Le président ivoirien a désigné son conseiller technique au parcours atypique, Lassina Ouattara, pour porter les couleurs du RHDP aux municipales dans la grande ville nordiste, berceau de la famille Gon Coulibaly.
« Lass PR », le choix d’Alassane Ouattara à Korhogo
Les curriculum vitae des conseillers du président ou de tous ceux appelés à de hautes fonctions politiques, sont habituellement sans surprise en Côte d’Ivoire. Des études à Abidjan, un départ en Europe ou en Amérique pour compléter le cursus, puis des postes à l’international ou dans la haute administration. Des chemins tout tracés, souvent réservés aux filles et fils de familles influentes et fortunées.
S’intéresser à Lassina Ouattara, c’est découvrir un parcours atypique et rare, débuté comme planton de la mairie de Korhogo. C’est cet homme que tout le monde surnomme « Lass PR », qui a été choisi par Alassane Ouattara pour porter les couleurs du Rassemblement des Houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP) aux municipales du 2 septembre dans la grande ville du nord ivoirien, berceau de la puissante famille Gon Coulibaly.
« Une promesse » d’Amadou Gon Coulibaly
Ce n’est pas faire offense à ses concurrents, ni prendre beaucoup de risques, que d’affirmer qu’il sera très probablement élu. Dans ce septentrion ivoirien, Alassane Ouattara a recueilli 90 % des suffrages lors de la dernière présidentielle, en 2020. Un score qui grimpe même à 98 % à Korhogo – « héritage » en sénoufo -, terre d’ancrage électoral de l’ex-Premier ministre Amadou Gon Coulibaly, décédé en août 2020, qui fut député-maire de la ville de 1995 à 2016.
« Ma candidature était d’abord une promesse de feu Amadou Gon Coulibaly. Quand j’ai voulu faire acte de candidature, en 2018, il a souhaité que j’attende encore un peu. Au nom de la discipline du parti, j’ai accepté. Il a apprécié cette attitude et je pense qu’il en a parlé au président de la République », raconte « Lass PR », nommé conseiller technique à la présidence en 2019 après avoir longtemps occupé un poste de chargé de mission responsable de la logistique. La patience paie. La loyauté aussi. Celle de Lassina Ouattara à l’encontre du chef de l’État confine à l’adoration. « C’est un peu un dieu pour moi », affirme-t-il. Un de ses deux fils, se prénomme Alassane.
« Lass RDR »
Leur première rencontre remonte à 1996, aux États-Unis. Lassina Ouattara, qui s’y est installé quatre ans plus tôt, enchaine les petits boulots, de technicien de surface dans un restaurant à délégué médical dans une pharmacie. Il croise notamment la route de celle qui deviendra ministre de la Femme, Nassénéba Touré. Les expatriés ivoiriens forment un petit monde de l’autre côté de l’Atlantique.
Le bling-bling américain l’attire moins que le bouillonnement politique en Côte d’Ivoire. Lui, l’enfant de Korhogo, né en 1966 dans une famille modeste, est adhérent au Rassemblement des démocrates (RDR) depuis son lancement. « Aux États-Unis, j’ai fait faire des autocollants sur lesquels j’avais écrit que le futur président de la République de Côte d’Ivoire serait Alassane Ouattara », se souvient-il. Il fait inscrire sur la plaque d’immatriculation de sa voiture : « Lass RDR ».
Le général Abdoulaye Coulibaly, ancien président du conseil d’administration de Air Côte d’Ivoire, remarque ce jeune militant volontaire et enthousiaste. Il jouera les intermédiaire avec le futur chef de l’État. En 2010, Lassina Ouattara rentre au pays. C’est une année électorale à haut risque. Alassane Ouattara est candidat à la présidentielle. Il propose à « Lass PR » de s’occuper de sa sécurité et de devenir son garde du corps. « Au Golf [l’hôtel où Ouattara, déclaré vainqueur par la commission électorale, établira ses quartiers pendant la crise post-électorale], on m’appelait le gars du FBI », s’amuse-t-il encore aujourd’hui.
« Comme de la famille »
« C’est quelqu’un qui s’est battu dans la vie », affirme Amadou Koné, ministre des Transports et cousin d’Amadou Gon Coulibaly. Il ne tarit pas d’éloges et décrit un homme « humaniste, loyal, respectueux et courageux ». « Il est constamment sur le terrain depuis dix ans. Chaque week-end, il est à Korhogo. Il a su se faire une place dans le cœur des habitants. Sa proximité avec les populations est sa grande force », assure-t-il.
Depuis 2021, le conseiller technique est aussi député de Korhogo. Au terme d’intenses tractations et d’un arbitrage du chef de l’État, la direction du RHDP l’avait désigné candidat aux côtés de Mamadou Sangafowa, ancien ministre de l’Agriculture, et de Tiegbana Madjara Coulibaly, une cousine d’Amadou Gon Coulibaly dont le père, Coulibaly Tiemoko, fut chef de canton de Korhogo.
« Lass PR » n’apparait pas dans l’arbre généalogique des descendants du patriarche Péléforo Gbon Coulibaly. « Mais on le considère de notre famille. C’est la même chose », affirme Amadou Koné, lui même candidat à la maire de Bouaké.
« Relation courtoise »
Face à lui, le Parti des peuples Africains-Côte d’Ivoire (PPA-CI) a aligné une autre figure locale, Issa Malick Coulibaly, le directeur de campagne de Laurent Gbagbo lors de l’élection présidentielle de 2010, longtemps en exil. Ce médecin et scientifique de formation n’est autre qu’un oncle de feu Amadou Gon Coulibaly et considère Lassina Ouattara comme « un neveu ». « Nous entretenons des relations courtoises et respectueuses », dit-il, ce qui pourrait laisser présager d’un scrutin calme dans le chef-lieu du district des Savanes.
D’autant que le candidat du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), Coulibaly Souleymane, dit SOLO CK, délégué communal de Korhogo et vice-président du parti, est… un autre neveu d’Issa Malick Coulibaly. Son père, Kassoum Coulibaly, fut le très influent président du Syndicat national des transporteurs de Côte d’Ivoire.
« J’ai commencé la politique grâce à feu Kassoum Coulibaly, qui fut député de Korhogo pour le compte du PDCI. C’est d’ailleurs lui qui m’a fait partir aux États-Unis en 1992 », explique Lassina Ouattara. La boucle est bouclée.
Source: Jeune Afrique