Le président du Bénin Patrice Talon a reçu ce mercredi son prédécesseur et rival politique Thomas Yayi Boni au palais de la Marina. Un signe d’apaisement entre les deux hommes.
Exilés, prisonniers politiques et la réconciliation nationale au menu du tête-à-tête Talon – Yayi Boni
L’ancien président béninois, Thomas Boni Yayi, et son successeur Patrice Talon se sont rencontrés ce mercredi 22 septembre à la Présidence de la République. Rentré à Cotonou le weekend dernier après plusieurs mois passés à l’extérieur, Boni Yayi a accepté la main tendue du chef de l’État béninois. Dans ses premiers propos, le Chef de l’Etat n’a pas caché sa joie suscitée par ces retrouvailles. « C’est un honneur pour moi, un grand plaisir de vous revoir. Je suis tout ému », a déclaré Patrice Talon à l’entame de la rencontre.
Plusieurs sujets de discussion devraient être au menu des échanges entre les deux personnalités. Cette rencontre est une première depuis avril 2016 que Yayi Boni, cédant le fauteuil à son successeur, lui a offert une Bible. Yayi Boni ne pourra faire le tour d’horizon avec Patrice Talon sans mettre sur tapis le cas des centaines incarcérés, répartis dans des prisons un peu partout sur le territoire, et la situation des exilés surtout que Yayi Boni, rentré seulement le week-end dernier, revenait ainsi au pays après quatre mois d’absence. Mais on l’a aperçu du côté de l’Hexagone avec d’autres exilés. Comme récemment la rencontre entre Ouattara-Gbagbo en Côte d’Ivoire, le tête-à-tête Talon-Yayi au Bénin pourrait aboutir à un dégel.
Avant la rencontre du jour, Yayi Boni, une fois à Cotonou était le week-end au domicile de l’ancien président Nicephore Soglo. Si l’objet officiel était de présenter de vive voix ses condoléances au président Soglo et de signer le livre de condoléances à la suite de ce même protocole qui avait été observé quelques semaines plus tôt en France, on peut se demander si à cette visite de Yayi Boni au domicile de Nicéphore Soglo suite aux obsèques de l’ancienne Première dame Rosine Soglo, ce tête-à-tête de ce matin n’a pas été abordé. C’est fort probable que Yayi Boni, pour ce qu’on sait de lui, ait tenu informé le président Soglo qui lui aurait prodigué des conseils sur tel ou tel sujet ou quelle posture il pourrait adopter une fois au Palais.
Ces derniers mois, le pouvoir en place a posé des actes assez éloquents envers Boni Yayi. Pascal Essou, le médiateur de la République nommé par Patrice Talon s’est rendu en juillet dernier dans la maison familiale de l’ex-chef de l’Etat à Tchaourou pour lui présenter les condoléances de la République après la disparition de sa sœur aînée.
Les deux hommes d’Etat, pour le règlement d’un différend qui les opposait, s’étaient rendus en Côte d’Ivoire, quelques jours après la prise de pouvoir, avec comme médiateurs les présidents Ouattara et Faure Gnassingbé de la Côte d’Ivoire et du Togo. Mais ce déplacement n’aura pas produit l’effet escompté.
Yayi Boni en résidence surveillée
Les deux amis Patrice Talon et Yayi Boni, devenus ennemis depuis 2011, sont restés méfiants l’un de l’autre. Les relations se sont davantage dégradées avec la gouvernance au sommet de l’Etat, que Yayi Boni ne partage pas. A l’opposé, le Pouvoir de la Rupture qui scanne dans maints secteurs, sa gestion sur la décennie 2006-2016 et traque les anciens collaborateurs de Yayi Boni ; du moins ceux-là qui continuent de lui être fidèle. Dans ce bras de fer, l’ex chef de l’Etat, au lendemain des élections législatives contestées de 2019, a été bloqué en résidence surveillée pendant une cinquantaine de jours.
Il a fallu l’intervention de chefs d’Etat de la sous-région et des pressions venues d’ailleurs, selon des sources crédibles, pour que le blocus autour de la résidence au quartier Cadjèhoun à Cotonou, soit levé. Aussitôt, Yayi sort du pays pour une destination restée inconnue pour, dit-on, se faire soigner. Après plusieurs mois, il revient. Mais dans un vol de l’Etat du Nigeria avec des anciens présidents de l’Etat fédéral, après escale au Niger, chez l’ex président Issoufou. Il était prévu une rencontre entre Patrice Talon et son prédécesseur au poste, au Palais de la République.
Yayi Boni qui a foulé le sol natal avec des anciens chefs d’Etat nigérians ainsi que d’autres émissaires de la Cedeao, n’ira pas à cette rencontre. La délégation, elle, a échangé avec l’actuel locataire de la Marina, mais est repartie le même jour, avec Yayi Boni à bord du vol. En 2020, Yayi Boni et ses soutiens seront à nouveau privés d’élection : les Communales. Et pour cause, le mythique parti Fcbe a connu une implosion. Des lieutenants dissidents de Yayi se sont accaparés le parti et prennent part à ces élections. Yayi Boni et sa suite vont prendre quelques mois et créer un nouveau parti Les Démocrates.
Mais en avril 2021, tout sera verrouillé et impossible pour le parti de participer à la présidentielle avec une candidature duo. Le jeu politique oblige. A chacune de ses joutes électorales, des violences, des dégâts et interpellations à la pelle d’opposants proches ou non de Yayi Boni ont été enregistrés. Les récents cas sont Reckya Madougou, Joël Aivo, Jean Alexandre Hountondji, Paulin Dossa, Joseph Tamègnon, Elie Djènontin et bien d’autres jeunes engagés. Dans le même temps, des figures comme Sébastien Ajavon, Léhady Soglo, Komi Koutché, Fatouma Amadou, Nadine Dako, Noureinou Atchadé, Amissétou Affo Djobo, Valentin Djenontin, Léonce Houngbadji et autres sont en exil depuis 2016, pour certains, 2017 ou 2021 pour d’autres.