Pendant que le peuple français célébrait 14 juillet pour la commémorant les deux guerres, Laurent Gbagbo était à Bonoua sans Simone Gbagbo, son ex-épouse, dont c’est la ville d’origine. L’ancien président de la Côte d’Ivoire, lors de son meeting chez la mère de ses filles, a lancé un appel à ses frères ennemis de la gauche ivoirienne. Peut-on si facilement mettre la charrue avant les bœufs ?… Analyse des faits.
Pourquoi l’appel au rassemblement de Laurent Gbagbo à Bonoua suscite des doutes ?
La gauche ivoirienne est divisée en grande partie à cause de son leader historique, Laurent Gbagbo lui-même. L’ancien dirigeant du Front Populaire Ivoirien (FPI) a progressivement perdu le soutien de ses camarades. Cette valse de désertions a commencé avec Mamadou Koulibaly au lendemain de la chute de son régime. Plus tard, Pascale Affi N’Guessan, jadis un inconditionnel de Laurent Gbagbo, quittera également le navire, ou plutôt évincera son ex-patron de celui-ci.
Puis vint le départ de Simone Gbagbo du FPI, sans jamais adhérer au PPA-CI, la nouvelle force politique fondée par son ancien compagnon. Et lorsqu’on croyait avoir tout vu, le cas Charles Blé Goudé est venu confirmer le dicton selon lequel il faut toujours se méfier de l’homme qui a toujours raison. Le vigoureux patron de l’ex-galaxie patriotique, enfermé à La Haye avec Laurent Gbagbo durant 6 ans, ne peut aujourd’hui pas l’approcher. L’ex-président ivoirien refuse de le recevoir malgré ses nombreuses demandes. Pendant ce temps, le même Laurent Gbagbo s’affiche avec beaucoup de bonheur aux côtés de Soul to Soul, bras droit devant l’éternel de Guillaume Soro, l’ancien chef rebelle qui a provoqué la chute de son régime.
Il est évident que tous ces hommes et femmes qui ont pris leurs distances vis-à-vis de Laurent Gbagbo sont les composantes de la grande famille de l’opposition ivoirienne. Cela montre à quel point le FPI de Laurent Gbagbo était grand et à quel point c’est un gâchis que le chef ne se soit pas soucié de rassembler son monde autour de lui, préférant écouter les médisances de personnes peu charismatiques qui n’existent que par les rumeurs qu’ils lui susurrent à l’oreille.
Gbagbo à Bonoua : un appel au rassemblement qui laisse sceptique
Quand on a perdu autant de soutien, et que la force de la nouvelle ambition impose un rassemblement, certains actes sont incontournables. Laurent Gbagbo, à la surprise générale, a lancé un appel au rassemblement à Bonoua. C’est cet appel qui fonde cette réflexion sur la disparition du génie fondateur du multipartisme en Côte d’Ivoire.
Laurent Gbagbo a déclaré à Bonoua : « Je vais profiter de la terre de Bonoua pour dire à tous les hommes politiques que j’ouvre les bras. Tous ceux qui veulent un rassemblement clair, positif, sain pour vaincre ce gouvernement, j’ouvre les bras. Je les attends. »
Même si cet appel a été suivi d’une grande ovation de la foule, il ne fera que flop. La raison est qu’il n’est ni structuré, ni méthodique, ni même formulé de la bonne façon. Il est clair que lorsque deux personnes se séparent, on ne peut non-plus toujours attribuer la faute à un seul individu. Mais pour faire la paix, il faut être deux et il faut se parler.
Rassemblement à Bonoua : l’appel controversé de Laurent Gbagbo
Si Laurent Gbagbo voulait vraiment un rassemblement de la gauche ivoirienne à ses côtés, il aurait dans un premier temps accepté de rencontrer Affi N’Guessan. C’est même lui qui aurait dû initier la démarche, très humblement, de rencontrer son ancien Premier ministre et chef de parti pour échanger sur la situation du pays et poser les bases de ce qu’ils peuvent encore faire ensemble.
Laurent Gbagbo devait ensuite rencontrer Mamadou Koulibaly, son ancien président de l’Assemblée Nationale, de même que Simone Ehivet Gbagbo. Et enfin, il aurait dû recevoir Charles Blé Goudé. Si après cette série de rencontres, il lançait son appel au rassemblement, celui-ci aurait eu de réelles raisons d’inquiéter ses adversaires politiques que sont le RHDP et, dans une moindre mesure, le PDCI RDA.
Mais rien de tout cela n’a été fait lorsque l’ancien leader de l’opposition ivoirienne, à un moment où les Ivoiriens espèrent l’émergence d’une nouvelle classe politique, lance des appels loufoques au rassemblement. Quelle force cet appel peut-il donner à un politicien pour convaincre ses troupes de retourner chez les GORS ?
En l’état, l’appel de Laurent Gbagbo ressemble plus à un acte de justification plutôt qu’à une volonté de construire ensemble un nouveau projet politique. Ses partisans, peut-être, se disent-ils « au moins, il a fait un appel au rassemblement ». Parce qu’un appel qui peut aboutir se distingue entre mille.