Tandis que nous célébrons, ce mardi 10 décembre, la Journée internationale des droits de l’Homme, revenons sur une annonce gouvernementale passée relativement inaperçue : la suspension des opérations de déguerpissements des populations dans le district autonome d’Abidjan.
Abidjan : suspension des expulsions, un tournant dans la gestion urbaine ?
La suspension des opérations de déguerpissements des populations dans le district autonome d’Abidjan, annoncée le 21 novembre par les autorités, a été salué par Samira Daoud, directrice régionale d’Amnesty International pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre : « Amnesty International accueille avec soulagement la décision des autorités ivoiriennes de suspendre les opérations d’expulsions débutées en janvier 2024. Elles ont été menées sans concertation ni notification adéquates, parfois de manière violente, laissant de très nombreuses personnes sans logement ni compensation ».
En effet, la capitale économique ivoirienne connaît depuis plusieurs décennies un processus d’urbanisation rapide, propulsée par une forte croissance démographique, l’exode rural et l’attractivité économique de la ville. Si Abidjan comptait environ 6,1 millions d’habitants en 2023, sa population devrait atteindre près de 8,5 millions d’habitants d’ici 2030. Cette explosion démographique entraîne une expansion horizontale, avec la construction de nouveaux quartiers, mais aussi une forte densification des zones déjà urbanisées.
Après l’accueil de la 34ème édition de la Coupe d’Afrique des Nations (CAN) début 2024, la métropole abidjanaise poursuit son urbanisation sans relâche : mise en service du pont Yopougon-Adjamé, tour F au Plateau, transformation des baies du Banco et de Cocody. Le quartier d’Abobo, par exemple, est un témoin de cette transformation rapide, où se côtoient immeubles modernes et habitats précaires.
La ville fait également face à un essor des bidonvilles. Les zones périphériques, comme la commune de Yopougon, accueillent une population nombreuse vivant dans des conditions précaires, souvent sans accès aux infrastructures de base. Ces inégalités géographiques et sociales créent une fracture au sein de la société abidjanaise, où l’écart entre quartiers huppés et quartiers informels est de plus en plus marqué. Les travaux de dégagement d’une autoroute ont également, dès août 2024, entraîné de nouvelles démolitions. Dans le même temps, des opérations d’assainissement urbain ont ciblé les travailleurs du secteur informel à travers la saisie et la destruction de leurs installations, équipements et biens.
L’urbanisation d’Abidjan en 2024 reflète à la fois des progrès et des défis majeurs. Si la ville connaît une expansion économique significative, elle enregistrerait toujours un déficit de 800 000 logements et doit désormais relever le défi de l’inclusion sociale et de la gestion des inégalités croissantes pour garantir un développement harmonieux et durable pour tous ses habitants.
Fleur KOUADIO (Collaboratrice)