L’Afrique a un incroyable talent. Elle a non seulement réussi la prouesse de tropicaliser la démocratie en lui faisant prendre la couleur locale, mais y ajoute régulièrement des ingrédients qui lui donnent une saveur spéciale, insipide mais surtout indécente. Ainsi dans les démocraties africaines, on trouvera une pléthore d’institutions inopérantes, dont certaines véritablement inutiles, sont destinées à donner le change à l’extérieur. Tous les actes posés, le sont dans un calcul politicien pour tirer la couverture sur le parti au pouvoir et lui donner une longueur d’avance sur ses adversaires.
Politique : La justice comme bras séculier pour éliminer les adversaires
Les découpages électoraux effectués, le sont à l’avantage de ce parti, les recensements faits sont biaisés avec l’introduction de nombreuses personnes sur la liste électorale, alors qu’elles n’y ont pas droit. Et le clou, c’est l’appui sur la justice du pays, pour éliminer les adversaires jugés « dangereux » de la course sur le chemin tortueux du palais présidentiel.
La justice en tant qu’institution, est utilisée pour donner un vernis de légalité aux décisions iniques qui sont prises. Ce modus operandi, fondé sur des raisons fallacieuses, se répand de plus en plus sur notre continent et donne à désespérer de celui-ci.
Ainsi au Sénégal, depuis quelques années, l’opposant Ousmane Sonko, l’un des principaux adversaires du président Macky Sall, et véritable empêcheur de tourner en rond, vit des tribulations avec la justice sénégalaise, à tel point que pour nombre d’observateurs, l’objectif in fine, est de l’empêcher d’être candidat pour l’élection présidentielle.
Le cas de l’opposant Ousmane Sonko, l’un des principaux adversaires du président Macky Sall
Et pour cela, une condamnation par la justice ferait l’affaire. De ce fait, l’homme n’en finit pas avec les procès : procès pour diffamation, injures et faux intenté par le ministre du Tourisme, M. Mame M’baye Niang, procès pour viol en cours, et sans oublier les emprisonnements de nombre de ses partisans.
Cette utilisation de la justice comme bras séculier pour vouloir éliminer un adversaire est incompréhensible venant du président Macky Sall. Lui-même, alors adversaire de l’ancien président Abdoulaye Wade, avait été victime de cette machination, accusé qu’il était de blanchiment d’argent dans l’optique de l’invalidation de sa candidature à l’élection présidentielle.
Le soutien du peuple sénégalais n’a pas permis à la forfaiture de M. Abdoulaye Wade de prospérer. Mais parvenu au pouvoir, M. Sall s’inspire et utilise bien cette technique pour éliminer ses adversaires. On a en mémoire, la mise hors compétition du maire de Dakar, M. Khalifa Sall, condamné opportunément à une peine de prison.
Laurent Gbagbo ni électeur ni éligible pour les joutes électorales à venir
On n’oublie non plus le cas de M. Karim Wade, contraint à l’exil, suite à des harcèlements de la justice. En Côte d’Ivoire, la situation n’est guère différente. L’actualité ces jours, bruit avec l’information à la une d’une parution du journal « Le Patriote ». Celui-ci informe les ivoiriens que le président Laurent Gbagbo n’est ni électeur ni éligible pour les joutes électorales à venir.
Son nom ne figurerait pas sur la liste électorale de la Cei. Son nom aurait été retiré de la liste bien qu’il se soit fait enrôler. Mais a-t-on objectivement des raisons de s’étonner de cette situation ? Assurément non.
Alors qu’il était en procès à la Haye, et que des bruits couraient de façon persistante, qu’il y avait des possibilités de libération pour lui, la justice ivoirienne, dont les contorsions n’étonnent plus, l’ a opportunément jugé et condamné à vingt ans de prison pour « le braquage » de la Beceao.
Le prétexte du « braquage » de la Beceao
Alors que la Beceao, prétendument « victime », n’a ni porté plainte, ni affirmé avoir subi des préjudices, la justice ivoirienne instrumentalisée, donne ainsi les moyens juridiques au pouvoir en place d’éliminer un potentiel adversaire pour les joutes électorales de 2020 qui pointaient le nez.
C’est dans cette optique que furent également jugés et condamnés messieurs Blé Goudé et Soro Guillaume. Au demeurant, s’il y avait eu « braquage » de la Cedeao, il est de notoriété publique que les fonds de ce braquage, ont servi à payer le salaire des fonctionnaires dont les juges de la parodie de procès et du procureur de la République.
Les anciens présidents d’institutions, les anciens ministres et les anciens premiers ministres ont également perçu leurs rentes issues de ce braquage. Pourquoi ce beau monde n’a-t-il pas été poursuivi pour recel, si tant est qu’on veut rendre justice à la Beceao ?
Une loi d’amnistie générale…
Comme on le voit, ici comme ailleurs, l’utilisation de la justice n’était pas pour rendre justice, mais bien de donner les moyens juridiques au parti au pouvoir pour invalider une éventuelle candidature du président Laurent Gbagbo.
Revenu en Côte d’Ivoire après être blanchi par la Cpi, et alors qu’il y flottait un air et une atmosphère de réconciliation, vocable très usité à cette époque, le président Laurent Gbagbo a plusieurs fois rencontré le chef de l’Etat, à l’effet que la page sombre du pays soit définitivement tournée. Cela passe l’élargissement de tous les prisonniers politiques et militaires, à travers une loi d’amnistie générale.
Cesser l’instrumentalisation des institutions de la République
Mais dans ses calculs politiciens, sans avoir abandonné sa volonté d’écarter définitivement Laurent Gbagbo de l’élection présidentielle, le chef de l’Etat a plutôt opté pour une grâce, en ce qui concerne Gbagbo, sachant pertinemment qu’une amnistie, aurait fait ipso facto de celui-ci, un adversaire redoutable pour la présidentielle à venir, alors qu’une grâce, rendrait son opposant inéligible.
Aujourd’hui, ceux qui se plaignaient en 2000 que leur mentor avait été injustement écarté de l’élection présidentielle, sont dans une jubilation éjaculatoire et jouissive parce que le président Gbagbo n’est « ni électeur, ni éligible ». L’extase qui s’est emparée d’eux, est à la dimension de la peur qu’ils ont de Gbagbo.
Il est vraiment temps que s’estompent l’utilisation et l’instrumentalisation des institutions de la République pour préserver un « tabouret ». Car à force de tirer sur la corde, elle finira par…se casser. Ainsi va le pays. Mais s’il y a eu un soir en Eburnie, il y aura assurément un matin et l’ivraie sera séparée du vrai.