Cela fait bientôt deux semaines que la crise en Ukraine fait l’actualité dans le monde. Dans sa chronique « Lettre de Poy », Nazaire Kadia pointe les leçons à en tirer.
Crise en Ukraine, un équilibre de la terreur pour sauver le monde ?
La crise en Ukraine, au-delà des morts, des déplacements de populations et de destruction d’infrastructures économiques et sociales qu’on peut déplorer et regretter, nous donne beaucoup d’enseignements desquels on doit pouvoir tirer des leçons.
Après la désintégration de l’URSS et la fin de la bipolarisation, nombre de personnes avaient pensé que désormais l’humanité pouvait vivre sans craindre une déflagration synonyme de sa disparition, du fait d’un affrontement entre l’OTAN et le pacte de Varsovie. Le Pacte de Varsovie disparu, l’on était en droit d’attendre des hommes, une vie paisible, le risque d’affrontement ayant également disparu. Mais l’humanité a vite déchanté.
Forts de leur « victoire » sur le bloc soviétique, les États-Unis, dans toute leur puissance et leur gloire, n’hésitent plus à vouloir partout établir et imposer la « pax americana ».
Ainsi sans mandat de l’ONU et avec la désapprobation de certains de leurs alliés de l’OTAN, les Américains ont fondu sur l’Irak, l’ont mis en lambeaux dans l’indifférence et le silence coupable des autres pays.
Avec leurs alliés de l’OTAN, la France en tête, ils ont désintégré l’État libyen, en outrepassant le mandat de l’ONU qu’ils se sont eux-mêmes octroyé. La zone d’exclusion aérienne qu’ils étaient censés établir en Libye fit place à un bombardement intensif qui finit avec l’exécution de Kadhafi. Que dire de l’Afghanistan qu’ils ont dû quitter la queue entre les jambes ?
L’ Ukraine bien seule face à la Russie
Toutes ces actions américaines, entreprises avec un triomphalisme qui n’a d’égal que le mépris affiché à l’endroit de leurs ex-adversaires, montrent de toute évidence que dans la conscience collective des Américains, ils sont désormais les « rois » du monde et plus personne et plus rien ne peut s’opposer à leurs décisions.
Dans leur désir de grandeur, et certainement dans le souci de prendre une avance sur la Russie, les États-Unis et leurs alliés ont entrepris d’encercler celle-ci, en intégrant des anciennes républiques de l’URSS dans l’OTAN, où il leur est loisible d’installer des missiles. Les protestations et les mises en garde de la Russie se sont brisées sur le parapluie de leur indifférence et de leur mépris.
La goutte d’eau qui a fait déborder le vase est la danse entreprise par l’Ukraine et son désir d’intégrer l’Union européenne et l’OTAN. La réaction violente et surprenante de la Russie est l’expression d’un ras-le-bol d’un pays acculé, humilié et méprisé qui est prêt à tout, même si cela devait finir par l’apocalypse.
La Russie humiliée, moquée et considérée comme une puissance de seconde zone, a entrepris de conquérir méthodiquement l’Ukraine, et aujourd’hui il ne se trouve personne pour l’en empêcher. Son silence pendant longtemps a été mis à profit pour se renforcer. Ceux qui l’ont humiliée hésitent aujourd’hui à la prendre de front. Tout le monde y perdrait.
La leçon qu’on peut tirer de ce qui précède est qu’il faut respecter un adversaire qu’on a vaincu. L’humilier et le rabaisser à tout bout de champ peut faire naître en lui un sursaut d’orgueil et sa réaction peut avoir des conséquences incalculables.
« si on t’envoie, il faut savoir t’envoyer »
D’autre part, le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, fort du soutien verbal des pays de l’Union européenne et de l’OTAN, ne put s’empêcher de défier et de provoquer la Russie. Assuré qu’il était, qu’un conflit avec la Russie entrainerait ipso facto l’intervention de ceux qu’il croyait être ses alliés.
Mais lorsqu’excédée par toutes les manœuvres de l’OTAN et de l’Ukraine, la Russie a entrepris d’attaquer cette dernière, Zelensky s’est retrouvé seul face à la machine infernale russe et face à son destin.
Ses cris de désespoir et ses appels au secours ne reçoivent que des gesticulations de ses « amis », avec des promesses de livraisons d’armes et des aides financières, là où il s’attendait à avoir des troupes pour défendre l’intégrité de son territoire. Cerise sur le gâteau, sa demande expresse d’intégrer l’Union européenne s’est heurtée à une fin de non-recevoir.
De ce qui précède, on doit avoir à l’idée que les « conseilleurs » ne sont pas toujours les « payeurs ». Et quelqu’un a dit : « …si on t’envoie, il faut savoir t’envoyer… ». Toute une leçon !
On retient enfin, avec cette crise et toutes celles qui l’ont précédée au lendemain de la chute du mur de Berlin, que le monde unipolaire qu’on croyait être salvateur pour l’humanité est un leurre. Il ne peut nullement garantir la paix et la sécurité. Peut-être qu’il ne serait pas mauvais pour la planète Terre, que revienne la coexistence pacifique fondée sur l’équilibre de la terreur. Tout le monde y gagnerait.
Ainsi va le monde.
S’il y a eu un matin, il y aura assurément un soir et l’ivraie sera séparée du vrai.
À bientôt pour d’autres chroniques de Nazaire Kadia dans « Lettre de Poy ».