En Afrique, la contraception masculine reste un sujet tabou. Elle est rarement abordée, et les hommes se montrent réticents face aux méthodes disponibles pour participer activement à la planification familiale au sein de leurs couples. Myrriam Héléna Capo-Chichi, socio-anthropologue, spécialiste du genre et des violences basées sur le genre (VBG), ainsi que militante féministe, traite de cette question dans un bref entretien accordé à AFRIQUE SUR 7.
Pourquoi la contraception masculine reste-t-elle peu adoptée, selon vous ? Comment encourager un partage plus équilibré des responsabilités dans le couple ?
Myrriam Héléna Capo-Chichi : La contraception est l’adoption de moyens visant à empêcher qu’un rapport sexuel entraîne une grossesse. Elle est définie par l’OMS comme étant «l’utilisation d’agents, de dispositifs, de méthodes ou de procédures pour diminuer la probabilité de fécondation ou l’éviter ». La contraception masculine repose actuellement sur l’utilisation du préservatif, la vasectomie ou stérilisation masculine et le retrait ou coïts interrompus.
Au Bénin, lorsqu’on s’intéresse à la réticence des populations par rapport aux méthodes contraceptives de façon générale et particulièrement à la contraception masculine, il est important d’interroger notre contexte socioculturel.
L’identité masculine chez nous est souvent associée à la virilité, à la procréation illimitée et à une descendance nombreuse, perçue comme un symbole de prestige social. Cette perception est renforcée par des croyances selon lesquelles l’homme doit rester en permanence reproductif.
Adopter une méthode contraceptive est alors considéré comme une atteinte à cette virilité et, par extension, à l’image sociale de l’homme. Ce qui explique la réticence des populations.
Par ailleurs, le manque d’informations fiables sur les méthodes masculines contribue également à la peur d’effets secondaires ; ce qui renforce les préjugés.
Pour surmonter ces obstacles, il est important de promouvoir une communication de restauration qui rétablit la vérité sur la contraception masculine et ses bienfaits. Cette communication doit encourager un dialogue ouvert au sein des couples afin de redéfinir les responsabilités en matière de planification familiale.
Ouvrir le débat sur la place publique, dans les médias, les lieux de culte et les forums communautaires, permettra aussi de briser les tabous et d’encourager une meilleure adoption de ces pratiques.
Quels rôles les acteurs impliqués dans la promotion de la planification familiale doivent-ils jouer pour démocratiser la contraception masculine et promouvoir l’égalité dans la gestion de la planification familiale ?
Les acteurs de la planification familiale doivent agir à plusieurs niveaux :
- Les décideurs politiques doivent afficher une volonté claire en intégrant ces méthodes dans les politiques nationales de santé reproductive et en instaurant un suivi rigoureux ;
- Des programmes de formation destinés aux professionnels de santé sont nécessaires pour assurer une prise en charge adéquate et pour répondre aux préoccupations des populations ;
- Les dirigeants religieux et traditionnels, qui jouissent d’une forte influence dans leurs communautés, doivent également être mobilisés pour briser les tabous ;
- Des campagnes de sensibilisation à grande échelle doivent être déployées, mettant en lumière le lien entre la planification familiale de façon générale et les avantages de dividende démographique, qui peut accélérer la croissance économique des États ;
- La gratuité des méthodes contraceptives modernes pourrait également encourager leur adoption par les populations.
Quelles initiatives ou campagnes pourraient contribuer à briser les tabous autour de la contraception masculine et à encourager une meilleure répartition des responsabilités dans la planification familiale ?
Pour briser les tabous, il est indispensable de déconstruire les stéréotypes de genre qui font peser la responsabilité de la contraception uniquement sur les femmes. Cela passe par une éducation sur l’égalité des sexes dès le plus jeune âge, dans les familles et à l’école. La promotion d’une masculinité responsable, valorisant l’homme qui prend part activement à la planification familiale, est également essentielle.
Des cadres communautaires de discussions sur la sexualité responsable doivent être instaurés, permettant des échanges ouverts et inclusifs entre hommes et femmes. Ces espaces peuvent aider à dissiper les méfiances et à partager des témoignages de ceux ayant adopté la contraception masculine.
Par ailleurs, des campagnes médiatiques mettant en avant des exemples positifs et des ambassadeurs issus des communautés locales pourraient inspirer un changement de comportement.
Enfin, il est important d’impliquer tous les acteurs, citoyens, organisations de la société civile, décideurs politiques et partenaires au développement, pour faire de ce changement une priorité nationale.