Ces derniers jours, l’atmosphère reste très tendue entre Mahan Jean Hypolite, sous-préfet de Yelleu, dans le département de Zouan-Hounien, et Méamé Kouakeu Pierre, celui-là dont il occupe la résidence depuis près de 7 mois. Aux dires des populations, les deux hommes n’échangent plus que par personnes interposées.
Yelleu: Que se passe-t-il réellement entre le sous-préfet Mahan Jean Hypolite et son tuteur Méamé Kouakeu Pierre?
« Depuis cette histoire de papier non signé, il ne se passe pas une journée sans une vacherie », déplore Gueu Georges, chef de terre. Pourtant, nous recevant dimanche 8 Mai en sa résidence, le sous-préfet Mahan Jean Hypolite s’est empressé de donner des nouvelles rassurantes de sa circonscription : « Depuis votre passage, nous assistons à un calme plat. Tout va bien. Les villageois sont à l’œuvre actuellement pour la construction de la maison de leur sous-préfet», dira-t-il, heureux en nous présentant deux ouvriers venus lui rendre compte de l’état d’avancement desdits travaux. Avant de poursuivre laconiquement : « Parmi tous ceux qui ont reçu des lettres de mise en demeure, mon tuteur est le seul qui refuse de s’inscrire dans le processus élaboré par le comité de suivi. Il continue de faire de la résistance, refusant tout contact avec les membres du comité de suivi. Pourtant, notre processus n’a rien de brutal. Nous sensibilisons et nous proposons un terrain nu avec un petit accompagnement pour lui permettre de faire une fondation».
Bataille pour le contrôle d’une maison
Au cœur de l’arrestation, le Vendredi 22 Avril 2022, de l’enseignant Zoto Lambert, à Yelleu, sur ordre du sous-préfet Mahan Jean Hypolite, il y a une maison à » problème « . Pour le commandant, elle serait bâtie sur le site de l’école, selon l’ancien plan du village, donc classée au patrimoine de l’État, revenant ipso facto à l’école et à ses animateurs. Mi-Avril, une mise en demeure signée de ses mains, avait été adressée à Méamé Kouakeu Pierre, son tuteur et à son fils Méamé Maxime. Dans le document, l’administrateur qualifie l’acte d’irrégularité commis par son tuteur et lui dicte un délai de 6 mois pour déguerpir définitivement des lieux.
Choqué par une telle nouvelle, Méamé Pierre refuse de signer au risque de perdre le fruit de mille et un sacrifices. « En refusant de signer, Méamé Pierre veut engager avec l’administration un bras de fer là où tous ceux qui ont reçu le même document ont déjà signé. Même l’église catholique qui dit avoir acheté son terrain depuis plus de 30 ans, décide de partir», indique le commandant Mahan. Ça coince également entre l’entourage du sous-préfet et celui de son tuteur. Le pasteur N’Guessan de l’église Baptiste Œuvre et mission où Méamé Pierre est Diacre, déplore l’allure que prend cette affaire. « Le commandant Mahan fréquentait notre communauté à son arrivée. Il m’a personnellement dit de rassurer mon Diacre car il sera entièrement dédommagé et qu’une plus belle résidence lui sera construite.
À peine l’affaire du professeur arrêté, est passée, qu’il revient sur ses propres engagements. Aujourd’hui, il clame que Méamé Pierre n’aura rien. Je suis déçu», révèle-t-il. La chefferie traditionnelle semblait pourtant optimiste quant au dénouement heureux de cette affaire. « Rappelant à l’autorité qu’il n’y a jamais de règles sans exception, nous lui avons proposé de fermer l’oeil sur cette honteuse affaire. Elle ne nous honore pas. Les Méamés sont propriétaires terriens sans ce village. Les expulser créera à coups sûrs une atteinte à la cohésion sociale. Nous l’avons signifié à maintes reprises. Mais le commandant reste campé sur sa position», craint Gueu Georges, le chef de terre.
