En Côte d’Ivoire, la lenteur de la justice devient un fléau qui plonge de nombreuses familles dans le désarroi. L’exemple du litige foncier à Mbatto Bouaké, entre l’entrepreneur feu M. Dosso et les villageois de Mbatto Bouaké illustre parfaitement cette tragédie. Ce litige, qui traîne depuis plus de cinq ans devant les tribunaux, montre les limites d’une justice incapable de trancher rapidement un dossier aussi important que sensible. Pendant ce temps, des citoyens sans solution tombent dans l’angoisse et la précarité.
Mbatto Bouaké : tandis que la justice dort, le gouvernement brille par son absence
À l’origine du litige foncier à Mbatto Bouaké, un accord entre M. Dosso et des propriétaires terriens de ce village de Bingerville pour la réalisation d’un lotissement. Ce dernier devait en échange des travaux récupérer 30 % des lots du projet. Une fois le lotissement terminé, les villageois ont cédé leurs parts de lots à des acheteurs qui, espérant construire rapidement, ont contracté des prêts bancaires pour certains. Sauf qu’entre-temps, une plainte a été portée par les villageois contre M. Dosso, pour partage inéquitable.
La justice donne raison aux plaignants, mais M. Dosso fait appel de la décision. Le lotissement est annulé et les travaux sur le site suspendus par la justice. C’est là que commence le calvaire des acquéreurs, aussi bien ceux qui ont fait affaire avec les villageois ou avec M. Dosso. Tous sont frappés par la même décision de stopper leurs travaux. Ces acheteurs se retrouvent pris dans une spirale infernale : payer des crédits tout en continuant de supporter des loyers élevés que voulaient éviter beaucoup d’entre eux.
Les témoignages sont accablants. Un jeune Ivoirien vivant au Canada, qui préparait son retour au pays, a dû abandonner ses projets de construction, faute de résolution du conflit. Un couple, dont l’épouse est gestionnaire de compte à la banque et le mari enseignant, se trouve également dans l’impasse. Leur rêve d’indépendance financière, basé sur la construction de leur propre maison, est réduit à néant. Ils remboursent leur prêt bancaire et continuent de payer le loyer qu’ils espéraient éviter.
Quant à un fonctionnaire proche de la retraite, il voit son projet de maison s’effondrer, ce qui menace sa stabilité financière. Fragilisé par la situation, ses plans sont totalement à l’eau, ce qui a favorisé la dépression qu’il traine depuis près de deux ans.
Aujourd’hui, les acquéreurs se sentent abandonnés, à l’image de ce retraité malade qui a dû renoncer à son projet et se retirer dans son village, faute de moyens pour continuer le combat depuis Abidjan.
Face à ces situations tragiques, le silence des autorités est incompréhensible. Le Premier ministre Beugré Mambé, originaire de la région et familier des problématiques locales, reste muet. Ce mutisme a de quoi choquer, d’autant plus que sa nomination avait suscité de grands espoirs.
À noter que Bruno Nabagné Koné, Ministre ivoirien de la Construction, du Logement et de l’Urbanisme, a donné avis favorable pour la levée du sursis sur le lotissement Mbatto Bouaké, sans succès.
La justice ivoirienne, par son inaction, détruit des vies. En attendant qu’elle sorte de son sommeil, des citoyens, eux, voient leurs rêves s’effondrer, leurs projets d’avenir brisés, et leur dignité piétinée. Il est temps que cela cesse.