La Cedeao, la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest, c’est le cas de le dire, est sur la sellette. Dans son agenda, trois épineux et chauds dossiers auxquels il faut donner une orientation qui puisse satisfaire tout le monde : le Mali, la Guinée et le Burkina Faso, dont les dirigeants actuels au pouvoir, le sont par coup d’état. Dans la gestion de ces dossiers, l’organisation sous régionale a eu à prendre des mesures diversement appréciées, au point d’être l’objet d’attaque tous azimuts et soupçonnée d’avoir un agenda caché au service d’une puissance étrangère, la France.
Pourquoi la Cedeao ne se prononce pas clairement au sujet des troisièmes mandats anticonstitutionnels, (dont celui de la Côte d’Ivoire)?
Créée le 28 mai 1975, la Cedeao regroupe quinze Etats. L’objectif initial assigné à cette organisation à sa création, est de favoriser l’intégration économique et de promouvoir ainsi, l’émergence d’un marché intra régional, s’accompagnant d’une liberté de circulation des hommes et des marchandises. Comme on le voit, la mission originelle de la Cedeao, est purement d’ordre économique, avec en point de mire le développement. Mais dans son évolution dans le temps, la politique au sens large du terme, a pris le pas sur les préoccupations économiques au point de les relayer en arrière-plan.
Aujourd’hui, on constate qu’en dépit de la bonne intention qui a présidé à sa création, la Cedeao souffre de beaucoup de faiblesses dans ses prises de décision, faiblesses qui ont fini par la fragiliser. En effet, ses appréciations à géométrie variable, ses silences et ses omissions sur certains dossiers, ainsi que ses supposées accointances avec la France, participent à la dégradation de son image, et sa crédibilité en pâtit. Ainsi, on est coutumier de voir la Cedeao condamner avec la dernière énergie les coups d’états militaires. C’est ce qu’il a été donné de voir avec le Mali, soumis à un embargo de sept mois, après la prise du pouvoir par le Colonel Assimi Goïta, c’est ce qu’elle compte faire avec la Guinée, ou bientôt seront annoncées des sanctions graduelles. Gageons que le Burkina qui vient d’opérer un deuxième coup d’état en six mois, n’y échappera pas.
Si on peut comprendre cette position de la Cedeao sur la prise de pouvoir autre que par des élections démocratiques, on s’explique difficilement son silence assourdissant sur les tripatouillages des Constitutions, qui permettent à des chefs d’Etats de s’octroyer un troisième mandat illégal et illégitime. Quelle est la légitimité des chefs d’Etats, maintenus au pouvoir grâce aux tripatouillages de leurs Constitutions, pour vouloir donner des leçons aux premiers ? Pourquoi la Cedeao ne se prononce pas clairement au sujet des troisièmes mandats anticonstitutionnels, (dont celui de la Côte d’Ivoire), qui ont endeuillé de nombreuses familles, et à l’origine de l’irruption des militaires sur l’échiquier politique guinéen ?
Le dernier reproche fait à la Cedeao, est son incapacité à transcender le clivage entre pays anglophones et pays francophones
Bien entendu, le président Buhari du Nigéria, pourra toujours disserter sur l’illégitimité, l’illégalité et les méfaits des troisièmes mandats, cela ne dépassera guère le stade du discours. Tant que la Cedeao ne s’opposera pas fermement aux modifications des lois fondamentales pour se maintenir au pouvoir, tant que les chefs d’Etats qui s’y adonnent ne feront pas l’objet de sanctions comme le sont les militaires, on ne pourra plus rien attendre d’elle, et il sera difficile de lui donner du respect. Le dernier reproche fait à la Cedeao, est son incapacité à transcender le clivage entre pays anglophones et pays francophones au sujet de la mise en place de la monnaie commune de cet espace. Les anglophones accusent les francophones d’être cornaqués par la France qui n’hésite pas à interférer dans les décisions de la Cedeao, avec des pressions de tous genres.
Initialement conçu pour être la monnaie unique de l’espace Cedeao, ce projet fédérateur a été « court-circuité » par les Etats de l’Uemoa sous la houlette du chef de l’Etat ivoirien et du président français, M. Emmanuel Macron. Ceux-ci se sont empressés de rebaptiser le Franc Cfa et de l’appeler « ECO », avec l’espoir de l’imposer à tous les Etas de l’espace, sans toutefois prendre attache avec les pays anglophones et la Guinée. Cette démarche solitaire, a véritablement plombé la mise en œuvre du projet commun, et aujourd’hui, ni « le franc Cfa-éco », ni « l’éco originel » n’ont vu le jour. Et la Cedeao s’est enfermée dans un silence de cimetière, rangeant ce projet fédérateur dans les tiroirs, au grand dam des populations. Au regard de ce qui précède, ne faut-il pas donner raison au président Laurent Gbagbo, quand il déclare que la seule chose bonne relativement à la Cedeao, c’est sa…création ? Mais arrive le jour où l’ivraie sera séparée du vrai.