que Amadou Diallo étant occupé, la famille acceptait que Sidy le remplace. Voilà comment Sidy Diallo est arrivé à la fédération ivoirienne de football. Tout le monde connaît le rôle important qu’il a joué, sa rigueur. Il était intraitable. Ça peut gêner, mais c’est sa nature et il gagne. La preuve, on remporte la Coupe d’Afrique en 1992. Puis, après, une finale en 2006, une autre en 2012. Il a participé au premier mandat de Jacques Anouma en tant que deuxième vice-président de la FIF, Feh Kessé en était le premier.
Le fonctionnement optimum de la FIF, à l’image des fédérations européennes, était également de son fait. Puis, pour des raisons personnelles et professionnelles, il a pris du recul. Après la crise post-électorale, le mandat de Jacques Anouma venait à expiration. Le choix d’un homme de qualité qui ait du vécu, qui ait du charisme, qui ait aussi les moyens, était devenu une nécessité pour lui succéder à la tête de la fédération. Aussi, lorsque l’opinion finit par savoir que c’était lui et que les clubs, qui sont les électeurs, le firent par rapport à son vécu, à sa personnalité, à ses qualités managériales, il devint le président. Et comme un bonheur ne vient jamais seul, il remporta une autre Coupe d’Afrique en 2015 (…) Sidy, avec son charisme, conduisait la machine. Il joue une finale de CAN en 2012 et une autre en 2015 qu’il remporte. C’est dix sur dix.
Jacques Anouma aussi, c’était dix sur dix au regard du rayonnement international, de la qualité exceptionnelle des joueurs, deux coupes du monde disputées, une finale de CAN en 2006. La même année, on a participé pour la première fois à la coupe du monde. On a onze joueurs titulaires, onze remplaçants et des réservistes du même talent et du même niveau. Moi qui suis un esthète du football, que j’aille regarder des matches sur des pelouses où les gars se crêpent les chignons, taillent les balles et s’illustrent par des loupés incroyables, c’est vrai que ça manque. J’ai été obligé de prendre du recul. Pas que je l’ai fait à dessein, mais ce spectacle soporifique, insipide, qu’il m’était donné de voir, pour l’expert que je suis, ne me satisfaisait pas. C’est pour cela que j’ai regardé de loin. Mais, comme si tu ne vas pas à Lagardère, Lagardère vient à toi, je suis dans le football.
Bamba Alex: « Je n’ai pas apprécié et je n’ai pas approuvé le comité de normalisation à la tête de la FIF »
Je le dis tout net : je n’ai pas apprécié et je n’ai pas approuvé. Il s’agit d’un Etat souverain dirigé par un président à dimension planétaire, le président Alassane Ouattara. Puis, parce que tout simplement, il y a des incompréhensions et non des contradictions inextricables, une situation qu’on pouvait gérer en toute intelligence, la FIFA vient imposer à la République de Côte d’Ivoire un comité de normalisation. Au départ, je ne comprenais pas bien. J’ai voulu même comprendre et apporter ma contribution. Je me suis dit, comme les frères ne s’entendent pas, peut-être sans doute nous qui avons l’expérience, la culture du football, pouvions apporter de l’éclairage. En plus, j’ai une notoriété quand même dans la presse et comme tel, c’est un atout au niveau d’un dossier international. J’ai eu le ministre Danho Paulin (NDLR : le ministre en charge des sports) qui m’a expliqué un peu. Il n’a pas été très explicite.
C’est mon ami, je sais. Donc, j’ai arrêté et j’ai regardé. J’ai suivi les débats. Et jusqu’aujourd’hui, l’Ivoirien fier que je suis, n’apprécie pas et n’approuve pas. Ce qui n’est pas à confondre avec la personne de Mme Dao Gabala (NDLR : présidente du comité de normalisation de la FIF) ou d’Abé Adou Simon (…) Les gens ne se sont même pas rendu compte qu’Abé Adou Simon, c’est l’ancien numéro 10 de l’USC Bassam, avec Niang Seydou, Béhiri Aurelien, Bamba Ousmane, Traoré Maxime, Gomez Alexis, Boti Vincent. C’est cette équipe qui battait l’Africa Sports quand elle le voulait. Il a fait ses études, il est devenu avocat en Europe. C’est une fierté. C’est un ami, un frère. Mme Dao Gabala, elle a fait ses preuves dans plusieurs institutions. Peut-être que ce n’était pas dans ce domaine précis. Quant au Pr Martin Bléou, il a été ministre de la sécurité en Côte d’Ivoire. Il a un rang magistral.
Ce n’est pas au Conor qu’on doit le mettre. C’est mon opinion personnelle. J’estime que le Pr Martin Bléou doit apporter plus à la Côte d’Ivoire, ailleurs que dans une instance de football, fut-elle si importante. Gianni Infantino, le président de la FIFA, dit qu’Hamed Ouattara (NDLR : ex-international ivoirien) est son ami. Ça veut dire que dans la vie tout peut arriver. Et que Hamed Ouattara peut devenir demain président de la FIF ou de la CAF (…) A quoi cela aura donc servi ? Les championnats se jouent. L’assemblée générale est prévue pour très bientôt. Je pense qu’on aurait pu éviter d’être mis sous coupe réglée. On est un pays trop important pour que l’on apprivoisât la gestion de son football. Je ne l’aurais pas accepté. Je me serais dressé devant la FIFA. Mais, ça été fait. Je pense qu’on va tirer les enseignements de cette situation pour que les acteurs eux-mêmes comprennent qu’à un moment donné, il faut savoir lâcher du lest.
