La récente inauguration d’une Usine de transformation du cacao en Côte d’Ivoire, construite par le groupe malaisien GCB Cocoa, marque une étape importante dans la quête du pays pour augmenter la valeur ajoutée de son produit agricole phare. Cette usine devrait permettre de transformer 240 000 tonnes de fèves de cacao en produits semi-finis et en ingrédients de chocolats chaque année, ce qui représente un investissement considérable de 70 millions d’euros.
La Côte d’Ivoire accueille sa plus grande usine de transformation du cacao
L’initiative de la Côte d’Ivoire pour attirer les investisseurs en multipliant les incitations fiscales et douanières est louable. Cela peut favoriser une augmentation de l’investissement étranger dans le secteur et contribuer à la création d’emplois pour la population locale, en particulier les jeunes. L’usine étant située à proximité du port de San Pedro, cela facilitera également l’exportation des produits transformés vers les marchés internationaux.
La vision du gouvernement ivoirien de transformer 100% de sa production de cacao d’ici 2030 est ambitieuse et peut apporter des avantages à long terme au pays. Actuellement, les activités de culture et d’exportation des fèves de cacao sont à faible marge et sujettes à des fluctuations de prix sur le marché mondial. En accroissant la transformation locale, la Côte d’Ivoire peut se prémunir contre les variations des prix et augmenter la valeur de ses exportations.
Cependant, cette démarche n’est pas exempte de défis. Tout d’abord, il sera essentiel de veiller à ce que les investissements étrangers bénéficient réellement à l’économie locale et n’aboutissent pas à l’exploitation des ressources du pays sans réels avantages pour la population. Des mesures de transparence et de responsabilité doivent être mises en place pour garantir que les intérêts nationaux sont préservés.
De plus, alors que l’industrialisation peut créer des emplois, il est important de s’assurer que ces emplois sont de qualité et offrent des conditions de travail décentes. La formation de la main-d’œuvre locale doit être une priorité pour garantir que les employés puissent bénéficier des opportunités d’emploi créées par ces nouvelles usines.
Par ailleurs, l’objectif de transformer la totalité de la production d’ici 2030 nécessitera un engagement continu du gouvernement et du secteur privé, ainsi que des investissements importants dans les infrastructures, la recherche et le développement, et la technologie. Des partenariats solides entre le gouvernement, les entreprises et les organisations de la société civile seront également nécessaires pour surmonter les obstacles potentiels.
Une occasion manquée par la Côte d’Ivoire de susciter des champions locaux
Si cette nouvelle est bonne, au contraire du modèle existant de vente du cacao, lequel ne permettait aux agriculteurs ivoiriens de ne bénéficier que de 3% de la valeur de leur travail, une occasion réelle de renverser la table a été manquée par le gouvernement ivoirien. Les 70 millions d’euros auraient dû être investis par l’État de Côte d’Ivoire pour ravir cette place stratégique dans ce secteur essentiel pour l’économie ivoirienne.
C’est le gouvernement ivoirien qui aurait dû créer cette usine pour contrôler cette richesse qui est sa principale source de revenus, et non pas dérouler le tapis rouge au groupe malaisien GCB Cocoa. Quelle que soit la mesure fiscale qui accompagnera l’implémentation de ce type d’usines, le plus gros du bénéfice partira toujours de Côte d’Ivoire.
La Côte d’Ivoire aurait tout aussi pu faire appel à des investisseurs locaux, des Ivoiriens, quitte à coaliser des hommes d’affaires ivoiriens pour leur permettre de prendre le contrôle du business de la transformation du cacao. Les opportunités d’emplois pour les Ivoiriens auraient été les mêmes, tout comme l’accélération de l’implantation d’usines étrangères pour la transformation sur place du cacao en produits finis.
Susciter des champions locaux devrait être un souci permanent de la politique ivoirienne. En France, la Société nationale des chemins de fer français (SNCF) est sous le contrôle de l’État. La France contrôle ainsi le business du transport, un des secteurs les plus banquables du pays. L’État ivoirien, chargé de la construction d’infrastructures, devrait pour son autonomie financière prendre des parts importantes dans toutes les entreprises de ses secteurs stratégiques.