L’annonce le 28 janvier 2024 de la sortie du Mali, du Burkina Faso et du Niger, de la Cedeao, constitue une crise politique sans précédent et un véritable pavé jeté dans la mare de l’organisation sous-régionale.
CEDEAO : La sortie du Mali, du Burkina et du Niger n’est pas une surprise
Cette annonce ne constitue en rien une surprise, tant les relations entre la Cedeao et les trois pays susmentionnés étaient devenues exécrables, depuis que les militaires ont fait irruption sur l’échiquier politique de ces pays.
Les récriminations portées en l’endroit de l’organisation sous-régionale et qui ont motivé cette décision aux conséquences incalculables sont multiples.
En effet, aux prises avec des terroristes qui décimaient les populations civiles depuis plus d’une décennie, le Mali, le Burkina Faso et le Niger n’ont reçu aucun soutien militaire, matériel, et financier significatif qu’ils étaient en droit d’attendre de l’organisation sous-régionale à laquelle ils appartiennent. Tout au contraire, certains ont été soumis à des sanctions économiques qui violent les textes que la Cedeao s’est librement donnés.
La goutte d’eau qui a fait déborder le vase est la transe hystérique qui s’est emparée de la Cedeao, suite à la chute du président nigérien, Mohamed Bazoum.
L’organisation sous-régionale s’est bandé les muscles, a levé une armée et s’est mise dans une posture d’intervention militaire à l’effet de remettre Bazoum au pouvoir.
Cette posture belliqueuse, qu’accompagnaient des invectives, des menaces et des sanctions mettant à mal le vécu quotidien des populations, n’a fait qu’exacerber la crise de confiance qui s’est installée entre l’organisation sous-régionale et les trois pays de l’Alliance des États du Sahel (Aes).
De plus, la Cedeao est soupçonnée d’être en intelligence avec une puissance étrangère, la France, qui se sert d’elle comme une marionnette à l’effet de protéger ses intérêts, à une période où celle-ci perd pied dans la zone sahélo-saharienne.
La sortie des pays de l’Aes de la Cedeao pose véritablement le problème de l’existence même de l’organisation sous-régionale commune. Celle-ci perdra à coup sûr, si les choses restent en l’état, son statut de principale organisation sous-régionale. C’est donc un défi existentiel qui se pose à elle, et on attend de voir comment elle s’y prendra pour le relever. Continuera-t-elle à brandir le bâton ou mettra-t-elle balle à terre ? Demain nous situera.
Alors que le problème de l’Alliance des Etats du Sahel est toujours pendant, la Cedeao doit faire face à un autre défi, celui du rififi au Sénégal où l’organisation sous-régionale est fortement attendue.
En effet, à quelques heures de l’ouverture de la campagne électorale pour le scrutin présidentiel initialement prévu pour le 25 février 2024, le président sénégalais, Macky Sall, a signé un décret, repoussant le scrutin à une date ultérieure.
Comme il fallait s’y attendre, cette décision unilatérale a provoqué le courroux de l’opposition sénégalaise, plongeant ainsi le pays dans une crise dont on entrevoit difficilement l’issue. Des heurts ont éclaté à Dakar où les gendarmes ont dispersé à coup de gaz lacrymogènes des centaines de personnes venues manifester à l’appel de certains candidats à la présidentielle.
Sur quelle base légale Macky Sall a pris sur lui de reporter l’élection présidentielle ?
La constitution sénégalaise ou le code électoral, lui donne-t-il le pouvoir de ce report ?
Les agissements de Macky Sall posent l’éternel problème du rapport entre les présidents sortants et le pouvoir. Après avoir longtemps louvoyé avec ses velléités de briguer un troisième mandat, Macky Sall s’est attelé à mettre hors circuit son principal opposant, Ousmane Sonko, lui faisant subir ce que lui-même Macky avait subi de la part du président Wade. Il n’a eu de cesse de dénoncer l’instrumentalisation des institutions de la République par l’ancien président sénégalais pour régler ses problèmes et museler l’opposition dont le la figure de prou était Macky Sall.
On comprend alors difficilement qu’aujourd’hui, Macky Sall reproduise le même schéma qu’il a de toutes ses forces combattu. Il offre une image dégradante du Sénégal qui a toujours été présenté comme l’une des réussites de la démocratie en Afrique.
Face à cette situation inattendue au Sénégal, la réaction de la Cedeao était attendue, voire très attendue.
Alors qu’on s’attendait qu’elle rue dans les brancards devant cette interruption du processus démocratique, comme elle a eu à le faire pour le Mali, le Burkina Faso et le Niger, la Commission de la Cedeao s’est fendue d’un communiqué laconique, dans lequel elle prend note de la décision des autorités sénégalaises de reporter l’élection présidentielle, exprime sa préoccupation quant aux circonstances de ce report, tout en invitant les acteurs politiques à privilégier le dialogue pour arriver aux élections.
Il n’eut aucune condamnation de l’acte unilatéral du président sortant dont le mandat est arrivé à échéance, et qui joue des coudes pour se donner un peu de temps, afin de mieux positionner celui qu’il veut voir à sa place. La réaction de la Conférence des chefs d’Etats de cette organisation est très attendue.
En tout état de cause, la Cedeao est aujourd’hui à la croisée des chemins. Elle joue sa survie et sa crédibilité face à la sortie du Mali, du Burkina Faso et du Niger de son sein, et devant ce véritable « coup d’État constitutionnel » opéré par Macky Sall. Soit elle sort grandie, soit elle s’effondre.
Assurément pour l’organisation sous-régionale, les temps …tanguent.
Ainsi va l’Afrique.
Mais arrive le jour où l’ivraie sera séparée du vrai.