Bamba Alex: « Jacques Anouma serait assis dans le fauteuil de président de la CAF si… »
La CAF qui était destinée à un homme brillant, celui qui en avait le profil, Jacques Anouma. C’est un complot qui a eu raison de Jacques Anouma, complot à l’international. Qu’est-ce qui justifiait que l’on ait empêché un homme aussi brillant de compétir avec les autres pour être président de la CAF. Il avait déjà quasiment le soutien de l’Afrique de l’Ouest. Et le président de la République avait accepté qu’il aille à la conquête de l’Afrique. Il était déjà parti. Et c’est subitement la FIFA qui prend la décision qu’il n’y aura pas d’élection de la CAF. Mais, pourquoi elle ne dit pas qu’il n’y aura pas d’élection à la présidence de la confédération européenne, l’UEFA ? Donc, c’est sous le prisme du misérabilisme qu’elle continue de regarder l’Afrique. Jacques Anouma a été victime de ce complot. Visiblement, alors qu’il en avait tout le profil, tout le talent, tout le brio. Comme Amichia François peut être demain président de la CAF parce qu’il en a la culture.
D’abord l’organisation des supporters, ensuite ministre des sports, puis maire, donc la gestion de la proximité dans la cité. On avait les hommes pour gagner cette bataille parce que le leadership de la Côte d’Ivoire est sans conteste. Et le président de la République de Côte d’Ivoire est le champion du leadership en Afrique d’une manière générale, voire en Europe et en Asie parce qu’il a eu à gérer l’économie de certains pays asiatiques, africains et européens. Donc, on avait tous les atouts. Mais, qu’est-ce qui s’est passé ? On vient et on impose un milliardaire. Mais, et le sportif ? Le palmarès de Jacques Anouma est éloquent. Il avait toutes les cartes pour gagner. L’équation personnelle du président Ouattara et l’équipe de campagne qui était autour de lui, c’était pour pulvériser ses adversaires. Ce qu’ils surent et qui les amenât, après réflexions, à procéder ainsi. On serait allé aux élections de façon régulière, il n’y aurait pas eu de débat. Jacques serait assis dans le fauteuil de président de la CAF. Pourquoi c’est la FIFA qui va venir dicter à l’Afrique la conduite à tenir ? Mais, quelle insulte à notre intelligence, à l’histoire de nos parents, nos aïeuls qui se battirent pour faire de nous des dignes fils !
La crise à l’Africa Sports
Cette instabilité chronique n’est pas liée seulement à l’Africa Sports, aujourd’hui dirigé par mon jeune frère Yves Zogbo Junior. Ce n’est pas d’aujourd’hui que les clubs éprouvent des difficultés, qu’ils sont habités par la tentation du diable : renversement de président, tentative de sabotage, croc-en-jambe… toutes les antivaleurs. Le football, qui est certes l’opium du peuple, est en même temps un fond de commerce important pour beaucoup de dirigeants qui sont dans le football. Celui-ci se joue sur le terrain, mais il nourrit toute une chaîne. Quand ceux qui sont au bout de la chaîne deviennent mécontents et sont les plus nombreux, leur réaction finit par créer une crise au cœur du dispositif, donc au sommet.
C’est une structure pyramidale : la tête, les supporters, les sympathisants et les mécènes. Le Stade d’Abidjan a été dirigé par Me Mondon, brillant avocat. C’était la grande équipe du Stde d’Abidjan. C’était une dynastie de barons qui aimaient le football et le sport. Idem pour l’Asec Mimosas. Touré Mamadou, Victor Ekra, Kouyaté Mamadou… Ils avaient leurs ramifications tant dans le pouvoir central que dans l’administration. La CNPS a été dirigée pendant longtemps par un des barons de l’Asec. La quasi-totalité des joueurs mythiques de l’Asec travaillait à la CNPS. Ils ont pris leur retraite et leurs enfants continuent de perpétuer la tradition. Il y a le Stella Club.
La position de Bamba Alex Souleymane sur le remplacement de Feh Kessé par Amichia François à la tête du CoCAN 2023
Je ne veux pas entrer dans les querelles de personnes. Pas plus que je ne vais m’attarder sur les contradictions. La structure appartient à l’Etat de Côte d’Ivoire qui doit, pour le compte de l’Afrique, préparer, organiser et réussir le championnat d’Afrique de football en 2023. L’enjeu est éminemment important. Il y a eu une incompréhension, mais cela ne doit pas être perçu comme un désaveu de l’une ou l’autre partie. En ce moment, ce serait une querelle de personnes. Or, moi, je ne vois pas cela sous ce prisme. Le président de la République, qui a le baromètre de mesure de l’ensemble des composantes sous la responsabilité de qui nous sommes pleinement, sait comment ces structureslà fonctionnent, depuis très longtemps. Depuis 1968, il était encore très jeune dans les sommités internationales. Il en a vu des vertes et des pas mûres. Donc, il est outillé. On va laisser les incompréhensions et nous attacher au profil de l’homme nouveau
(…) François Amichia, c’est “the right man at the right place” : l’homme qu’il faut à la place qu’il faut. Il connait comment fonctionnent les institutions de la république. C’est aussi un homme de consensus. C’est un historien. Il connaît l’histoire des peuples et des nations. Donc, sa relation avec les uns et les autres est une relation fluide. Intellectuellement et socialement, il vient de Treichville, la commune par excellence qu’Houphouët a bâtie, où il a mis différents peuples et différentes ethnies les uns à côté et des autres. C’est la cité du partage, de l’amour et du vivre ensemble. La cité « n’zassa ». Forcément, avec idéal. François Amichia ne peut que réussir l’organisation optimale de la CAN 2023, avec des infrastructures qui auront été achevées à temps, avec tous les différents acteurs : les supporters, les présidents de club, la presse, etc. C’est un excellent chef d’orchestre ».