Une fois n’est pas coutume. Avec tout le respect que je lui dois, c’est la 1ère fois que j’interpelle, directement, le président de la république. Aux grands maux, les grands remèdes, dit-on.
Certes, j’aurais pu interpeller les DG de l’Aéroport International d’Abidjan (Aeria), de l’Autorité Nationale de l’Aviation Civile (ANAC), de la Société d’Exploitation des Aéroports et de la Météorologie (Sodexam) ou même le ministre des Transports, voire le 1er ministre, mais je pense que ce dossier les dépasse et que les décisions stratégiques en découlant devraient provenir du plus haut sommet de l’État. Analyse !
J’ai un ami qui devait quitter hier nuit Abidjan pour Alger. Malheureusement, lui a-t-on fait savoir, son avion n’a pu décoller en raison d’une avarie ayant affecté deux des quatre pneus de l’appareil. L’avion a donc dû être immobilisé sur place durant plusieurs heures. Cela a, subséquemment, rendu inutilisable la piste sur laquelle il s’est retrouvé, par la force des choses, bloqué.
Aucun avion ne pouvait, en conséquence, atterrir ou décoller de l’aéroport. C’était donc, pendant plusieurs heures, la paralysie totale de notre aéroport international. C’est tragico-dramatique, car les conséquences d’une telle situation sont nombreuses et insondables.
D’abord, ce que je ne savais pas, c’est, après renseignements, qu’aucun aéroport ivoirien, excepté celui d’Abidjan, n’est certifié pour recevoir des vols commerciaux. Aucun. Ni San pedro et encore moins Yamoussoukro ou Bouaké.
Dès lors, en cas de problème sur cette piste, la rendant inopérante, les aéroports de déroutement pour les vols civils à destination d’Abidjan, sont ceux de Accra ou de Lomé. Je n’en suis pas particulièrement fier.
Ensuite, poursuivant mes investigations, j’ai découvert, plus grave, que notre aéroport international n’a qu’une seule piste d’atterrissage. Lorsque celle-ci est paralysée, comme cela a été le cas hier, c’est donc tout le trafic, civil, militaire et de marchandises qui est impacté.
C’est le pays qui est quasiment fermé tel que cela a été le cas, il y a peu, en 2023 je crois, quand un avion d’Air Côte d’Ivoire, dont un pneu du train avant avait crevé. Tous les vols vers Abidjan ont dû être déroutés vers les aéroports de Accra et Lomé.
Je vous laisse imaginer la cascade de préjudices, directs et indirects, que cela a pu causer aux compagnies et aux passagers.
Imaginons, dans un contexte régional marqué notamment par une recrudescence des attaques terroristes, que, pour une raison ou une autre, le président de la république soit contraint de décoller ou d’atterrir d’urgence avec son Airbus 319 et que cette seule piste soit paralysée.
En l’espèce, il n’aurait qu’une seule option ; appeler ses homologues ghanéen ou togolais pour, humblement, leur demander l’autorisation d’atterrir chez eux, le temps qu’une solution soit trouvée chez lui. Fiers ivoiriens que nous sommes, notre souveraineté nationale et notre humilité en prendraient un sérieux coup.
Comment expliquerions-nous ou justifierons-nous que, dans notre sous-région, l’aéroport de Niamey, au Niger, un des pays les plus pauvres du monde, dispose de deux (2) pistes d’atterrissage, tout comme d’ailleurs ceux de Dakar, de Lagos ou de Nouakchott, en Mauritanie, et que celui d’Abidjan, 1ere puissance économique de l’Uemoa et 2e au niveau de la CEDEAO, et qui ambitionne de devenir un hub africain, n’en soit pas doté ?
Bouaké aurait pu servir de 2eme piste. Mais son aéroport n’étant pas certifié, il ne peut recevoir de vols civils internationaux. Dans le pire des cas, comme solution palliative et temporaire, il faudrait donc faire certifier Yamoussoukro ou Bouaké comme aéroports de déroutements, pour le cas où. Mais la certification implique notamment, pour des raisons de sécurité et de sûreté, que ces aéroports soient, au minimum, clôturés. Ce qui n’est actuellement m pas le cas pour ces deux aéroports.
De tout ce qui précède, la question que, légitimement, je me pose, c’est celle de savoir pourquoi nos autorités, ne prennent-elles pas cette question cruciale à bras le corps pour lui apporter, promptement, les évidentes solutions qui s’imposent ? À savoir, aménager une seconde piste.
Ce ne peut être une question de financement car, compte tenu de la configuration assez marécageuse du sous-sol de l’aéroport d’Abidjan (j’ai rédigé et négocié la convention de concession de cet aéroport en 1996), il faudrait, tout au plus, une trentaine de milliards pour le doter d’une 2e piste. Ce n’est clairement pas le mer à boire.
Le problème se situe donc ailleurs. Où exactement ? Je ne saurais le dire. Probablement une question de vision prospective et stratégique ou, pire, de volonté politique.
Pour ma part, je souhaiterais juste que ce problème, qui intègre aussi une question de souveraineté, et qui perdure depuis des décennies, soit réglé. C’est un cri de cœur patriotique qui, j’espère, sera entendu.
Avec Jean-Bonin Kouadio