La dernière recette du commandant
Près de quinze jours après l’arrestation de l’enseignant Zoto Lambert, les principaux acteurs de la » crise » suscitée par la bâtisse occupée par le sous-préfet, font parler d’eux. Le commandant disant aller jusqu’au bout du processus lancé pour assainir la vie communautaire et Méamé Pierre dénonçant l’abus d’autorité au nom de laquelle sa maison est « malicieusement » confisquée par l’administrateur Mahan Jean Hypolite. « J’ai aussi reçu la mise en demeure par le sous-préfet. Chose bizarre, le commandant n’a pas tenu compte du délai de 6 mois qu’il a lui-même défini. Le Dimanche 1er Mai, il a envoyé une machine qui a dégagé nos latrines et une partie de la concession», dénonce Méamé Maxime, fils de Méamé Pierre.
Après cet autre événement, de récents événements ont fait déborder le vase. Le sous-préfet Mahan a adressé une série de courriers au préfet de Zouan-Hounien, au Directeur du district sanitaire de Zouan-Hounien, à l’infirmier-major du CSR de Yelleu, à la présidente du COGES du CSR de Yelleu et au chef du village. Dans ces courriers, le commandant donne ordre au COGES et aux responsables du dispensaire de Yelleu de suspendre les activités de Méamé Kouakeu Pierre au sein dudit COGES. Il décrit les motifs d’une telle décision dans le courrier adressé à Madame la Présidente du COGES, du CSR de Yelleu dans lequel il écrit que : « le vendredi 22 Avril 2022, Mr Méamé Kouakeu Pierre a adopté une aptitude outrageuse envers l’autorité administrative allant jusqu’à lancer des injures et des menaces de chasser le sous-préfet de sa maison…».
Le sous-préfet Mahan Jean Hypolite accusé
Désarçonné par l’autre revers de l’affaire, Keunan Jean Antoine, chef du village de Yelleu, dit être étonné par la célérité avec laquelle l’autorité administrative prend ses décisions. « Il vit avec nous dans le même village mais il ne nous consulte jamais dans ses prises de décisions. Si un fils du village n’est pas arrêté, c’est un autre qui doit perdre son travail». Au centre de santé rural (CSR), l’infirmier Tété Maxime partage le ressentiment de la présidente du COGES santé : «demander un arrêt de travail de Méamé, c’est nuire gravement à la gestion de notre centre de santé vu le rôle important qu’il y joue. Nous demandons au sous-préfet de revenir sur cette décision». À son domicile, la tête entre les mains, Méamé Kouakeu Pierre pleure son malheur :
« Le commandant Mahan Jean Hypolite m’accuse, le 3 Mai, de l’avoir insulté et menacé le 22 Avril 2022. Or c’est la date à laquelle il a fait arrêter mon neveu Zoto Lambert qui a même goûté à la prison avant d’être relâché. Pourquoi ses 8 témoins qui ont tous reconnu mon neveu coupables d’outrages faits à l’autorité, n’ont rien trouvé à dire à mon sujet ? Pourquoi lui-même avec qui je suis resté à son bureau après que mon neveu est sorti, ne m’a pas également mis aux arrêts et c’est 11 jours après qu’il s’en rend compte ? La convocation qu’il m’a adressée, il y a deux semaines, porte la date du 22 Avril 2022. Ai-je mal fait de lui céder ma résidence coûtant près de 7 millions FCFA pour me contenter d’une vieille bâtisse qui coule en cette période de pluie ? Il est clair que mon neveu Zoto Lambert ne l’a jamais insulté tout comme ses allégations actuelles ne me concernent pas du tout. Le sous-préfet Mahan Jean Hypolite est haineux. De toute évidence, il veut prendre et ma maison et mon travail», conclut fatalement Méamé Kouakeu Pierre, les larmes aux yeux.
Une correspondance de Sony WAGONDA