La France a-t-elle sacrifié l’un des aspects de ses valeurs démocratiques, qu’est la liberté d’expression pour sauver le réchauffement de ses rapports avec l’Algérie ? C’est ce à quoi ressemble la censure de Ferhat Mehenni, le président du Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie par la chaîne CNEWS.
L’Algérie obtient la censure de Ferhat Mehenni
A quelques jours de la visite de la première ministre française, Élisabeth Borne en Algérie, une situation presque ubuesque s’est produite dans le monde des médias en France en rapport avec la récente réconciliation de Paris avec Alger.
Dimanche 2 octobre, alors qu’il était annoncé comme invité du Journal Télévisé de 20H30 sur CNEWS, le président du Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie, Ferhat Mehenni a vu son intervention déprogrammée quelques minutes à peine avant qu’il n’accède au plateau du JT. Selon les informations de la presse française, un responsable de la chaîne qui appartient au groupe Bolloré aurait débarqué en trombe dans la salle d’attente et annonce à l’invité que son passage est annulé, ceci sous le regard stupéfait et impuissant du journaliste Ivan Rioufol, chargé de faire l’interview. Ce dernier n’en revenait pas de cette intrusion inélégante dans la gestion de l’information.
A en croire, les mêmes sources, c’est le directeur de la chaîne, Yannick Bolloré en personne qui a donné des instructions fermes pour que cette interview soit annulée après avoir reçu des injonctions du président Emmanuel Macron.
Cette censure serait consécutive à un appel du président Abdelmadjid Tebboune à l’endroit d’Emmanuel Macron. Le président algérien aurait menacé son homologue français d’annuler la visite à Alger de la première ministre Élisabeth Borne prévue du 9 au 10 octobre si cette interview est réalisée.
Entre réchauffement diplomatique et entorse à la liberté d’expression
Cette situation paraît invraisemblable dans un pays comme la France, jaloux de la sauvegarde de ses principes et valeurs démocratiques. Jusqu’à quel point la France est prête à faire fie de ses valeurs pour contenter l’Algérie ? La question mérite d’être posée au regard de ces faits. A y voir de près, Paris aurait cédé à la pression aux jérémiades d’Alger surtout à cause de l’annulation de la prochaine visite d’Elisabeth Borne qu’aurait brandit le président Emmanuel Macron. Au programme de cette visite, le renforcement de la coopération bilatérale entre les deux pays dans la droite ligne de la dernière visite d’Emmanuel Macron en Algérie. La cheffe de gouvernement français devrait acter l’accord sur l’augmentation de la fourniture du gaz à la France par Alger.
Ferhat Mehenni, poète et chanteur, leader indépendantiste kabyle âgé de 71 ans, réfugié en France depuis vingt ans, confirme ainsi bien malgré lui son statut de cible de la junte au pouvoir en Algérie. Ce dernier est l’objet d’un mandat international lancé par Alger depuis 2021. De son côté Abdelmadjid Tebboune a tenu parole, lui qui avait lancé le 18 août dans un discours télévisé ces menaces à peine voilées: «nous utiliserons tous les moyens pour qu’il paye cher»avait-il déclaré.