Le moins qu’on puisse dire après la publication de la liste des candidats du Ppa-ci, du Pdci-Rda et du Rhdp à l’élection couplée des municipales et des régionales, c’est que celle-ci n’a pas fait que des heureux au sein de tous les partis politiques. Comment pouvait-il en être autrement ? Tout choix est discriminatoire et ne peut recevoir l’assentiment de tous.
Côte d’Ivoire : le RHDP, la democratie, l’Etat et nous
Des grincements de dents, des mécontentements, il y en a eu au sein du Ppa-ci, du Pdci-Rda et du Rhdp.
Si certains candidats à la candidature, laissés au bord de la route ont appelé à soutenir les heureux choisis pour être sur le starting-block, d’autres en revanche ne comptent pas en rester là, et ont décidé de s’affranchir de la pesanteur des partis et être de la compétition.
Ils se veulent des candidats indépendants pour protester contre leur non-choix, défier le parti et lui montrer qu’il a tort en cas de victoire.
Le ton monte dans certains états-majors, contre ceux qui ont ces velléités, et qu’on qualifie d’indisciplinés, à mettre au banc des accusés et à sanctionner pour les besoins de la cause, s’ils persistent dans leur défiance du parti.
Ces propos de Cissé Bacongo, qui donnent froid dans le dos
Si au niveau du Ppa-ci et du Pdci-Rda, la direction de ces partis se fait discrète sur le sujet, au Rhdp, des voix autorisées s’élèvent pour des mises en garde et brandissent d’éventuelles sanctions auxquelles s’exposent tous ceux défieront le parti, en allant aux élections en tant que candidats indépendants.
Le Secrétaire Exécutif du Rhdp, M. Cissé Bacongo est monté au créneau pour asséner ses vérités :
« …Aucune candidature indépendant d’un militant du Rhdp ne sera pas tolérée…Tous ceux qui iront à ces élections malgré les consignes du parti, seront considérés comme des adversaires, sur le même pied que les candidats du Pdci, du Ppa-ci… ».
Il va sans dire qu’à ce niveau, il n’y a rien à redire parce qu’il s’agit d’une question interne à un parti politique qui est une association privée. La suite de sa déclaration donne froid dans le dos.
Morceau choisi :
« …Toi tu es ministre et quelqu’un est dans ton ministère et est candidat indépendant, et toi, tu ne peux pas lui parler.
On ne peut pas accepter, car c’est le parti qui fait de nous ce qu’il est. On ne passe pas de concours pour devenir ministre ou Dg. Quelqu’un qui n’est pas loyal au parti, dont l’engagement n’est pas sincère et dont la conviction est vacillante, et qui est avec toi…ce n’est pas à moi de te dire ce que tu dois faire… Si tu es un bon militant, tu sais ce que tu dois faire…». Tout un programme !
Scandaleux et inquiétant…
Cette déclaration de M. Cissé Bacongo, mérite qu’on s’y arrête. On peut admettre qu’un parti politique sanctionne un de ses militants pour indiscipline, mais que cela dépasse le cadre du parti politique, pour se déporter dans l’administration ou tout autre lieu de travail, est absolument scandaleux et très inquiétant.
Mais on n’a pas à s’émouvoir. Dans la conscience collective des militants du Rhdp, la gestion momentanée des choses de l’Etat leur confère un droit de propriété sur tout. Tous les postes de responsabilités doivent leur revenir « de droit ».
C’est ce qui se vit depuis 2011 dans l’administration publique et parapublique. Dans ces structures, il ne fait pas bon d’être estampillé militant de l’opposition.
Si c’est le cas, il n’y a aucune perspective de promotion, quelles que soient la compétence et la probité. Si d’aventure, on occupe « un tabouret », soit on le libère, soit on renonce à ses convictions profondes pour adhérer au Rhdp et espérer le garder.
Les cas Robert Beugré Mambé et Dosso Moussa
Le pays est donc plongé dans un adualisme indécent de fait, où ce qui est du parti au pouvoir et ce qui est de l’Etat, n’est pas différencié.
Ce mélange de genre indécent rappelle bien les années de gloire des partis-Etats ou partis uniques. Cela est absolument inacceptable, après plus de trente (30) années de multipartisme.
Lorsque demain, le pouvoir aura changé de mains et que les militants du Rhdp seront à la place de ceux qu’ils écrasent aujourd’hui, il est sûr, qu’ils emboucheront la trompette favorite de la victimisation et crieront sur tous les toits à la chasse aux sorcières.
C’est pourquoi il faut savoir raison garder. On ne peut pas chanter à tout bout de champ les bienfaits de la démocratie, et dans le même temps refuser le droit à la différence en faisant planer l’épée de Damoclès sur la tête de ceux qui ne rentrent pas dans les rangs.
Cela est possible dans une association privé comme un parti politique, mais inacceptable dans l’administration publique et ses démembrements. Mais hélas, c’est notre quotidien.
Par ailleurs, se prononçant sur la candidature controversée des ministres-gouverneurs, M. Robert Beugré Mambé et M. Dosso Moussa, respectivement à la mairie de Songon et au Conseil Régional du Béré, M. Kafana Koné, ci-devant président du directoire du Rhdp a eu ces mots :
« …Il y a l’incompatibilité pour exercer la fonction. On peut être éligible, et à l’arrivée, on ne peut pas faire de cumul de fonctions. Il est évident qu’ils ne vont pas exercer ensemble ces deux fonctions. S’ils sont élus, ils auront à choisir l’une ou l’autre des deux fonctions. C’est aussi simple que ça et ce sont des choses courantes chez nous… ».
Un savant calcul politicien pour la conservation du pouvoir à tous les niveaux
Que penser d’une explication aussi alambiquée ? Si tant est qu’ils ne peuvent pas exercer les deux fonctions à la fois, pourquoi les laisser alors concourir ? Pourquoi ne pas matérialiser cette incompatibilité par un texte clair pour tous et dès le départ ?
Quelle cette propension à entretenir le flou pour en tirer des dividendes ? Mais tout ceci est fait à dessein. Il rentre dans un savant calcul politicien pour la conservation du pouvoir à tous les niveaux.
On comprend dès lors, pourquoi le pouvoir Rhdp freine des quatre fers quand on évoque la réforme de la Cei, pour la rendre équilibrée et à équidistance de toutes les chapelles politiques.
Tout comme on comprend son silence méprisant quand l’opposition demande la révision du découpage électoral. Ainsi va le pays.
Mais s’il y a eu un matin en Eburnie, il y aura assurément un soir et l’ivraie sera séparée du vrai.