Sale temps pour les personnes qui se réclament du groupe des LGBTQIA+ en Côte d’Ivoire. Ces derniers jours, une campagne a été lancée contre elles sur les réseaux sociaux. Le mouvement a débuté suite au décès d’un jeune qui aurait été victime d’actes de violence sexuelle de la part d’un groupe d’homosexuels. Des internautes ivoiriens s’organisent pour soi-disant mettre fin à cette pratique dans le pays.
Côte d’Ivoire : les personnes LGBTQIA+ visées par une campagne sur les réseaux sociaux
Communément appelées « woubi » en Côte d’Ivoire, les personnes LGBTQIA+ ont du mal à s’afficher librement ces derniers jours, que ce soit sur les réseaux sociaux ou dans les rues. Sur Facebook, WhatsApp, TikTok et autres plateformes numériques, elles sont la cible d’une campagne qui prend de l’ampleur. Elle est menée par des internautes ivoiriens sans aucune caution officielle. Les meneurs du mouvement « anti-woubi » disent vouloir restaurer l’image de leur pays, qu’ils estiment ternie par l’évolution du phénomène LGBTQIA+.
LGBTQIA+ regroupe toutes les personnes qui se définissent comme lesbiennes (L), gays (G), bisexuel·le·s (B), trans (T), queers (Q), intersexué·e·s (I), asexuel·le·s ou aromantique·s (A). Le + désigne, quant à lui, tous les autres termes qui peuvent être répertoriés dans les genres et sexualités.
En l’absence d’une législation spécifique sur le sujet, la Côte d’Ivoire est considérée comme un refuge pour certains homosexuels de la sous-région. Pour mieux vivre leur sexualité, loin des lois répressives et du regard accusateur de la société, ils mettent le cap sur Abidjan. Le vide juridique a instauré une sorte de tolérance qui a également favorisé le développement du phénomène au niveau local. Les autorités gouvernementales sont même accusées d’avoir fait preuve de largesse.
En Côte d’Ivoire, l’homosexualité n’est ni criminalisée, ni autorisée, même si la loi relative au mariage précise que celui-ci est contracté entre un homme et une femme. Il est donc difficile pour les autorités judiciaires et policières d’agir contre les LGBTQIA+. Mais selon les internautes, la situation devient de plus en plus inquiétante et menace les bonnes mœurs.
Sur la toile, certaines figures publiques se sont intéressées au sujet. Hayek Hassan s’est opposé au phénomène. Il a clairement exprimé sa position et souhaité que des actions soient menées pour freiner l’ampleur que prend la propagande de la communauté LGBTQIA+ en Côte d’Ivoire. Zagba Le Requin est également contre. Selon lui, les personnes LGBTQIA+ doivent vivre dans la clandestinité pour éviter la normalisation de leur communauté.
Au cours de l’année 2023, en réaction à la déclaration du Pape François, qui semble tolérer la bénédiction des couples homosexuels, l’Église catholique de Côte d’Ivoire a affiché une opposition catégorique. « Nous, vos Archevêques et Évêques, vos guides spirituels de l’Église Catholique en Côte d’Ivoire, réaffirmons notre attachement aux valeurs de la famille et du sacrement du mariage entre un homme et une femme, tel que Dieu l’a voulu depuis le commencement. Nous demandons également aux Ministres ordonnés de s’abstenir de bénir les couples de même sexe et les couples en situation irrégulière », avait répliqué Mgr Marcellin Yao Kouadio.
Une action sans fondement juridique
Le mouvement « anti-woubi » gagne du terrain avec des publications violentes contre les LGBTQIA+ auxquelles nous ne souhaitons pas donner écho dans cet article. Le mouvement prend de l’ampleur, mais il ne repose sur aucune base juridique. Au contraire, les internautes meneurs peuvent être épinglés pour violations des droits humains.
À l’allure où vont les choses, on peut craindre des attaques physiques ciblées. Les menaces contenues dans les publications sont d’une violence inouïe. Obligées de se cacher, des personnes s’identifiant comme LGBTQIA+ dénoncent une campagne homophobe qui menace les droits humains.
Fréjus Attindoglo, juriste et militant des droits humains, ne comprend pas la réaction de la société ivoirienne qui veut se rendre justice en s’attaquant aux homosexuels. « La législation ivoirienne n’interdit pas expressément l’homosexualité, tout comme elle ne l’autorise pas de manière explicite. À partir de là, on peut dire, sans risque de se tromper, que l’homosexualité en Côte d’Ivoire n’est pas une infraction pénale. Il est donc difficile de comprendre que la société décide de se rendre justice elle-même alors que la législation ne prévoit pas de sanctions contre ces comportements sexuels », a-t-il expliqué.
Selon le juriste, ceux qui s’attaquent aux homosexuels se mettent en conflit avec la loi. « Lorsque des personnes se disant hétérosexuelles exercent des violences sur une autre personne qui pourrait être homosexuelle, elles doivent être identifiées, arrêtées et poursuivies dans le cadre d’un procès équitable avec tous les droits procéduraux », a-t-il indiqué. Il ajoute que les personnes LGBTQIA+ ne bénéficient pas de circonstances atténuantes en raison de leur orientation sexuelle en cas d’infractions. Si elles sont reconnues coupables de violences sur d’autres personnes, elles subiront la rigueur de la loi. Fréjus Attindoglo rappelle que les droits humains sont universels et sans discrimination. Il appelle les autorités à siffler la fin de la récréation pour la quiétude des uns et des autres.
L’homosexualité criminalisée dans plusieurs pays africains
En Afrique, au moins 31 pays répriment les actes homosexuels. Les lois sont sévères selon les pays. Quatre pays africains appliquent des peines allant jusqu’à la peine de mort contre les LGBTQIA+. Il s’agit de la Somalie, de l’Ouganda, de la Mauritanie et du Nigéria. Dans ces États, le phénomène est catégoriquement rejeté.