Jean-Louis Billon, ancien ministre du Commerce d’Alassane Ouattara, tente de s’imposer comme un candidat potentiel pour le PDCI-RDA à l’élection présidentielle de 2025. Cependant, ses manœuvres suscitent des réactions mitigées au sein de sa formation politique, dirigée aujourd’hui par Tidjane Thiam, successeur du défunt Président Henri Konan Bédié. Analyse de Patrice Dama.
Jean-Louis Billon : un acteur économique influent aux ambitions politiques affirmées
Jean-Louis Billon est une figure incontournable dans l’économie de la Côte d’Ivoire. Héritier d’une des plus grandes fortunes du pays, il dirige le groupe SIFCA, leader de l’agro-industrie en Afrique de l’Ouest. Son parcours académique est tout aussi impressionnant. Diplômé en droit des affaires à l’Université de Montpellier, en France, il est aussi titulaire d’un master en affaires internationales de l’université de Floride et d’un diplôme de l’Institut des Hautes Études de Défense Nationale (IHEDN).
Son premier emploi a été celui de directeur des ventes de la société Grace Cocoa dans le Wisconsin. Il est ensuite devenu secrétaire général de l’entreprise familiale SIFCA, puis PDG à la mort de son père en 2001. Il s’agit donc bien d’un enfant né avec une cuillère en argent dans la bouche.
Sur le plan politique, Jean-Louis Billon a d’abord servi sous la bannière du RDR en tant que maire de Dabakala et président du conseil régional du Hambol. Il a également été ministre dans le gouvernement d’Alassane Ouattara avant de rejoindre le PDCI-RDA en 2017. Cependant, son ambition de se positionner rapidement comme candidat à la présidentielle, quelques années seulement après son adhésion au parti, suscite des doutes sur les raisons profondes de son arrivée.
Le SWOT de Jean-Louis Billon
Forces : Jean-Louis Billon bénéficie d’une influence économique indéniable. Sa position dominante dans l’économie ivoirienne, où il est le premier employeur, combinée à ses relations stratégiques, lui confère une capacité à mobiliser des ressources importantes. En tant qu’homme d’affaires et ancien ministre, il dispose également d’une solide expérience de gestion et d’un réseau.
Faiblesses : Malgré ces atouts, Jean-Louis Billon souffre d’un manque de légitimité au sein du PDCI-RDA, où il est perçu comme un nouveau venu. Sa tentative de s’opposer à Tidjane Thiam lors de l’élection interne du parti a été un échec cuisant qui a renforcé l’idée qu’il est surtout motivé par des ambitions personnelles que par une vision collective. Il a tenté de se faire passer pour une victime alors que seuls les textes du parti se sont imposés à lui. Cette séquence lors de laquelle Guigahué et lui ont tenté de faire passer le PDCI RDA pour un parti tribale, a laissé des traces.
Il faut noter que les principales forces politiques ivoiriennes ont cette configuration. Le RHDP est majoritairement nordiste, le PDCI du centre et le PPA-CI du sud-ouest. Le manque de charisme de Billon et ses propos clivants à une certaine époque, comme son appel à écarter les « vieux politiciens », ont également nui à son image.
Opportunités : Jean-Louis Billon pourrait redorer son blason en soutenant activement les initiatives de Tidjane Thiam et en adoptant une posture d’unité au sein du PDCI-RDA. En montrant qu’il place les intérêts du parti au-dessus de ses ambitions personnelles, il pourrait progressivement gagner la confiance des militants, ce qui bien évidemment se fera dans le temps.
Menaces : Si Billon persiste dans son attitude actuelle, il risque non seulement d’être marginalisé au sein du PDCI-RDA, mais aussi d’en être exclu. Une telle situation compromettrait ses chances d’être un acteur politique crédible, d’autant plus que ses concurrents au sein du parti, à commencer par Tidjane Thiam, bénéficient d’une meilleure réputation et d’un soutien populaire plus solide.
Son éventuelle sortie du PDCI pourrait couter très cher à sa carrière politique. Déjà pas vraiment présent dans le top 10, des leaders politiques présidentiables, dominé par Ouattara, Gbagbo, Thiam, Blé Goudé, Soro Guillaume, Simone Ehivet, Bictogo, Bacongo, Affi N’Guessan ou encore Mamadou Koulibaly, il pourrait, sans le nom du PDCI RDA se retrouver dans la catégorie des Tiémoko Meyliet Koné, Yasmina Ouegnin, Tiémoko Assalé ou encore des Bruno Koné…
Tidjane Thiam : un leadership qui enterre les ambitions de Billon
L’arrivée de Tidjane Thiam à la tête du PDCI-RDA a été une étape importante dans la stratégie du parti pour survivre à l’après-Bédié. Figure respectée et véritable produit du PDCI, Thiam a su rallier la majorité des cadres et militants derrière lui. Son leadership calme, mais ferme a rapidement marginalisé Jean-Louis Billon, à qui les rumeurs prêtent les tentatives infructueuses d’annuler le congrès qui a conduit à l’élection de Thiam. Un acte perçu comme du sabotage.
Un militant du PDCI-RDA s’est exprimé pour Afrique-Sur7 anonymement. Il a confié : « Jean-Louis Billon ne peut pas représenter le PDCI-RDA. Il est trop récent dans le parti, et son comportement montre qu’il est là pour servir ses intérêts, pas ceux du parti. Face à Tidjane Thiam, il n’a aucune chance. »
Un avenir politique incertain pour Billon
Jean-Louis Billon se trouve aujourd’hui à la croisée des chemins. Sa démission du poste de secrétaire exécutif du PDCI-RDA a renforcé l’idée qu’il refuse de travailler sous le leadership de Tidjane Thiam. Pour beaucoup, cette décision reflète un égo surdimensionné, incompatible avec les attentes des militants.
En outre, ses déclarations intempestives et ses attaques voilées contre la direction actuelle du parti le présentent comme un élément perturbateur, ce qui pourrait jouer en faveur de ses adversaires. Dans un contexte où l’unité est essentielle pour affronter le prochain candidat du RHDP, une division interne provoquerait un affaiblissement du PDCI-RDA à l’élection présidentielle de 2025. Échec éventuel dont il pourrait porter la responsabilité à vie.
Pour espérer peser sur la prochaine présidentielle, pas forcément à tant que candidat, Jean-Louis Billon devra revoir sa stratégie. Il est urgent qu’il se concentre sur une communication positive, en mettant son influence, pour le moment faible, et ses ressources au service du PDCI-RDA, sous la direction de Tidjane Thiam. Une posture d’opposition interne ou de candidature indépendante signerait probablement la fin de sa carrière politique au haut niveau.
La présidentielle de 2025 s’annonce comme une étape qui va marquer la Côte d’Ivoire sur le plan stratégique pour les différents partis politiques. Avec des figures majeures comme Alassane Ouattara, Laurent Gbagbo et Tidjane Thiam, Jean-Louis Billon devra prouver par le dépassement des querelles internes au PDCI qu’il pourra incarner un véritable leadership national dans les années à venir.