La junte militaire au pouvoir au Burkina Faso a franchi une nouvelle étape dans la répression de la liberté de la presse. Mardi, elle a annoncé la dissolution de l’Association des journalistes du Burkina (AJB). Cette décision intervient au lendemain de l’arrestation de deux leaders de l’AJB, qui avaient publiquement dénoncé les atteintes à la liberté d’expression dans le pays.
Burkina Faso : répression des voix critiques
Le gouvernement a justifié sa décision par des motifs administratifs. Il reproche à l’AJB de ne pas s’être conformée à une loi de 2015 régissant les associations. « Au regard de la loi (…) il n’existe pas d’association dénommée +Association des Journalistes du Burkina+ », a déclaré le ministre de l’Administration territoriale (Intérieur), Emile Zerbo. Il a ajouté que l’AJB « est considérée comme dissoute ou inexistante depuis cette date ».
Cette annonce survient après que le président de l’AJB, Guézouma Sanogo, a dénoncé publiquement, lors d’un congrès extraordinaire, la multiplication des « atteintes à la liberté d’expression et de presse constatées ». Il a estimé qu’elles avaient « atteint un niveau jamais égalé » dans le pays. M. Sanogo, journaliste à la Radio-télédiffusion du Burkina (RTB), a qualifié la chaîne nationale et l’agence d’information du Burkina de « outils de propagande ».
Lundi, M. Sanogo et son vice-président, Boukari Ouoba, ont été « emmenés par des individus se présentant comme des policiers du service de renseignement (…) vers une destination inconnue », selon l’AJB. Un troisième journaliste, Luc Pagbelguem, de la chaîne privée BF1, qui a réalisé un reportage sur le congrès de l’AJB, a également été emmené par des agents de renseignement.
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Réactions et contexte
« Toute personne qui, par quelque manière que ce soit, discours, écrit ou tout autre moyen, cherche à soutenir ou maintenir une association dissoute, s’expose à des sanctions », a prévenu le ministre Zerbo.
Reporters sans Frontières (RSF) a dénoncé « une décision arbitraire, basée sur des motifs politiques, visant à éteindre tout signe de contestation ». L’organisation a ajouté que « la dissolution de l’Association des journalistes du Burkina, l’une des plus dynamiques, montre jusqu’où les autorités militaires du Burkina Faso sont prêtes à aller dans leur stratégie de musellement des médias ».
Le Burkina Faso est dirigé par une junte militaire depuis septembre 2022. Depuis le coup d’État du capitaine Ibrahim Traoré, de nombreux cas d’enlèvements de voix critiques ont été signalés. Selon l’AJB, sept journalistes ont été enlevés en 2024, dont certains sont toujours portés disparus. La semaine dernière, le mouvement politique Sens a rapporté l’enlèvement de cinq de ses membres, dont un journaliste, après avoir dénoncé des massacres de civils attribués à l’armée burkinabè et à ses supplétifs.