Justin Koné Katinan, porte-parole adjoint du PPA-CI de Laurent Gbagbo, ne décolère pas contre la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH), après les propos de son vice-président Alexis Deswaef. Selon ce haut responsable du FIDH, la Cour pénale internationale (CPI) a accordé une prime à l’impunité avec l’acquittement de Laurent Gbagbo, l’ancien président ivoirien, et de son poulain, Charles Blé Goudé, alors poursuivis pour leur rôle dans la crise postélectorale de 2010.
Koné Katinan: « L’acquittement du président Laurent Gbagbo et du ministre Blé Goudé ne saurait, en aucun cas, consacrer l’impunité »
En faisant devant la presse, le vendredi 10 décembre 2021, le point de sa mission de plaidoyer menée conjointement avec le Mouvement Ivoirien des Droits de l’Homme (MIDH) et la Ligue Ivoirienne des Droits de l’Homme (LIDHO), monsieur Alexis Deswaef, vice-président de la Fédération Internationale des Droits de l’Homme (FIDH) déclarait :
« Au niveau international, l’acquittement confirmé en appel le 31 mars 2021, de l’ancien président Laurent Gbagbo et de son ancien ministre Charles Blé Goudé par la CPI, a consacré l’impunité totale désormais accordée aux auteurs des crimes de la crise postélectorale de 2010 à 2011 en Côte d’Ivoire. L’acquittement de ces deux seuls suspects poursuivis devant la CPI signifie que les plus hauts responsables de ces crimes, tant parmi les pro-Gbagbo que les pro-Ouattara, ne seront probablement jamais inquiétés »
Ces propos extrêmement graves, tenus par un responsable aussi important d’une Organisation Non Gouvernementale (ONG) des droits de l’homme, ont de quoi inquiéter, puisqu’ils semblent jeter un doute sur la portée de la décision d’acquittement du 15 janvier 2019, décision intervenue à la suite d’un procès qui a duré dix (10) ans, mobilisé quatre-vingt-deux (82) témoins à charge et plusieurs milliers de preuves documentaires dont des preuves versées par la FIDH à la Procureure de la CPI.
Sauf pour la FIDH, à considérer les magistrats de la CPI comme des juges incompétents ou suspects, ou à vouloir condamner coûte que coûte, voire sans preuves, des innocents d’avance désignés comme des coupables, l’acquittement du président Laurent Gbagbo et du ministre Blé Goudé ne saurait, en aucun cas, consacrer l’impunité parce qu’il est intervenu après un procès équitable, transparent, mené selon les normes du Traité de Rome, mais surtout, parce qu’il y a d’autres protagonistes dans la crise qui peuvent et doivent être poursuivis afin de faire éclater la vérité.
» Comment, la FIDH peut-elle alors, en toute bonne foi, parler de consécration de l’impunité après l’acquittement des deux ex-accusés, alors même que cette ONG se garde de réclamer la poursuite des suspects dans l’autre camp »
En effet, en autorisant la procureure à enquêter sur la situation en Côte d’Ivoire, le 3 octobre 2011, la chambre préliminaire de la CPI avait pris bonne note de l’intention de celle-ci, d’enquêter « tant sur les actes imputables aux forces pro- Gbagbo que sur ceux imputables aux forces pro-Ouattara ». La procureure Bensouda avait, à plusieurs reprises, souligné que l’enquête sur d’éventuels crimes commis par le camp de l’actuel président Alassane Ouattara se poursuivait activement. Plus récemment, le 10 novembre 2021, le président de la CPI, lors de son discours devant l’Assemblée Générale de l’ONU, déclarait à propos de la « Situation en Côte d’Ivoire » que « le Bureau du Procureur a effectué seize (16) missions dans trois (3) pays et a continué de recueillir des éléments de preuve concernant les crimes qu’auraient commis les autres parties impliquées au cours des violences qui ont suivi les élections (de 2010, ndlr) ». Il résulte de toutes ces informations que la CPI ne désespère pas de rendre justice et que l’acquittement des uns, ne saurait être interprété comme consacrant « l’impunité totale ». Comment, la FIDH peut-elle alors, en toute bonne foi, parler de consécration de l’impunité après l’acquittement des deux ex-accusés, alors même que cette ONG se garde de réclamer la poursuite des suspects dans l’autre camp.
« Il est d’ailleurs étonnant de constater que la CPI ne réagisse pas à de tels propos »
Il est d’ailleurs étonnant de constater que la CPI ne réagisse pas à de tels propos pour faire le point sur l’état de ces procédures et s’expliquer notamment sur les lenteurs dans le dossier. Pour ce qui est du président Laurent Gbagbo et du ministre Charles Blé Goudé, les juges ont décidé après dix (10) années de procès, de les acquitter. À cet effet, il importe de rappeler à la FIDH que la « faiblesse exceptionnelle des preuves » qui a fondé la décision d’acquittement, a été manifeste lors des trois (03) étapes cruciales dans la procédure, notamment au moment de la confirmation des charges, en 2013, puis devant la Chambre de première instance, en 2019 et enfin, devant la Chambre d’appel, en 2021.
« La FIDH doit respecter la décision de la CPI et éviter de manipuler l’opinion »
Nous voudrions aussi rappeler à l’intention la FIDH, que les juges de la CPI n’ont même pas eu besoin de faire appel aux témoins des deux accusés. Ils ont estimé que les quatre-vingt-deux (82) témoins de l’accusation les déchargeaient suffisamment et que la procureure Bensouda, malgré le temps de rallonge qui lui avait été accordée en 2013 pour compléter son enquête, n’a pas pu prouver qu’ils avaient commis les crimes qui leur étaient reprochés.
C’est d’ailleurs l’occasion de relever que, au contraire de l’affaire UHURU Kenyatta dans laquelle le procureur, bien qu’ayant abandonné les charges, a indiqué que l’affaire peut être évoquée à tout moment, « si de nouveaux éléments de preuve étaient portés à sa connaissance », l’affaire Gbagbo-Blé Goudé est close, définitivement, avec un verdict que le monde entier connait, à savoir l’acquittement. Les pro-Gbagbo ont donc été déjà jugés. De quoi parle donc la FIDH ? La FIDH doit respecter la décision de la CPI et éviter de manipuler l’opinion. L’acquittement définitif prononcé ne consacre nullement l’impunité du camp Gbagbo mais bien au contraire son innocence. Il ouvre plutôt le champ à la poursuite du procès dans l’autre camp.