La guéguerre entre les Etats réunis au sein de l’Alliance des États du Sahel (Aes) et la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), loin de s’estomper, prend des proportions nouvelles qui risquent d’avoir des conséquences incalculables si l’on n’y prend garde.
Les relations entre l’AES et la CEDEAO se dégradent
Les autorités du Mali, du Burkina Faso et du Niger ont annoncé il y a quelques jours, le « retrait sans délai » de leurs pays de la Cedeao, avec une notification envoyée à l’organisation sous-régionale pour les deux premiers pays susmentionnés, en attendant celle du Niger.
Le retrait de ces trois pays de la Cedeao, marque le point culminant de la dégradation des relations entre ces pays et la Cedeao. Pour rappel, le Mali, le Burkina Faso et le Niger, dirigés par des régimes militaires, ont fait l’objet de suspension des instances de l’organisation sous régionale, qui a imposé de lourdes sanctions au Mali et au Niger, sanctions encore d’actualité pour le dernier pays cité.
Au regard de cet état de fait, les pays de l’Aes estiment que la Cedeao ne leur apporte aucune assistance dans leur lutte contre le terrorisme, mais bien plus, leur impose des sanctions « illégitimes, illégales, inhumaines et irresponsables, en violation de ses propres textes ».
Ils estiment également qu’après 49 ans d’existence, la Cedeao s’est éloignée des idéaux de ses pères fondateurs et du panafricanisme. Ils accusent l’organisation sous régionale d’être « sous l’influence de puissances étrangères et de représenter une menace pour ses états membres et ses populations dont elle est censée assurer le bonheur… ».
Il va sans dire que ce retrait annoncé aura des répercussions à tous les niveaux et dans de nombreux domaines sur les populations de l’Aes, mais également sur celles de la Cedeao.
Dépourvus de façade maritime, les pays de l’Aes qui étaient ou qui sont sous sanctions, ont souffert de la fermeture des frontières, de la non-possibilité d’usiter les ports où transitent habituellement leurs marchandises, et pire, certains d’entre eux ont dû endurer des sanctions monétaires, avec la fermeture de certaines succursales de la Bceao.
Des milliers de camions bondés de marchandises dont des produits vivriers, ont été stoppés aux frontières du fait de leur fermeture. Les populations du Mali et du Niger ont souffert de cette situation.
Mais du fait de l’imbrication des économies, les pays côtiers que sont la Côte d’Ivoire, le Ghana ou le Bénin, ont tout aussi ressenti les retombées des sanctions. A cette période, le prix de l’oignon, de la tomate et d’autres produits, a connu une envolée sur le marché ivoirien, exacerbant ainsi, la cherté de la vie déjà ambiante.On se rappelle que la frontière entre le Mali et la Côte d’Ivoire ne fut ouverte qu’à la veille de la fête de la Tabaski, certainement pour éviter une pénurie de moutons sur le marché ivoirien. Ce n’est un secret pour personne, la Côte d’Ivoire dépend fortement de ses voisins du nord pour son approvisionnement en protéines animales.
Les ports des pays côtiers n’étaient pas en reste. Ils ont tout aussi eu d’énormes manques à gagner, du fait de l’arrêt du fret de marchandises vers le Mali et le Niger. Mais d’autres ports étaient au rebond pour récupérer cet important marché.
Aujourd’hui, à l’annonce du retrait des états de l’Aes de la Cedeao, des cyber activistes ivoiriens jubilent et brandissent le spectre de la carte de séjour que seront obligés d’avoir les millions de Maliens, de Burkinabè et de Nigériens. Ce qui permettra de renflouer les caisses de l’Etat. Mais il est à noter que cette même carte de séjour sera également de mise pour les citoyens ivoiriens au Mali, au Burkina Faso et au Niger.
Cependant, de mauvaises langues affirment que la carte de séjour brandie comme un moyen de chantage sur les ressortissants des pays de l’Aes en Côte d’Ivoire, peut être un coup d’épée dans l’eau.
Ces mauvaises langues affirment, qu’une grande partie de ces étrangers présents sur le sol ivoirien détient la carte nationale d’identité (ivoirienne) et est inscrite sur la liste électorale.
Ce sont donc des Ivoiriens qui n’auront pas besoin de carte de séjour pour résider chez eux. Elles (mauvaises langues) s’appuient sur une déclaration du ministre Kobenan Kouassi Adjoumani, alors porte-parole du Rhdp, pour fonder leurs convictions.
Celui-ci a en effet déclaré en 2019 : « …Nous n’avons pas peur d’aller à ces élections, nous n’avons pas peur d’enrôler des étrangers pour constituer notre électorat. Nous avons confiance en nous… ». Même si quelques jours plus tard, l’homme a tenté de se rattraper. Mais « ce qui est dit, est dit ».
En tout état de cause, personne n’a intérêt à ce que les choses aillent de mal en pis entre l’Aes et la Cedeao. Les ressortissants de ces deux entités auront à souffrir chacun à son niveau, si le point de non-retour de cette guéguerre est atteint.
La crainte devient d’autant plus grande qu’on glisse lentement vers des velléités de création d’une monnaie commune aux états de l’Aes, en dehors du FCFA. C’est une donne qui peut avoir de nombreuses implications…
Face à cette guéguerre dont on ne perçoit pas encore l’issue, la déclaration du général Yakubu Gowon, ancien président du Nigeria, qui demande à la Cedeao de lever ses sanctions à l’encontre du Niger est à saluer et à encourager. Cela peut être un premier pas vers l’apaisement et la porte ouverte au dialogue. On n’en est pas encore là. Et la question qui vient à l’esprit de nombre d’observateurs est celle-ci : de quoi demain sera fait ?
Ainsi va l’Afrique.
Mais arrive le jour où l’ivraie sera séparée du vrai.