Les crises en Ukraine, au Mali, au Burkina Faso et maintenant au Niger, nous donnent des enseignements desquels de nombreuses leçons pourront être tirées.
Crises en Ukraine et au Niger : La curieuse position d’Emmanuel Macron
Quand débuta l’opération militaire spéciale de la Russie en Ukraine, l’Union européenne, dans son entièreté a pris la décision de suspendre les médias russes, Russia Today (RT) et Sputnik de diffusion en Europe.
Cette décision qui est une véritable violation de la liberté d’expression et du droit à l’information est motivée par le souci des dirigeants européens d’empêcher la diffusion de « la propagande russe » dans l’espace européen. C’est également le moyen efficace d’éviter aux populations européennes d’entendre un son de cloche différent du storytelling sur la guerre en Ukraine, véhiculé par les médias occidentaux.
Il est reproché aux médias russes, d’être structurellement organisés et pilotés depuis le Kremlin. On dénie ainsi aux Européens toute capacité de réflexion et de discernement au point qu’il s’avère nécessaire de prendre une décision aussi liberticide pour les protéger.
Quelque temps après, le gouvernement malien, excédé par les reportages orientés de RFI et de France24, deux médias français, a pris la décision de suspendre la diffusion de ces deux chaînes sur son territoire. Les reportages de ces médias accusent régulièrement l’armée malienne d’exactions sur des populations civiles, aidée en cela par les instructeurs russes présents au Mali, en se fondant sur des rapports de certaines ONG.
La décision du gouvernement malien, qui est à la dimension de l’indignation ressentie face à ce qui apparait comme une malveillante désinformation, avait provoqué tollé et indignation en France.
Interrogé sur la question, le président français, Emmanuel Macron s’était laissé aller à des commentaires qui avaient surpris plus d’une personne.
Morceau choisi : « …Je condamne avec la plus grande fermeté de cette décision qui est totalement contraire aux valeurs que portent le peuple malien et le Mali depuis son indépendance…je crois que cette décision est grave et elle est conduite par une transition qui est le fruit de deux coups d’État. Je l’ai dénoncée en appelant la Cedeao à réagir avec beaucoup plus de fermeté….J’en appelle à la Cedeao, l’organisation régionale et à l’Union africaine pour prendre les décisions qui conviennent, et la France appuiera…Et là, je compte m’entretenir dès demain avec le président Nana Kuffo Addo, le président en exercice pour l’appeler à prendre toutes les décisions utiles en la matière… »
Cette déclaration appelle beaucoup d’interrogations et beaucoup de commentaires.
Emmanuel Macron oublie-t-il qu’en sa qualité de président de l’Union européenne, qu’il était de ceux qui ont pris la décision de fermer RT et Sputnik dans l’espace européen ?
Pourquoi peut-il être choqué par la décision souveraine du Mali, semblable à celle prise par l’Union européenne concernant RT et Sputnik?
Cette logique de deux poids deux mesures laisse interrogateur. Si RT et Sputnik sont la voix du Kremlin, Rfi et France 24 qui dépendent du Quai d’Orsay, le ministère français de l’Europe et des Affaires étrangères, sont chargés de véhiculer la vision de la France dans le monde et particulièrement en Afrique. La défense des intérêts français est leur mission principale.
Mais on n’en était pas à une contradiction près. On se rappelle que lorsque battait le plein du tripatouillage des constitutions pour avoir un troisième mandat illégal et illégitime en Guinée et en Côte d’Ivoire, la France à travers son président Emmanuel Macron a eu une position qui a dérouté tout le monde.
Emmanuel Macron avait condamné avec la dernière énergie, la volonté d’Alpha Condé l’ex-président de s’offrir un troisième mandat en changeant la constitution de son pays.
Dans le même temps, dans les mêmes circonstances et avec le même objectif de se maintenir au pouvoir après les deux mandats auxquels il avait droit, Alassane Ouattara, le chef de l’État ivoirien a eu le soutien d’Emmanuel Macron et partant de la France, qui lui a même trouvé des circonstances atténuantes, en évoquant un « cas de force majeure » qui n’existe nulle part dans la loi fondamentale de la Côte d’Ivoire.
Il ne viendrait jamais à l’idée d’Emmanuel Macron de solliciter un troisième mandat en France si d’aventure, le candidat de sa formation politique venait à disparaître. C’est une incongruité qui ne pourra jamais effleurer son esprit, encore moins l’évocation d’un « cas de force majeur ». Mais pour les intérêts et pour la grandeur de la France, il peut défendre l’indéfendable et justifier l’injustifiable, surtout s’il s’agit de l’Afrique !
On a encore en mémoire qu’Emmanuel Macron avait toujours des poussées d’urticaire quand il s’agit du gouvernement malien qu’il qualifie d’illégitime parce qu’issu de « deux coups d’État ». Mais pourquoi n’éprouve-t-il pas le même sentiment à l’égard du gouvernement militaire du Tchad, installé par effraction à la tête de ce pays?
Cerise sur le gâteau, les nouvelles autorités nigériennes viennent de dénoncer les accords léonins qui lient leur pays à la France. La France refuse cette dénonciation en évoquant l’illégitimité de ces nouvelles autorités. Comme s’il lui revient de conférer une légitimité à des autorités d’un pays souverain !
Dans les mêmes conditions, elle s’est exécutée quand le gouvernement de transition du Mali a fait la même demande après avoir expulsé l’ambassadeur de France au Mali. Qu‘est-ce qui n’a pas marché cette fois-ci ?
Mais il ne faut pas se leurrer, et nul n’est naïf, la défense des intérêts peut conduire à tout, et induire des positions qui donnent le tournis. Que représente une contradiction au regard des énormes intérêts français?
Ainsi va le monde !
Mais arrive le jour où l’ivraie sera séparée du vrai.