Dans la nuit du 18 au 19 septembre 2002, une horde de rebelles, dont certains sont venus du Burkina Faso, a fondu sur la Côte d’Ivoire pour porter le glaive dans le sein de la mère-patrie. Ces rebelles tentent de prendre le contrôle des villes d’Abidjan, Bouaké et Korhogo. Ayant échoué dans leur tentative de prendre Abidjan, ils parviennent à occuper Bouaké et Korhogo dans le centre et le nord du pays.
19 septembre 2002-19 septembre 2023 : Je me souviens encore de Soro Guillaume…
Connue sous l’appellation de Mpci, la rébellion s’est scindée en plusieurs parties, pour donner le Mjp et le Mpigo.
Je me souviens que le premier visage aperçu de cette rébellion, le verbe incertain, à la limite de l’illettrisme et qui parlait en son nom était Tuo Fozié, qui plus tard affirmera que Linas Marcoussis était « le seul issi » ( la issue) de la crise.
Je me souviens, de la chaude poignée de mains échangée entre Soro Guillaume et Dominique de Villepin, ci-devant ministre français des Affaires étrangères, prétendument venu au début de la rébellion pour mener une médiation entre la République incarnée par Laurent Gbagbo et une rébellion sans visage, qu’il était plutôt venu encourager.
Sous le fallacieux prétexte d’empêcher le pouvoir de Gbagbo de s’effondrer, la France s’est interposée entre l’armée loyale à la République et la rébellion. En réalité, la France a permis à cette rébellion de se réorganiser et de se réarmer.
Dans sa volonté de « tordre » le bras à Gbagbo, Dominique de Villepin, le sulfureux ministre des Affaires Etrangères de la France, avec sa douteuse « diplomatie du mouvement » et son président Jacques Chirac, ont torpillé les pourparlers de paix de Lomé, sous la présidence du président Gnassingbé Eyadema, alors que des avancées étaient notées.
Finalement, les pourparlers de paix furent relocalisés à Linas Marcoussis en France, permettant à ce pays de tout régenter et de donner désormais la cadence et l’orientation des négociations.
Je me souviens que la table ronde de Linas Marcoussis, a refait l’extrait d’acte de naissance de la rébellion et l’a appelée Forces Nouvelles.
Je me souviens de Soro Guillaume, aux différents pourparlers de paix, disant une chose, et pendant qu’on pensait qu’un accord était proche, revenir dire le contraire de ce qu’il avait énoncé.
Je me souviens aussi de son éternelle veste jaune carrelée aux pourparlers de Marcoussis…
Je me souviens de Soro Guillaume, écumant les chaînes de télévision françaises, traitant le président Gbagbo de tous les noms, un dictateur qui est le véritable problème de la Côte d’Ivoire, et qui doit partir. Il affirmait sans retenue que sous la gouvernance de Gbagbo, il n’était pas possible d’arborer un boubou, sous peine de représailles. Il continuait pour dire que le nord du pays et sa population étaient marginalisée, stigmatisés et à la traine du développement comparativement à la zone sud. C’était à se demander si nous vivions dans le même pays !
Je me souviens toujours de Soro expliquant de façon non convaincante pourquoi il est devenu rebelle.
Je me souviens encore de Soro Guillaume et toujours sur les chaînes de télévision françaises, au sortir des pourparlers de Marcoussis, annoncer de façon arrogante que les ministères de la Défense et de l’Intérieur ont été attribués à la rébellion. Ce qui a eu pour effet de provoquer le courroux des jeunes patriotes et de mettre le feu aux poudres à Abidjan.
Ma mémoire ne pouvant pas me laisser en chemin, me conduit à la crise postélectorale de 2010-2011, qui est la suite logique des opérations de déstabilisation débutées en septembre 2002, et soutenues par la France à l’effet de mettre à la tête de la Côte d’Ivoire, un homme plus accommodant.
Je me souviens ainsi de Soro Guillaume, alors qu’ils étaient reclus à l’Hôtel du Golfe, donner des instructions à ses soldats rebelles, à l’effet d’aller libérer la Rti et installer Brou Aka Pascal comme le nouveau directeur général de la télévision nationale, le 16 décembre 2010, date également prévue pour une marche des militants du Rhdp (non unifié).
Il me revient en réminiscence, alors que leurs soldats, cachés au milieu des marcheurs, s’en sont pris au Force de défense et de sécurité, et que ceux-ci ont riposté en légitime défense, on a voulu mettre les morts de ce jour, sur le dos du président Laurent Gbagbo, qui aurait fait tirer sur des marcheurs aux mains nues. Des soit-disant Ong s’en sont donné à cœur-joie.
Au-delà de ces souvenirs qui me reviennent souvent de façon confuse, je retiens que Soro Guillaume le héros de cette épopée rebelle, est entré en disgrâce, jugé et condamné à la prison à perpétuité, contraint à l’exil, abandonné par nombre de ses partisans. Aujourd’hui, il erre en Europe comme une âme en peine.
Voilà ce dont je me souviens. Comme le disent les anglais : « what goes around, comes around »…Et chez nous, on renchérit pour dire : si tu craches en l’air, il faut t’attendre à recevoir des gouttelettes sur le nez
Ainsi va le pays.
Mais arrive le jour où l’ivraie sera séparée du vrai.