En moins d’une semaine, deux immeubles se sont effondrés à Treichville et à Cocody-Angré, causant frayeurs et désolation dans les familles, avec à la clé des pertes en vies humaines.
Pourquoi les immeubles s’effondrent-ils si facilement à Abidjan ?
C’est une longue série d’effondrements d’immeubles à Abidjan, la capitale économique de la Côte d’Ivoire. Aucun quartier n’est épargné. Selon le Ministre de la Construction, du Logement et de l’Urbanisme, M. Bruno Koné, la Côte d’ivoire a connu 9 effondrements d’immeubles en 2020 et une dizaine avant 2020. Ce phénomène est si récurent, et la Côte d’Ivoire est si familière de ces effondrements, que cela serait un fait banal, si on ne déplorait pas de pertes en vies humaines. Ces catastrophes successives questionnent donc, aussi bien les professionnels du secteur que le ministère en charge de la construction, quant à la rigueur et au professionnalisme déployés par chaque acteur pour l’édification des ouvrages.
M. Bruno Koné assure : « …quand il y a un effondrement, ce n’est pas la faute au ministre mais celui qui construit son immeuble. Le ministère a une mission de contrôle qui est principalement administratif. Assurez-vous que la personne a un permis de construire, elle doit se faire assister par un architecte quelle que soit la construction dès lors qu’elle est réalisée, et les constructions de R+2 ont recours à un bureau de contrôle ou à un ingénieur conseil… ». Cette déclaration du ministre appelle des interrogations.
– Qui s’assure que le propriétaire dispose d’un permis de construire avant l’édification de l’immeuble ?
– Si le ministère a une mission de contrôle administratif, qu’en est-il du contrôle technique ?
– Qui doit contrôler que le cahier de charges est suivi à la lettre pour la construction d’un ouvrage ?
– Qui veille au respect des normes
– Et si contrôle il y a, est-on sûr qu’il est correctement fait avec la conscience professionnelle et l’honnêteté requises ?
– Pourquoi les immeubles s’effondrent-ils si facilement à Abidjan ?
Face à cette situation qui endeuille régulièrement le pays, les populations ivoiriennes voudraient bien voir les responsabilités situées, afin que le gouvernement puisse prendre les mesures idoines afin de prévenir d’autres catastrophes. Conscient que ces drames suscitent des murmures de colère, d’indignation et d’exaspération de la population, le gouvernement pour une fois, a décidé de réagir. Mais pourquoi si tard ? Au sortir du dernier conseil des ministres, le porte-parole du gouvernement a énoncé les mesures prises relativement aux effondrements d’immeubles. Ce sont entre autres :
– La suspension des chefs de service de l’urbanisme de Treichville et de Cocody
– L’interpellation des propriétaires des immeubles effondrés
– La mise sur pied d’une brigade mixte de contrôle
– Etc.
« La responsabilité de plusieurs personnes est engagée dans cette douloureuse affaire »
Si on peut saluer la réaction du gouvernement pour apaiser les populations, les ivoiriens restent toutefois sur leur faim au sujet des causes des effondrements et des responsabilités qui ne sont pas réellement situées. Depuis belle lurette, la rumeur publique fait état de ce que 80% des immeubles construits ou en construction à Abidjan, n’ont pas de permis de construire. Outre ce fait, il est pointé du doigt la légèreté des contrôles effectués avant, pendant et après les constructions, ou rigueur et professionnalisme sont aux abonnés absents. Ce qui expliquerait que les normes ne sont pas toujours respectées et la responsabilité du ministère de tutelle engagée dans l’advenue des catastrophes.
On se rappelle, il y a quelques temps, que M. Issiaka Diaby, ci-devant président des victimes de la crise postélectorale de 2010, avait dénoncé la qualité du fer à béton mis en vente sur le marché ivoirien. Tout le monde l’a écouté d’une oreille distraite, certains détournant les yeux et d’autres se bouchant même les oreilles. A-t-on pris soin de vérifier cette information ? A-t-on pris soin de contrôler la qualité de ces fers en question ? Assurément non, puisqu’il n’y a eu ni infirmation, ni confirmation de ladite information.
En tout état de cause, la responsabilité de plusieurs personnes est engagée dans cette douloureuse affaire : les propriétaires d’immeubles dont le souci est souvent de minimiser les coûts, en surfant sur la qualité des matériaux de construction; les entrepreneurs, obnubilés par les économies substantielles qu’ils peuvent faire dans l’utilisation des matériaux mis à leur disposition, et le ministère en charge de la construction dont les services techniques sont souvent pointés du doigt. Le gouvernement gagnerait à aller plus loin que les mesures qu’il a annoncées. Assurément, l’ivraie se doit de se séparer du vrai !